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Transports collectifs : à qui la facture?

- Hugo Lavallée

La réélection de la CAQ n'a jamais été menacée lors des dernières élections, mais la compositio­n de l’opposition aurait pu être différente. Québec soli‐ daire avait de grandes am‐ bitions, Gabriel NadeauDubo­is n’ayant pas caché qu’il aspirait à devenir chef de l’opposition officielle.

Si les résultats n’ont pas été à la hauteur des attentes, c’est entre autres à cause de la promesse que le parti a faite de taxer davantage cer‐ tains types de véhicules.

L’expression taxes orange, concoctée par François Le‐ gault, a marqué les esprits et a contribué au recul de QS dans les suffrages. Les élec‐ teurs ont envoyé un message clair : pas question de haus‐ ser les taxes, surtout pas en période d’inflation.

Mieux encore, la Coalition avenir Québec, à l’instar du Parti libéral et du Parti conservate­ur, promettait de réduire les impôts - pro‐ messe tenue depuis. Quelques semaines aupara‐ vant, le rapport préélector­al du ministre des Finances montrait pourtant que le Québec était encore aux prises avec le déficit budgé‐ taire hérité de la pandémie. Les maires avaient aussi pré‐ venu qu’ils auraient besoin d’un gros coup de pouce fi‐ nancier dans les années à ve‐ nir.

Résultat, moins de deux ans plus tard, le portrait est le suivant : Québec enre‐ gistre le pire déficit de son histoire. Les municipali­tés ont obtenu le pouvoir de taxer l’immatricul­ation des véhicules. Face au refus du gouverneme­nt de subven‐ tionner davantage le trans‐ port en commun, des maires de la région de Montréal me‐ nacent de hausser substan‐ tiellement la taxe sur l’imma‐ triculatio­n pour renflouer les sociétés de transport. Cela, une semaine après que le gouverneme­nt québécois ait décidé d’emboîter le pas au fédéral en rehaussant l’impo‐ sition du gain en capital.

Des sociétés de trans‐ port dans le rouge

Depuis la fin de la pandé‐ mie, il ne semble plus y avoir de consensus sur qui devrait payer quoi au chapitre du transport collectif. Un certain équilibre existait autrefois entre les aides gouverne‐ mentales, la contributi­on des usagers et le financemen­t des villes. Chacun devait payer son tiers. Or, la baisse de l’achalandag­e - on pense ici au télétravai­l -, combinée à la hausse des salaires et du prix des carburants, ont du‐ rablement plongé dans le rouge les finances des opéra‐ teurs, surtout dans la région de Montréal.

Des maires affirment que c’est carrément l’avenir du transport collectif qui est en jeu. Le gouverneme­nt québé‐ cois se dit prêt à aider, mais ne souhaite pas avoir à épon‐ ger systématiq­uement les déficits de tous les orga‐ nismes de transport. Quant au gouverneme­nt fédéral, il n’a pas prévu de sommes ad‐ ditionnell­es pour aider les villes dans son budget de la semaine dernière, et ce, même s’il a multiplié les an‐ nonces dans les champs de compétence des provinces.

Il est vrai que les villes ont beau jeu de toujours récla‐ mer plus d’argent à Québec. Le premier ministre Legault ne manque d’ailleurs jamais une occasion de rappeler que les employés des munici‐ palités sont mieux rémuné‐ rés que ceux de la fonction publique. Québec s’apprête à revoir l’ensemble de ses dé‐ penses et s’attend à ce que les villes en fassent autant. Des audits de performanc­e sur les sociétés de transport, commandés par la ministre Geneviève Guilbault, sont d’ailleurs attendus ces pro‐ chains mois.

Il n’en reste pas moins que la pression d’investir dans les transports en com‐ mun est forte sur les villes et les États, aux quatre coins du monde, en raison de la crois‐ sance de la population et au nom de la lutte contre les changement­s climatique­s. Les municipali­tés et le gou‐ vernement du Québec n’échappent pas à cette pres‐ sion.

Qui payera?

On sait déjà comment tout ça se terminera : tôt ou tard, les contribuab­les de‐ vront éponger la facture. La bataille de relations pu‐ bliques à laquelle on assiste depuis quelques mois porte donc essentiell­ement sur la forme que cette hausse du fardeau fiscal prendra.

Les villes devront-elles augmenter les taxes fon‐ cières? Misera-t-on unique‐ ment sur une hausse de la taxe d’immatricul­ation? Le déficit québécois gonflera-t-il sous l’effet de nouvelles sub‐ ventions qu’on accordera aux villes? Toutes ces questions se résument en fait en une seule : qui devra assumer, en dernière instance, la respon‐ sabilité de cette nouvelle ponction fiscale?

Dans un contexte de dé‐ gradation des infrastruc‐ tures, de vieillisse­ment de la population et de transition énergétiqu­e, d’autres débats du genre sont à prévoir ces prochaines années. Le répit fiscal dont ont bénéficié les Québécois, depuis que le mi‐ nistre des Finances leur a consenti une baisse d’impôt l’année dernière, risque d’être de courte durée.

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