Radio-Canada Info

Zaho de Sagazan : un éclair qui illumine le ciel, de la France au Québec

- Élise Jetté

Elle n’a qu’un album com‐ plet dans ses bagages, mais quatre Victoires et plu‐ sieurs salles combles à son actif, dont le Club Soda vendredi dernier. Zaho de Sagazan est l’éclair qui di‐ vise le ciel en deux et illu‐ mine la ville : impossible de ne pas la voir.

À 24 ans l’autrice-compo‐ sitrice-interprète enchaîne sur scène les chansons d’amour déposées sur des rythmes électros et dances sombres. Je n’ai pourtant ja‐ mais vécu l’amour, lance-telle à son public après la deuxième chanson interpré‐ tée.

Sur la scène du Club Soda qui affiche complet depuis plusieurs semaines, la Fran‐ çaise s’adresse à ses disciples avec une aisance qu’on asso‐ cie normalemen­t à de nom‐ breuses années d’expérience.

J’ai vécu beaucoup d’his‐ toires d’amour dans ma tête et ça s’est toujours bien passé, dit-elle pour expliquer la thématique de la chanson Mon inconnu, une pièce dans laquelle elle décrit un amour façonné de toutes pièces.

Est-ce possible dans la cour des grands Mais ce gars-là ne m'est pas si in‐ connu que ça Non, non De mon côté, j'en ai rêvé des mil‐ lions de fois Alors certes, je le connais seulement à ma fa‐ çon Mais façonner des gar‐ çons, c'est mon truc à moi

Rencontrée la veille dans un café montréalai­s, Zaho de Sagazan s’est réjouie d’avoir réussi à mettre sur pied un concert qui mêle l’ensemble de ses intérêts pourtant bi‐ polaires.

Je passe de la chanson piano-voix inspirée de Bar‐ bara à de la grosse techno berlinoise et je suis très fière de notre capacité à rendre ça limpide et pas violent pour le public, explique-t-elle.

Une obscurité omnipré‐ sente, mais pas pour autant pesante accompagne l’oeuvre de l’artiste qui s’inspire large‐ ment et passionném­ent du krautrock allemand. Rema‐ niant les codes de la musique et redéfiniss­ant les possibili‐ tés, elle marie deux couleurs qui n’ont jamais été mises en‐ semble pour que sa toile ne puisse appartenir qu’à elle.

Je nomme toujours Tom Odell quand je parle des ar‐ tistes qui me font vibrer, mais ce que je fais demeure différent de ce que lui fait, souligne-t-elle. Je suis sou‐ vent dans la mélancolie, mais je la présente, la mélancolie, au moment où on la sort de soi et où elle nous libère.

L’intention de Zaho de Sa‐ gazan est une corde impor‐ tante de son arc, car même lorsque les textes qu’elle chante se veulent plus obs‐ curs, elle les envoie au visage des spectateur­s et specta‐ trices avec une fougue qui rend la colère émancipatr­ice et la tristesse affranchis‐ seuse.

D’ailleurs, on termine presque toujours le spectacle avec Ah que la vie est belle de Brigitte Fontaine, préciset-elle. Le concept, c'est qu’on a des émotions, on les vit, on les danse, on passe de l’autre côté. Je fais de l’humour entre les morceaux et per‐ sonne ne ressort en ayant eu l’impression d’avoir vécu de la tristesse.

Énergisée par l’envie de raconter des histoires, l’au‐ trice place l’humain au centre de ses textes.

Les humains sont souvent dans une métaphore liée à la nature, mais bien que je parle de nuages et d'oiseaux, je parle toujours, au fond, de l'humain, dans le but de rendre l’intime, universel.

Zaho de Sagazan

Ce qui arrive après les trophées

Son album La symphonie des éclairs, paru en 2023, lui a valu le prix d’Album et de Chanson de l’année aux Vic‐ toires en février dernier. Elle a également ramené chez elle les trophées de Révéla‐ tion féminine et de Révéla‐ tion scène, ressortant ainsi grande gagnante de la soirée des récompense­s de la mu‐ sique en France.

Ce qui a changé c'est sur‐ tout qu'il y a plus de gens qui me connaissen­t, assure Zaho de Sagazan lorsqu’on aborde l’impact des trophées sous lesquels elle croule.

Je trouvais l’album bien avant qu’il soit récompensé et je le trouve encore bien, renchérit-elle, en précisant qu’elle a offert les Victoires aux membres de son équipe.

On n'a pas fait cet album pour le vendre. J'ai eu besoin de le faire. J'ai passé cinq ans dessus et j'ai donné toute mon âme.

Zaho de Sagazan

Dépaysée par le Québec, elle aime y retrouver sa meilleure copine qui a démé‐ nagé ici et entendre la langue qu’elle connaît dans un ac‐ cent franchemen­t agréable. On sent l'Amérique, on sent un espace qu'on n'a jamais l'habitude de voir et les gens sont très accueillan­ts.

Si on tâte le terrain pour connaître ses plus folles en‐ vies de collaborat­ion avec le Québec, plutôt que de nom‐ mer un artisan de la mu‐ sique, la Française nomme Xavier Dolan, qu’elle aimerait voir réaliser un de ses vidéo‐ clips. Je suis très inspirée par son travail, ajoute-t-elle. Plu‐ sieurs de ses films m'ont bouleversé­e, Mommy, sur‐ tout.

Jusqu’à son prochain pas‐ sage sur le continent, elle es‐ père que ses idées et sa vi‐ sion poursuivro­nt leur che‐ min chez nous.

J’ai envie de donner aux gens la nécessité de se libé‐ rer de plein de diktats avec toute la philosophi­e que j'es‐ saie de donner. Être gentil, généreux, danser, exister, vivre, n'en avoir rien à foutre.

On n’est pas là pour être beaux, on n'est pas là pour sentir bon, on est là pour être intelligen­ts, gentils et faire du bien.

Zaho de Sagazan

Zaho de Sagazan sera de retour à Montréal pour les Francos le 22 juin, au MTelus.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada