Tirs croisés sur le budget fédéral
Les milliards investis vontils se transformer en réali‐ sations concrètes pour les électeurs avant la pro‐ chaine campagne électo‐ rale? Les jeunes seront-ils de nouveau séduits par les libéraux? Le gouvernement paiera-t-il le prix pour avoir mis les pieds dans les champs de compétence provinciale?
À l’émission Les coulisses du pouvoir, quatre élus des principaux partis ont accepté de croiser le fer sur le budget fédéral : le député libéral Francis Drouin, le lieutenant politique conservateur pour le Québec Pierre Paul-Hus, le porte-parole bloquiste en matière de Finances, Gabriel Ste-Marie, et le chef adjoint du Nouveau Parti démocra‐ tique Alexandre Boulerice.
Une jeunesse à recon‐ quérir? M. Drouin, quand vous regardez les sondages, avez-vous l'impression que les jeunes sont encore prêts à vous écouter?
F. DROUIN : Ce sont des sondages, mais la réalité, c'est qu’en politique, il faut faire des choses nécessaires.
Mon père et ma mère ont eu la chance de travailler et de s’acheter une maison. Au‐ jourd'hui, c'est plus difficile. Il n'y a jamais eu d'investisse‐ ments dans le logement sous le gouvernement Harper.
Nous avons décidé qu’il fallait faire des investisse‐ ments. Je suis certain que je vais entendre des critiques quant à nos dépenses, mais dans les années 1990, le ratio de la dette au PIB était de 66 % comparativement à 42 % aujourd'hui, et cela va conti‐ nuer de descendre.
Il faut que nos généra‐ tions [et] nos jeunes, ma gé‐ nération et celle qui vient après moi aient une chance égale de participer à l'écono‐ mie.
M. Paul-Hus, vous quali‐ fiez ce budget de dépen‐ sier. En combien de temps le Parti conservateur pré‐ voit-il revenir à l’équilibre budgétaire?
P. PAUL-HUS : C’est impos‐ sible [à dire] malheureuse‐ ment. Quand on formera le gouvernement, on va devoir analyser tout ça parce qu'il y a tellement d'annonces qui ont été faites un peu partout. Je pense qu'ils ont perdu le contrôle totalement.
Actuellement, c'est juste du brûlage. Ils brûlent l'ar‐ gent, ils brûlent carrément les fonds publics sans savoir vraiment ce que les gens ob‐ tiennent [en retour]. Pour‐ quoi les jeunes ont-ils décro‐ ché du Parti libéral? À cause des fausses promesses.
Êtes-vous en train d'hy‐ pothéquer la prochaine gé‐ nération, M. Drouin?
F. DROUIN : Absolument pas. Notre prochaine généra‐ tion a besoin d'accès à des logements et on fait des in‐ vestissements. L'ancien gou‐ vernement, je vais le rappe‐ ler, s'est complètement dés‐ investi du logement abor‐ dable.
Une intrusion en terre provinciale? Le Bloc québécois dé‐ nonce une violation des champs de compétence provinciaux. Face à l’am‐ pleur de la crise du loge‐ ment, n’est-il pas normal que le gouvernement fédé‐ ral investisse aussi?
G. STE-MARIE : Tout à fait, il y a urgence. Nous saluons le fait que le gouvernement a enfin pris acte du fait qu’il y a une crise du logement. Le problème, c’est qu’il n’y a au‐ cun arrimage avec les pro‐ grammes du Québec.
Ce que l’on voit, c'est qu’Ottawa arrive avec ses programmes et veut mettre des normes. C'est du "papa Ottawa", ce n'est pas de la concertation avec les pro‐ vinces.
Gabriel Ste-Marie, député bloquiste de Joliette
Il ne s’agit pas seulement de respecter les champs de compétences par respect pour la Constitution, c'est aussi pour que le monde ait accès aux services. Il faut que ça aille vite, puis il faut arrê‐ ter les dédoublements coû‐ teux.
M. Drouin, prenons l’exemple du programme national des soins den‐ taires. N’aurait-il pas été mieux de s'asseoir avec les gouvernements provin‐ ciaux avant d’annoncer tout cela?
F. DROUIN : Nous respec‐ tons les champs de compé‐ tence, mais on est un parte‐ naire financier, tout comme on l'est en santé et en trans‐ ferts sociaux. On ne gère pas l'éducation, mais il y a quand même des transferts sociaux qui sont faits au Québec.
M. Paul-Hus, votre parti propose aussi d’imposer certaines conditions aux villes en matière de construction de logements. Cela peut être perçu comme une ingérence dans les compétences des pro‐ vinces, non?
P. PAUL-HUS : L'entente Canada-Québec aura beau‐ coup moins de conditions. Par contre, on a des clauses pour donner des bonus pour les municipalités qui vont dé‐ velopper davantage de loge‐ ments.
F. DROUIN : Sauf qu’on ne sait pas quel est le montant. Il y a une grande campagne de marketing de M. Poilievre, mais il n’y a pas encore de produit et il faut mettre de l'argent sur la table.
P. PAUL-HUS : On ne sait pas dans quoi on va couper encore parce qu’on ne sait pas à quoi on va s’attaquer !
Du crédit pour le NPD? M. Boulerice, allez-vous voter pour ce budget ou non? Les électeurs vont-ils vous donner du crédit à la prochaine élection?
A. BOULERICE : Dans ce budget-là, on voit l'influence du NPD. Cela veut dire que l’on utilise notre rapport de force. Nous avons fait des propositions, plusieurs ont été retenues et vont aider les gens de manière très concrète. C'est le cas en loge‐ ment avec le fonds d'acquisi‐ tion pour être en mesure de convertir des terrains publics pour la construction de loge‐ ments abordables.
On est déçus d’un paquet d’affaires, notamment de la prestation pour les per‐ sonnes en situation de han‐ dicap; 200 $ par mois, c'est ri‐ dicule, c'est presque insul‐ tant.
Alexandre Boulerice, chef adjoint du NPD et député de Rosemont-La Petite-Patrie
Donc, on est en train d'évaluer, de parler avec le gouvernement libéral, puis de voir si, dans les pro‐ chaines semaines et les pro‐ chains mois, nous serons ca‐ pables d'aller en chercher un petit peu plus pour les gens.
G. STE-MARIE : C'est comme une série à la télévi‐ sion : dans le prochain épi‐ sode, le chef du NPD va l'ap‐ puyer et il va nous dire pour‐ quoi!