La criminalité est-elle vraiment pire que jamais aux États-Unis?
En cette année électorale présidentielle aux ÉtatsUnis, le thème de l'insécu‐ rité occupe une place im‐ portante dans les préoccu‐ pations des Américains. Que disent les chiffres? Y at-il vraiment une vague de crimes violents qui justifie cette anxiété? Ou est-ce une perception entretenue par certains élus et médias qui utilisent la peur à des fins politiques?
Ceux qui fréquentent les stations de métro new-yor‐ kaises depuis plusieurs se‐ maines ont expérimenté les premières fouilles de sac par des centaines de policiers de la ville qui ont été affectés à la patrouille dans le métro.
Ces policiers sont épaulés par 750 soldats de la Garde nationale qui surveillent les allées et venues dans les sta‐ tions. Des usagers obtem‐ pèrent de bonne grâce, au nom de la sécurité, alors que d’autres trouvent cela très in‐ trusif et ne voient pas quel en est l'intérêt.
C’est la gouverneure dé‐ mocrate de l'État de New York, Kathy Hochul, qui a or‐ donné le déploiement des forces de l'ordre dans le gi‐ gantesque réseau de trans‐ port. Si vous vous sentez plus en sécurité grâce à ces pa‐ trouilleurs en uniformes, c’était notre objectif, a-t-elle dit, ajoutant qu’un certain nombre de crimes sont plus significatifs psychologique‐ ment que statistiquement.
Une perception faussée?
Il faut dire qu'au cours des dernières semaines, la vio‐ lence dans le métro de New York a fait les manchettes, notamment dans une vidéo publiée sur les réseaux so‐ ciaux, où l'on constate que la panique s’est installée dans une rame de métro de Brooklyn à la mi-mars. Une bagarre a éclaté, un couteau a été brandi et un coup de feu a même été tiré. De quoi alimenter l’anxiété des NewYorkais, et pourtant...
Le nombre d’incidents et de crimes violents à New York est plus faible que dans certains États du Sud, ex‐ plique Jeffrey Butts, profes‐ seur et chercheur au collège John Jay de justice criminelle à la City University of New York (CUNY). Il est courant que les gens pensent immé‐ diatement à la criminalité lorsqu'ils évoquent une grande ville, parce que nous sommes 8 millions [d'habi‐ tants]. Des crimes sont com‐ mis, mais si vous réfléchissez à la probabilité d'être victime d'un crime, New York n'est pas le centre du monde de la criminalité. En fait, elle n'est même pas dans le top 10 à l'heure actuelle.
En 2023, par rapport à 2022, le nombre d’homicides a baissé de presque 13 % et les fusillades ont chuté de près de 25 %. À part les vols de voitures, les statistiques new-yorkaises sur les viols, vols et autres crimes violents démontrent une tendance à la décroissance, même de‐ puis le début de l‘année 2024.
Un reportage de Frédéric Arnould à ce sujet sera pré‐ senté à l'émission Tout ter‐
diffusée dimanche de 10 h à midi sur ICI Première.
rain Chute du nombre de crimes violents
La chute du nombre de meurtres et de crimes vio‐ lents est une tendance mar‐ quée à l'échelle nationale en 2023, explique Jeff Asher, co‐ fondateur de AH Datalytics, qui a compilé les données fournies par le FBI sur 200 villes américaines. Je pense que la réponse la plus évi‐ dente est que la vie revient à la normale, que la pandémie s'est effacée de l'arrière-plan de la vie quotidienne des Américains, dit-il.
Les dépenses publiques des villes et des États sont re‐ parties à la hausse, ce qui, pense M. Asher, a permis d'interrompre à nouveau cer‐ tains de ces cycles de vio‐ lence, ce qui contribue à cette tendance générale à la baisse.
Une décroissance remar‐ quée aussi dans les villes ré‐ putées pour leur criminalité comme La Nouvelle-Orléans, Los Angeles, Chicago et Phila‐ delphie. Et historiquement, la situation actuelle est loin d’être la pire, bien au contraire, selon Jeff Archer.
Les crimes violents sont relativement stables depuis 2010. Si l'on remonte 30 ans en arrière, on constate une baisse substantielle par rap‐ port aux années 1990, où le taux atteignait presque 10 pour 100 000. Aujourd'hui, nous parlons probablement d'un taux d'environ 5,5 pour 100 000, ce qui est la meilleure estimation du taux de meurtres en 2023, détaille le cofondateur de AH Dataly‐ tics.
Mais la perception d’une grande partie de l’opinion pu‐ blique américaine l'emporte sur la réalité des chiffres. Pas moins de 77 % des répon‐ dants à un sondage Gallup publié en novembre dernier croient qu’il y a plus de crimes violents qu’avant.
Médias et politiciens montrés du doigt
Ceux qui suivent les bulle‐ tins de nouvelles sur certains réseaux de télévision ont l'impression qu'une vague de crimes violents semble s’être emparée du pays.
Des médias comme Fox News n'hésitent pas à en ra‐ jouter, par exemple lors d’une entrevue en direct avec Curtis Sliwa, ex-candidat à la mairie de New York et fonda‐ teur des Anges gardiens, un groupe de justiciers.
Alors qu’il commente en direct la façon dont son équipe a maîtrisé un migrant à New York, il déclare que ceux-ci sont en train de prendre le contrôle de la ville, ajoutant que l'homme appré‐ hendé est un voleur, selon lui. Or, selon la police de New York, l’homme était originaire du Bronx et il n’y avait au‐ cune preuve qu'il ait pu com‐ mettre un vol à l’étalage.
N’empêche, en cette an‐ née d’élection présidentielle, politiciens et médias de droite exploitent le filon des migrants qui seraient, selon eux, porteurs de criminalité violente dans les villes.
À la fin du mois de janvier, un affrontement est survenu entre des policiers et des mi‐ grants hispaniques à Time Square. Les vidéos fournies par la police indiqueraient cependant que les circons‐