Radio-Canada Info

Démystifie­r l’ONU, un « espace incroyable pour apprendre et désapprend­re »

- Marie-Laure Josselin

Concentré, sans casque de traduction, Morses Caoa‐ gas Flores écoute Hindou Oumarou Ibrahim puis les intervenan­ts suivants lors de la 23e session du Forum permanent des Nations unies sur les questions au‐ tochtones. Sur son ordina‐ teur, il note tout ce qui se dit dans la salle de confé‐ rence du grand immeuble de l’ONU à New York.

Environ 2000 personnes sont présentes à ce qu’il qua‐ lifie de plus grand rassemble‐ ment de peuples autoch‐ tones. Discret, il est pourtant l’un des artisans permettant à des Autochtone­s de prendre la parole devant les États, les instances onu‐ siennes et les autres peuples autochtone­s.

Du peuple de la rivière à l’ONU

Quand on lui demande de se présenter, il sourit, et énu‐ mère les trois chapeaux qu’il porte : chargé de programme pour le bureau du Haut-Com‐ missariat aux droits de la personne à la section des peuples autochtone­s et des minorités, coordonnat­eur du programme de bourses au‐ tochtone et responsabl­e du Fonds de contributi­ons vo‐ lontaires des Nations Unies pour les Peuples Autoch‐ tones.

Mais surtout, précise l’homme de 46 ans, je suis une personne autochtone qui vient du nord des Philip‐ pines. Je suis Ibanag : "I" si‐ gnifie personne et "Bannag", rivière; donc, je suis du peuple de la rivière.

Et le chemin parcouru jus‐ qu’au siège de l’ONU près de l’East River le ramène dans ses pensées, car petit, il n’au‐ rait jamais imaginé consacrer 20 ans aux questions des droits de la personne et des peuples autochtone­s sur la scène internatio­nale.

Que représenta­ient les Nations unies dans son en‐ fance? Il répond du tac au tac : Je ne savais même pas que l’ONU existait. Sa première exposition à l’ONU, comme il la nomme, est en 1994, lors du génocide au Rwanda. Dans sa communauté, il n’y a pas d’électricit­é et c’est au collège où il étudie qu’il a ac‐ cès à la télévision. En cou‐ leur, précise-t-il.

La première chose que j’ai vue, c’est le génocide au Rwanda. J’étais choqué. Ils parlaient de l’ONU et des cri‐ tiques de l’ONU. Je me suis demandé : "Qu’est-ce que l’ONU?" Je m’y suis intéressé et c’est ainsi que j’ai décou‐ vert l’ONU… et découvert que je voulais travailler pour les droits de la personne, ex‐ plique-t-il.

À l’époque, précise-t-il, la plupart des peuples autoch‐ tones ne pouvaient pas venir à l’ONU en tant que peuples autochtone­s. Il fallait passer par le mécanisme des mino‐ rités.

Après beaucoup de pres‐ sion, alors qu’il commençait à découvrir le système onu‐ sien, le forum permanent des Nations unies sur les ques‐ tions autochtone­s a finale‐ ment été créé en 2000.

Cet espace permettant de se réunir, de partager les ex‐ périences, les problèmes communs, de renforcer la so‐ lidarité, c'est un moyen de combler un grand écart dans les relations entre les peuples autochtone­s et les gouverneme­nts. L’écart est aussi grand que le vide que l’Ibanag montre entre ses deux mains.

Nous avions besoin d’un moyen de pression et l’ins‐ tance permet ce moyen afin que les peuples autochtone­s et leur gouverneme­nt puissent réellement s'asseoir ensemble et se regarder dans les yeux au même ni‐ veau.

Morses Caoagas Flores Selon lui, il est beaucoup plus facile de traiter avec son gouverneme­nt en dehors de son pays. Aux Philippine­s, par exemple, il faut suivre un protocole complexe pour rencontrer un ministre. Ici, vous êtes assis dans la même pièce.

L’Instance permet aussi aux peuples autochtone­s de découvrir que, dans la majo‐ rité des cas, ils partagent les mêmes enjeux, même si des

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