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Principe de Jordan : des retards dans les services aux enfants autochtone­s

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Le ministère des Services aux Autochtone­s Canada (SAC) prend plus de temps pour répondre aux de‐ mandes urgentes d'accès des enfants des Premières Nations aux soins médi‐ caux et aux services so‐ ciaux, ce qui met des vies en danger, selon les cri‐ tiques.

Dans le cadre d'un pro‐ gramme connu sous le nom de principe de Jordan, le mi‐ nistère fédéral est censé trai‐ ter ces demandes urgentes de soins médicaux et de ser‐ vices sociaux dans un délai de 12 heures. Les experts af‐ firment que de nombreux enfants risquent de subir un préjudice irrémédiab­le s'ils n'obtiennent pas d'aide dans ce délai.

Or, de nouvelles données montrent que SAC ne par‐ vient souvent pas à fournir ce type de soins urgents en temps voulu et n'a respecté le délai de 12 heures que dans 33 % des cas au cours de l'exercice fiscal 2022-2023, soit une baisse de 19 % par rapport à l'année précé‐ dente.

Le gouverneme­nt fédéral a fourni ces chiffres en ré‐ ponse à une question inscrite au feuilleton soumise par le député néo-démocrate Char‐ lie Angus, qui a partagé l'in‐ formation avec CBC News.

Ce gouverneme­nt laisse complèteme­nt tomber les enfants des Premières Na‐ tions, a déclaré M. Angus, qui représente la circonscri­ption de Timmins-Baie James, dans le nord de l'Ontario.

Lorsque nous avons un cas urgent, cela devrait être une priorité, mais ça ne semble pas être le cas.

Des chiffres plus récents déposés par Ottawa auprès du Tribunal canadien des droits de la personne confirment le déclin du ser‐ vice.

Le taux de conformité de Services aux Autochtone­s Ca‐ nada a chuté à 24 % pour les cas urgents et à 29 % pour les cas non urgents entre le 1er avril 2023 et le 29 février 2024, selon les documents du tribunal.

Les données montrent une tendance à la baisse de la capacité du ministère à ai‐ der les enfants des Pre‐ mières Nations, dont les fa‐ milles et les fournisseu­rs de soins se tournent vers le gou‐ vernement fédéral pour ob‐ tenir de l'aide afin de préve‐ nir les retards de développe‐ ment et de sauver des vie.

Voir de tels niveaux de non-conformité pour les en‐ fants les plus démunis est vraiment, vraiment préoccu‐ pant, a souligné Cindy Blackstock, directrice géné‐ rale de la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations.

Baisse des conformité taux de

Le principe de Jordan porte le nom de Jordan River Anderson, de la Nation crie de Norway House, décédé en 2005 à l'âge de 5 ans pen‐ dant que le Manitoba et Ot‐ tawa se disputaien­t pour sa‐ voir qui paierait pour ses soins.

En 2007, la Chambre des communes a adopté le prin‐ cipe au nom de cet enfant et Ottawa a lancé le programme du principe de Jordan en 2016 pour indemniser les fa‐ milles admissible­s pour les services de santé et les ser‐ vices thérapeuti­ques de leurs enfants.

En 2017, le Tribunal cana‐ dien des droits de la per‐ sonne a ordonné au Canada de traiter les demandes rela‐ tives au principe de Jordan dans un délai de 12 à 48 heures.

En réponse à une contes‐ tation de Cindy Blackstock sur les problèmes de confor‐ mité du gouverneme­nt, les avocats de Services aux Au‐ tochtones Canada de‐ mandent maintenant au tri‐ bunal de prolonger les délais du principe de Jordan et, dans certains cas, de les éli‐ miner.

Pour les cas individuel­s urgents, le départemen­t fé‐ déral souhaite que le délai soit étendu de 12 heures à 48 heures. Pour les cas non urgents, le ministère sou‐ haite prolonger le délai de 48 heures à ... ce qu'il considère comme raisonnabl­e, en ré‐ ponse à ce qu'il appelle une augmentati­on significat­ive de la demande.

La cheffe nationale de l'Assemblée des Premières Nations (APN), Cindy Wood‐ house Nepinak, a fait savoir qu'elle ne souhaitait pas que ces délais soient modifiés.

L'Assemblée des Pre‐ mières Nations est préoccu‐ pée par le retard pris par SAC dans le traitement des de‐ mandes relatives au principe de Jordan, a-t-elle indiqué.

Services aux Autochtone­s Canada n'est pas seulement confronté à des problèmes liés aux cas urgents. Les taux de conformité pour les cas non urgents, qui sont censés être traités dans les deux jours, sont également en baisse.

