Des milliers de demandes fédérales d’accès à l’information sont introuvables
Si vous attendez une ré‐ ponse à une demande d’ac‐ cès à l’information trans‐ mise à l’Agence des ser‐ vices frontaliers du Canada (ASFC), l’attente risque d’être longue. Voire éter‐ nelle.
Radio-Canada a appris qu’environ 12 000 demandes d’accès, et potentiellement des milliers d’autres docu‐ ments en lien avec ces de‐ mandes, comme des cour‐ riels, des statistiques ou des rapports d'enquête, sont ac‐ tuellement introuvables, à la suite d’un problème informa‐ tique touchant l’organisation fédérale.
[Nous travaillons] avec des experts du gouverne‐ ment et des fournisseurs du secteur privé des systèmes concernés pour comprendre le problème, ses impacts et y trouver des solutions.
Guillaume Bérubé, porteparole de l’ASFC
Une mise à niveau de l'in‐ frastructure de l'ASFC serait à l’origine du problème. Cette maintenance, effectuée le 8 février, a rendu certains fi‐ chiers [...] inaccessibles, ex‐ plique Jean-Pierre Potvin, porte-parole de Services par‐ tagés Canada (SPC), l’agence fédérale responsable des ser‐ vices numériques.
On ne s’attendait pas à ce que les travaux aient une in‐ cidence sur les services de l’ASFC, ajoute-t-il.
Incidence finale incon‐ nue
Au total, le problème a touché 40 des 1700 serveurs exploités par les services frontaliers, ce qui représente 16 000 demandes d’accès à l’information, dont certaines datent d’avant 2021. Jusqu’à maintenant, 4000 demandes ont été récupérées, men‐ tionne Jean-Pierre Potvin.
Malgré plusieurs relances, ni l’ASFC ni SPC ne sont en mesure d’indiquer si les mil‐ liers d’autres documents liés à l’accès à l’information et à la protection des renseigne‐ ments personnels (AIPRP) pourront un jour être retrou‐ vés.
L'information n’a pas été supprimée ou compromise. En fait, pendant le processus dont le but était d’ajouter de la capacité de stockage, le fi‐ chier index qui fournit les liens de tous les fichiers d’AI‐ PRP de l’ASFC a été écrasé. Sans lui, les fichiers d’AIPRP de l’ASFC demeurent inacces‐ sibles, détaille Jean-Pierre Potvin.
L’incidence réelle de l’in‐ terruption sera seulement connue une fois que les ef‐ forts pour rétablir les don‐ nées inaccessibles seront achevés.
Jean-Pierre Potvin, porteparole de Services partagés Canada
Cet incident et ses consé‐ quences sur des milliers de demandes d’accès à l’infor‐ mation n’ont pas été parta‐ gés avec leurs auteurs, qui doivent débourser 5 $ pour
de telles requêtes. Seul un communiqué, mis en ligne sur le site des services fron‐ taliers en février, fait briève‐ ment état de l’événement.
Pourtant, souligne SPC, ce problème entraînera des re‐ tards de traitement.
Très inquiétant, selon des experts
Radio-Canada
a
eu connaissance de ce pro‐ blème par hasard, en relan‐ çant l’ASFC à la suite d’une demande d’accès ne respec‐ tant pas le délai de réponse de 30 jours prévu par la Loi sur l’accès à l’information.
C’est très inquiétant. Il y a un problème fondamental, juge l’avocat Michel Drapeau, spécialiste de cette loi.
Il devrait y avoir une en‐ quête pour comprendre ce qui s’est passé et s’assurer qu’il n’y a pas d’autres don‐ nées perdues, soutient-il.
L'existence de milliers de demandes non traitées, re‐ montant à plusieurs années, illustrerait également le manque de transparence des services frontaliers cana‐ diens, estime le sénateur Claude Carignan.
Il n’y a aucune volonté de régler ces demandes. Ça n’a pas de bon sens, clame-t-il. Une chose est certaine, c’est mal géré. Ça montre que ce gouvernement est opaque et [qu']il a perdu la maîtrise de la situation. C’est désolant.
Ce gouvernement a com‐ plètement perdu la maîtrise des accès à l’information.
Claude Carignan, sénateur conservateur
La commissaire à l’infor‐ mation du Canada, Caroline
Maynard, a déjà fermement haussé le ton contre le gou‐ vernement fédéral à ce sujet, en évoquant des problèmes chroniques et une situation lamentable.
En début d’année, elle avait d’ailleurs exhorté Ot‐ tawa à mettre fin à la « culture du secret ».
Avec la collaboration d'Aude Garachon