Le principe de neutralité du Net rétabli aux ÉtatsUnis
Abolie depuis six ans aux États-Unis, la neutralité du Net marque finalement son retour : l'autorité amé‐ ricaine des télécommunica‐ tions a décidé jeudi de ré‐ tablir ce principe qui garan‐ tit l'accès égalitaire à Inter‐ net.
Chaque consommateur et consommatrice mérite un ac‐ cès à Internet rapide, ouvert et équitable.
Jessica Rosenworcel, pré‐ sidente de la FCC
Ces règles sur la neutralité du Net garantissent que vous puissiez aller où vous voulez et faire ce que vous voulez en ligne, sans que votre fournis‐ seur ne fasse de choix à votre place, a ajouté la prési‐ dente de l'Agence fédérale des communications (FCC) avant de passer au vote.
Depuis 2018, les entre‐ prises de télécommunica‐ tions américaines se ré‐ servent le droit de demander à leur clientèle de payer pour accéder à certains sites web. Elles peuvent également mo‐ duler volontairement la vi‐ tesse de connexion, en fonc‐ tion des contenus.
Cela a ouvert la porte à ce que des fournisseurs d’accès à Internet favorisent des sites leur appartenant, au dé‐ triment de ceux de la compé‐ tition, ou encore à ce que des entreprises les paient pour offrir à leur clientèle un accès plus rapide à leur service.
Cela a même pu affecter des internautes au Canada, en raison du trafic web qui transite en grande partie par les États-Unis. Pourtant, le
Canada, de même que la plu‐ part des pays du monde, adhère à ce principe de neu‐ tralité du Net. Le Conseil de la radiodiffusion et des télé‐ communications cana‐ diennes (CRTC) avait par ailleurs jugé bon de renforcer son engagement sur ce prin‐ cipe, lorsqu’il a été éradiqué dans le pays voisin.
Mais voilà que les ÉtatsUnis font marche arrière : la FCC a voté, par trois voix (dé‐ mocrates) contre deux (répu‐ blicaines), pour réinstituer la réglementation adoptée sous Barack Obama en 2015 sur ce principe de neutralité du réseau Internet.
[Les nouvelles règles] in‐ diquent clairement que votre fournisseur d’accès à Internet ne doit pas avoir le droit de bloquer de sites web, de ra‐ lentir des services ou de cen‐ surer des contenus en ligne, a indiqué Jessica Rosenwor‐ cel.
Une décision qui avait fait réagir
En 2017, sous le gouver‐ nement de Donald Trump, la FCC s'était prononcée pour la fin du principe de neutralité du Net, assurant qu'il nuisait aux investissements des télé‐ communications dans les ré‐ seaux Internet ultrarapides.
À cette époque, le pré‐ sident de l'agence estimait que les règles sur la neutra‐ lité constituaient une tenta‐ tive de transformer les four‐ nisseurs d’accès Internet en services publics, moins prompts, selon lui, à investir.
Cette abolition était de‐ puis combattue par de nom‐ breux États. La Californie avait réagi en adoptant sa propre loi de garantie de la neutralité du Net, qu'elle a ensuite dû défendre devant les tribunaux.
Tim Berners-Lee, le fonda‐ teur du web, ainsi que Steve Wozniak, cofondateur d’Apple, avaient critiqué ces changements dans une lettre ouverte, signée par 21 per‐ sonnes et envoyée au souscomité des communications, de la technologie, de l’innova‐ tion et d’Internet.
Notons que la plupart des grandes plateformes numé‐ riques s'opposent également à cet Internet à deux vitesses et défendent le principe d'ac‐ cès égalitaire.
Jeudi, Evan Greer, qui di‐ rige l’organisme de défense des droits numériques Fight for the Future, s'est dit ravi que la FCC reprenne enfin ses responsabilités pour pro‐ téger les consommateurs et les consommatrices des pires méfaits des grandes entre‐ prises de télécommunica‐ tions.
Les géants des télécom‐ munications, tels que AT&T et Comcast, ont dépensé des millions en lobbying et ma‐ noeuvres douteuses pour tenter d'empêcher le retour de la neutralité du Net. Mais ils continuent de perdre.
Evan Greer, directrice de Fight for the Future
En amont du vote de la FCC, l'ONG Electronic Frontier Foundation avait cependant averti que rétablir les règles de 2015 ne constituait pas une solution miracle.
Les fournisseurs d’accès à Internet doivent être ouverts sur la manière dont le trafic est géré sur leurs réseaux afin que tout le monde puisse savoir s'il y a un pro‐ blème. Les collectivités lo‐ cales peuvent également jouer un rôle crucial en sou‐ tenant des réseaux ouverts à la concurrence, avait détaillé l'organisation.