Entre 2022 et 2023, SAC a traité 36 % des cas non ur‐ gents dans les délais impar‐ tis, soit une baisse de 10 % par rapport à l'année précé‐ dente, selon la réponse du gouverneme­nt à la question posée par le député du NPD.

Lori Idlout, députée néodémocra­te du Nunavut, pré‐ vient que si des change‐ ments ne sont pas apportés immédiatem­ent, les enfants en pâtiront. Ils vont mourir dans la pauvreté ou dans la toxicomani­e, a-t-elle lancé. Ils iront à l'école le ventre vide. Ils ne recevront pas l'éduca‐ tion dont ils ont besoin.

Disparités régionales

Les trois principale­s caté‐ gories de demandes approu‐ vées pour le principe de Jor‐ dan depuis 2022 concer‐ naient les voyages médicaux, l'éducation et le soutien éco‐ nomique, selon les docu‐ ments déposés auprès du tri‐ bunal.

Services aux Autochtone­s Canada estime qu'au 27 mars, son service consacré au principe de Jordan gérait entre 40 000 et 82 000 de‐ mandes en souffrance, selon les documents.

Les documents du tribu‐ nal révèlent également des différence­s dans la manière dont le principe de Jordan est administré à travers le pays.

L'Ontario a enregistré le taux de conformité le plus bas de toutes les provinces entre le 1er avril 2023 et le 29 février 2024 pour les cas urgents. Les documents montrent que SAC a répondu à seulement 15 % des cas ur‐ gents en Ontario dans les dé‐ lais prévus par le principe de Jordan, alors que le ministère a respecté les délais au Qué‐ bec et dans la région de l'At‐ lantique dans 54 % des cas les taux de conformité les plus élevés enregistré­s.

En ce qui concerne les cas non urgents, les documents indiquent que les enfants des Premières Nations du Mani‐ toba ont connu le temps de réaction le plus lent - seule‐ ment 14 % des demandes de soins non urgents dans la province ont respecté le délai - tandis que les enfants de l'Alberta ont vu leurs de‐ mandes traitées avant la date limite dans 44 % des cas - le temps de réaction le plus ra‐ pide.

Le message est que dans certaines régions du pays, si vous êtes un enfant autoch‐ tone et que vous avez besoin de soins médicaux, vous de‐ vez vous débrouille­r tout seul, a commenté M. Angus.

Aucune des opérations provincial­es de SAC n'a ob‐ tenu de moins bons résultats que le bureau national en ce

qui concerne le respect des délais du principe de Jordan. Le bureau national n'a ré‐ pondu à temps qu'à 6 % des cas urgents et à 5 % des cas non urgents, selon les docu‐ ments.

La ministre des Services aux Autochtone­s, Patty Ha‐ jdu, a décliné une demande d'entrevue de CBC.

Dans une déclaratio­n en‐ voyée par courriel, un porteparol­e de son ministère a dé‐ claré que le nombre de de‐ mandes de services en vertu du principe de Jordan a aug‐ menté rapidement, passant de 15 800 demandes en 2018 à 110 000 en 2022.

Si cela signifie que davan‐ tage d'enfants reçoivent les services sociaux, de santé et d'éducation ainsi que les sou‐ tiens dont ils ont besoin, ce qui pose un défi pour le gou‐ vernement de suivre le rythme du volume, a expli‐ qué Ryan Tyndall, porte-pa‐ role de SAC.

Il a indiqué que le gouver‐ nement prenait un certain nombre de mesures pour ré‐ duire les délais, notamment en recrutant du personnel supplément­aire, en affectant des équipes à la résorption des retards et en envisagean­t l'automatisa­tion de la gestion des demandes.

Il reste encore beaucoup à faire, c'est pourquoi nous travaillon­s avec les parte‐ naires des Premières Na‐ tions, les provinces et les ter‐ ritoires pour élaborer des ap‐ proches à long terme afin de mieux répondre aux besoins uniques des enfants des Pre‐ mières Nations, a affirmé M. Tyndall.

Depuis 2016, Ottawa a in‐ vesti près de 8,1 milliards de dollars dans le programme dédié au principe de Jor‐ dan.Mme Blackstock a dé‐ claré qu'elle espérait que les changement­s feraient une différence, mais qu'elle aurait souhaité que le ministère agisse plus tôt.

Lorsque vous avez un pro‐ blème, vous le traitez dès les premiers stades, a-t-elle sou‐ ligné. On n'attend pas qu'il y ait une crise.

D’après un texte de Olivia Stefanovic­h, de CBC

dage.

Créée pendant la pandé‐ mie, la province possède un centre d'appels supplémen‐ taire qui peut être rouvert au besoin, assure le Coordina‐ teur provincial de l’Organisa‐ tion des mesures d'urgence.

Avec des informatio­ns de

Kerry Campbell, de CBC

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