La diplomatie du plastique (ou pelleter par en avant)
Pendant longtemps, mettre ses détritus au recyclage a été le geste individuel ul‐ time pour se convaincre qu’on faisait sa part pour protéger l’environnement.
Au fil des ans, nos bacs ont pris du poids, à mesure que la quantité d’emballages et d’objets de plastique à usage unique augmentait dans notre vie quotidienne. Petit à petit, on s’est aperçus que seule une partie infime de ce qui va au centre de tri est recyclée.
Il est toujours socialement mal perçu de mettre à la poubelle des matières dites recyclables. Peu importe la part colossale des embal‐ lages de plastique que lui im‐ pose l’industrie, c’est encore beaucoup le citoyen qui porte l’odieux de cette pollu‐ tion.
Pourtant, le problème que les responsables politiques commencent à reconnaître, c’est qu’il y a, d’un côté, cette obsession de l’industrie à tout emballer de plastique et, de l’autre, des lacunes pour recycler et réutiliser la ma‐ tière.
On produit du plastique qui ne se recycle pas et qui va directement aux poubelles quelques minutes après avoir été consommé, note en entrevue à Radio-Canada la directrice générale du Pro‐ gramme des Nations unies pour l’environnement et se‐ crétaire générale adjointe de l’ONU, Inger Andersen.
À l’échelle de la planète, plus de 90 % du plastique consommé se retrouve dans la nature. Seuls 9 % de tous les déchets plastiques sont recyclés, autant au Canada que sur l’ensemble de la pla‐ nète.
Neuf pour cent : s’il y a une statistique qui symbolise l’échec de la gestion du plas‐ tique dans le monde, c’est bien celle-là.
Une très grande partie du plastique n’est pas recyclée tout simplement parce que sa composition est devenue trop complexe. La grande multiplicité des polymères et des nombreux additifs ajou‐ tés pour la couleur, la sou‐ plesse ou les différentes tex‐ tures sur un même embal‐ lage posent de grandes diffi‐ cultés pour un recyclage effi‐ cace.
En moins de 100 ans, le plastique est devenu le troi‐ sième matériau le plus fabri‐ qué au monde, après le ci‐ ment et l’acier. Si rien n’est fait pour ralentir sa produc‐ tion, elle va tripler d’ici 2060.
Les citoyens ont beau vouloir réduire leur consom‐ mation de plastique, son om‐ niprésence est telle qu’il est difficile de l’éviter.
Peut-on renverser la ten‐ dance? Tout à fait, mais à une condition, insiste Inger An‐ dersen : il faut réduire la pro‐ duction à la source et trouver des solutions de rechange moins dommageables pour l’environnement.
À lire et à écouter :
AUDIO - L'intervention d'Étienne Leblanc à ce sujet à Ça nous regarde AUDIO - En‐ trevue avec Patrick Bonin, de Greenpeace Canada, qui par‐ ticipe aux discussions Cinq questions pour comprendre les négociations sur la pollu‐ tion plastique La pollution plastique en chiffres Malgré la crise climatique, un meilleur demain est possible
Il y a loin de la coupe aux lèvres.
Car certains pays, dont la Russie, l’Arabie saoudite, l’Iran et la Chine, refusent de se faire imposer une réduc‐ tion de la production et sou‐ tiennent l’idée qu’il faut plu‐ tôt mettre les efforts sur le recyclage de la matière.
Ils défendent ainsi leur in‐ dustrie pétrolière et pétrochi‐ mique. Car pour faire du plastique, il faut chauffer un mélange de produits pétro‐ liers et de vapeur, une pre‐ mière étape pour obtenir les molécules élémentaires - des monomères - qui permettent de fabriquer le plastique.
Ces pays jettent du sable dans l’engrenage des négo‐ ciations pour ralentir le pro‐ cessus d’un éventuel traité in‐ ternational sur la pollution par le plastique.
Ils défendent le même type de discours que ceux qui bloquent les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) : il n’est pas nécessaire de ré‐ duire à la source la produc‐ tion des énergies fossiles, ce qui exigerait de changer nos façons de faire, ou peut-on tout simplement continuer à produire du pétrole et du gaz, mais tenter de capter et de stocker le CO2 résiduel dans le sol.
Du point de vue du ci‐ toyen, qui n’a pratiquement pas d’emprise sur le pro‐ blème tellement le plastique est omniprésent, ça revient à pelleter le problème par en avant, au nom de la survie d’une industrie qui se sent menacée.
Ralentir les négociations
La rencontre d’Ottawa est la quatrième d’un cycle de cinq du CIN sur un futur traité sur la pollution par le plastique.
Elle a démarré dans un contexte un peu trouble, à cause du naufrage partiel de la réunion précédente, qui avait lieu au Kenya l’automne dernier. En effet, le sommet de Nairobi a été le théâtre de tactiques diplomatiques qui ont mené vers un échec sur presque tous les plans.
Normalement, dans ce genre de grandes tractations internationales, plus on avance dans les séances de négociations, plus le texte devient précis et plus on se rapproche de l’accord désiré. Mais à Nairobi, c’est le contraire qui est survenu. Les pays récalcitrants à une ré‐ duction obligatoire de la pro‐ duction de plastique ont joué les trouble-fêtes.
Selon plusieurs sources, ils ont ralenti les discussions de façon volontaire. Au lieu de chercher des terrains d’entente, ils ont surtout ex‐ primé leurs doléances, en gorgeant le texte de départ de plusieurs dizaines d’ajouts et de commentaires.
En quelques jours, la lon‐ gueur du texte a triplé, pas‐ sant d’une trentaine à une centaine de pages.
Il n’est pas anormal que le