Radio-Canada Info

Ottawa autorise le secteur aérospatia­l à se procurer du titane russe

- Rania Massoud

Le Canada accorde une dé‐ rogation aux entreprise­s du secteur aérospatia­l leur permettant de se procurer du titane russe dans leur production, malgré les sanctions imposées par Ot‐ tawa sur cette industrie, a affirmé jeudi la cheffe de la diplomatie, Mélanie Joly. Selon nos informatio­ns, il s'agit d'une mesure « limi‐ tée » et temporaire.

Répondant aux questions de journalist­es à Saskatoon, la ministre des Affaires étran‐ gères a affirmé que cette me‐ sure vise à protéger les em‐ plois ici au Canada, tout en maintenant une pression maximale sur le régime russe.

Elle n’a toutefois pas pré‐ cisé combien d’entreprise­s sont concernées par cette exemption partielle, mais Air‐ bus et Bombardier ont an‐ noncé bénéficier de cette mesure. Boeing a, pour sa part, indiqué à Radio-Canada ne pas s'approvisio­nner en ti‐ tane en provenance de la Russie.

On sait qu’au Québec et au Canada il y a une industrie aérospatia­le très importante. C’est pourquoi on a été en mesure d’avoir une approche équilibrée.

Mélanie Joly, ministre ca‐ nadienne des Affaires étran‐ gères

Mercredi, l’agence de presse Reuters affirmait que le constructe­ur européen Air‐ bus bénéficiai­t de cette déro‐ gation pour sa production au Canada.

L’avionneur possède plu‐ sieurs usines au Canada, pro‐ duisant des avions commer‐ ciaux de type A220 à Mirabel, au Québec, ainsi que des hé‐ licoptères à Fort Érié, en On‐ tario. La compagnie possède aussi une division spécialisé­e en défense et espace à Ot‐ tawa.

Airbus emploie 4000 per‐ sonnes au Canada, dont 3000 à Mirabel.

Maintenir les activités

Selon Reuters, l’exemption décidée par le Canada de‐ vrait aider Airbus à maintenir ses activités intactes au pays sans qu’elles soient affectées par l’interdicti­on d’importa‐ tion imposée par le Canada sur le principal fournisseu­r de titan en Russie, VSMPOAVISM­A.

Une porte-parole d'Airbus a confirmé à Radio-Canada ces informatio­ns.

Airbus a pris connais‐ sance des sanctions impo‐ sées par le gouverneme­nt ca‐ nadien contre VSMPOAVISM­A et a obtenu les auto‐ risations nécessaire­s pour garantir la conformité des opérations d'Airbus avec les sanctions applicable­s.

Une porte-parole d'Airbus Jeudi, le PDG de Bombar‐ dier, Éric Martel, a lui aussi affirmé que son entreprise, qui emploie plus de 9000 personnes au Québec et 2500 en Ontario, bénéficie elle aussi de cette exemption, selon Reuters.

Le 21 février dernier, le Canada a imposé des sanc‐ tions sur 153 entités russes liées au complexe militaro-in‐ dustriel russe, dont VSMPOAVISM­A. La société, fondée en 1941 dans l’Oural, est le premier fournisseu­r de l’aé‐ ronautique au niveau mon‐ dial. Le quart de la compa‐ gnie est détenue par Rostec, l'un des principaux conglo‐ mérats russes de l'industrie de la défense.

Les États-Unis et l’Union européenne se sont abste‐ nus d’imposer des sanctions sur l’industrie de titane russe, notamment pour ne pas nuire à leurs industries aéro‐ spatiales qui en dépendent encore.

Le géant américain de l'aéronautiq­ue Boeing af‐ firme de son côté avoir com‐ plètement abandonné le ti‐ tane russe depuis mars 2022.

Le constructe­ur, qui em‐ ploie environ 14 000 per‐ sonnes au Canada, affirme à Radio-Canada s'approvisio­n‐ ner actuelleme­nt en titane principale­ment aux ÉtatsUnis, mais aussi au Japon, en Chine et au Kazakhstan.

Notre inventaire et notre diversité de sources de titane fournissen­t un approvisio­n‐ nement suffisant pour la pro‐ duction d'avions et nous continuero­ns à prendre les mesures nécessaire­s pour assurer la continuité à long terme.

Connor Greenwood, porte-parole de Boeing

Une mesure limitée

Malgré cette exemption accordée au secteur de l’aé‐ rospatial, la ministre Joly af‐ firme que le Canada a l’un des régimes de sanctions les plus sévères et le plus percu‐ tant au monde, surtout en ce qui concerne la Russie.

Selon des informatio­ns obtenues par Radio-Canada, cette exemption sera dispo‐ nible pour une durée limitée et les exemptions de permis délivrées ne s'appliquent qu'au secteur aérospatia­l, y compris le secteur militaire.

La mesure est limitée, a-ton appris, et le gouverne‐ ment a envoyé un message clair aux entreprise­s dans l’industrie : elles doivent trou‐ ver d’autres sources de ti‐ tane, comme le fait déjà Boeing.

Selon Affaires mondiales Canada, Ottawa a, depuis 2014, sanctionné plus de 2900 entités et personnes en Russie, en Ukraine, au Bela‐ rus et en Moldavie.

Ces mesures visent à dé‐ noncer les atteintes à la sécu‐ rité internatio­nale commises par la Russie et ceux qui la soutiennen­t, à limiter la ca‐ pacité du gouverneme­nt russe à financer sa guerre illégale contre l'Ukraine et à faire pression sur le régime de Poutine afin qu'il corrige de comporteme­nt, indique un porte-parole d’Affaires mondiales.

La décision d'exempter le secteur aérospatia­l a suscité de vives réactions de la part de l'ambassadri­ce d'Ukraine à Ottawa. Dans une entrevue accordée à CBC, Yuliya Kova‐ liv a affirmé que l'achat du ti‐ tane russe ne fait qu'alimen‐ ter la machine de guerre du Kremlin contre son pays.

De son côté, le Congrès ukrainien canadien (UCC) ap‐ pelle Ottawa à faire marche arrière et à appliquer les sanctions sur toutes les in‐ dustries qui ne respectent pas les sanctions imposées sur Moscou, appelant le gou‐ vernement de Justin Trudeau à appliquer un « embargo to‐ tal » sur les produits russes.

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