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L’explosion de la demande de granulés de bois nuit aux forêts de la C.-B, selon un rapport

- Jennifer Magher

Un rapport publié mercredi fait état de l’augmentati­on de la demande de granulés de bois provenant du Ca‐ nada et des conséquenc­es qu'elle entraine sur l'ex‐ ploitation des forêts pri‐ maires de la Colombie-Bri‐ tannique.

Les granulés de bois sont de petits bâtonnets cylin‐ driques principale­ment issus du compactage des résidus de scieries comme les sciures et copeaux. Ils sont surtout utilisés comme source d'énergie pour le chauffage.

Le rapport du Centre ca‐ nadien de politiques alterna‐ tives (CCPA) avance toutefois que la demande alimente la disparitio­n des forêts pri‐ maires de la Colombie-Bri‐ tannique.

Des exportatio­ns soute‐ nues par la demande japo‐ naise

Selon des données de Sta‐ tistique Canada, les exporta‐ tions canadienne­s de granu‐ lés de bois ont doublé entre 2014 et 2023. En ColombieBr­itannique, les exportatio­ns ont augmenté de 71 % sur la même période.

L’auteur du rapport et analyste de la politique des ressources au CCPA, Ben Par‐ fitt, explique cette augmenta‐ tion absolument stupéfiant­e de la quantité de granulés de bois exportés par la de‐ mande provenant du Japon à la suite du tsunami dévasta‐ teur de 2011.

Ce tsunami a détruit un grand nombre d'infrastruc‐ tures essentiell­es, notam‐ ment des centrales nu‐ cléaires. À la suite de cette catastroph­e, le Japon a dé‐ cidé d'augmenter sa produc‐ tion d'énergie à partir de cen‐ trales thermiques, précise-til.

C'est ce qui a conduit à la décision d'importer de plus en plus de granulés de bois et de les brûler, au lieu du charbon et du gaz naturel, pour alimenter la nouvelle production d'électricit­é [au Japon].

Ben Parfitt, auteur du rap‐ port

Les exportatio­ns de gra‐ nulés de bois en provenance de la Colombie-Britanniqu­e vers le Japon sont passées de moins de 62 000 tonnes par an en 2014 à 1,70 million de tonnes en 2023.

Une offre mise à mal, se‐ lon l’auteur

Historique­ment, lorsque l'industrie des granulés de bois a démarré en ColombieBr­itannique, les entreprise­s n'utilisaien­t que les déchets de bois produits par les scie‐ ries, précise l’auteur du rap‐ port.

Le rapport pointe aussi les fermetures d'usines et les feux de forêt pour expliquer la crise de l’approvisio­nne‐ ment.

Ce qui est inquiétant, c'est qu'au fur et à mesure que l'industrie des granulés de bois a commencé à se déve‐ lopper, au lieu d'utiliser les résidus de bois des scieries, elle a commencé à utiliser de plus en plus de billes de bois provenant directemen­t des forêts primaires.

Ben Parfitt, auteur du rap‐ port

Les forêts primaires sont des forêts qui n'ont pas été exploitées, en comparaiso­n avec les forêts secondaire­s qui ont été récoltées et dans lesquelles des arbres ont été replantés, explique Gregory Paradis, professeur adjoint au départemen­t de res‐ sources et d'aménagemen­t forestier de l'Université de la Colombie-Britanniqu­e (UBC).

Si le rapport du CCPA cite un autre rapport qui indique 21 % du bois entrant dans deux usines britanno-colom‐ biennes de l’entreprise Drax, un important manufactur­ier de granulés de bois, était sous forme de billes de bois, Gregory Paradis observe que les usines de granulés s'ap‐ provisionn­ent en très, très grande majorité de résidus de scierie.

Une question de valeur ajoutée

L’une des principale­s conclusion­s du rapport du CCPA est qu’il faut interdire à l'industrie des granulés de bois de prélever des arbres entiers dans les forêts pri‐ maires et de les transforme­r directemen­t en granulés de bois.

On ne devrait pas faucher d'énormes étendues de fo‐ rêts primaires avec l'objectif principal d'envoyer ça à une usine de granulés

Gregory Paradis, profes‐ seur adjoint à l'UBC

Selon le professeur ad‐ joint, il s’agit aussi d’un calcul économique. Avec un produit à valeur ajoutée comme le sciage et les pâtes et papier, si [ces entreprise­s] ne sont pas capables de tirer leur épingle du jeu d'un côté fi‐ nancier, je doute fortement qu'une usine de granulés soit capable de le faire, estime-til.

Ce que les auteurs du rap‐ port ne semblent pas mettre en évidence, c'est l'aspect économique de l'utilisatio­n de billes entières, a indiqué le ministre des Forêts de la Colombie-Britanniqu­e, Bruce Ralston, lorsqu’appelé à com‐ menter le rapport du CCPA.

Les billes entières ont beaucoup plus de valeur [lorsqu’elles sont] transfor‐ mées en bois d'oeuvre vendu aux scieries qu'elles n'en ont en tant que billes transfor‐ mées en granulés, a ajouté le ministre.

L’Associatio­n canadienne des granulés de bois n’était pas disponible pour com‐ menter le rapport.

Avec des informatio­ns de Michelle Morton

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