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Des coûts élevés pour la réfection des barrages municipaux au Québec

- Olivier Bachand

Plusieurs petites villes peinent à trouver le finan‐ cement nécessaire pour ef‐ fectuer la réfection des barrages municipaux alors que bon nombre d'entre eux arrivent à la fin de leur vie utile.

C'est notamment le cas de Chertsey, dans Lanaudière. Cette municipali­té compte le plus grand nombre de bar‐ rages de toute la province. Elle en a 58 au total, dont 15 qui lui appartienn­ent. De ce nombre, neuf doivent être remplacés d'ici cinq ans.

Pour la mairesse Michelle

Joly, il s'agit d'un véritable casse-tête.

C'est un fardeau financier très important. Les coûts de réhabilita­tion dépassent le million sur chaque barrage ou à peu près.

Michelle Joly, mairesse de Chertsey

La majorité des barrages municipaux ont été construits entre les années 1950 et 1970, souvent pour créer des lacs artificiel­s afin d'installer des chalets aux alentours.

À l'heure actuelle, les villes peuvent obtenir une subvention maximale de 500 000 $ de la part de Québec pour leur réfection. Mais elles ne connaissen­t le mon‐ tant qui leur est accordé qu'une fois les travaux termi‐ nés.

Le reste du financemen­t provient de la collectivi­té. Se‐ lon les règles en vigueur à Chertsey, la Municipali­té dé‐ bourse 20 % de la facture pour effectuer la réhabilita‐ tion d'un barrage, et les ci‐ toyens qui demeurent autour du plan d'eau payent les 80 % restants.

Des factures élevées qui suscitent la grogne

Construit en 1925, le bar‐ rage du lac Beaulne a cédé lors de la crue printanièr­e de l'année dernière. La Munici‐ palité a alors dû effectuer des travaux d'urgence qui ont coûté plus de 500 000 $.

Il a fallu construire un ba‐ tardeau pour protéger le lac et une route temporaire pour que les citoyens ne soient pas enclavés, explique la mairesse Joly. Le barrage a été réparé temporaire­ment.

Propriétai­re de l'infra‐ structure, la Municipali­té au‐ rait voulu effectuer sa réfec‐ tion quelques années aupa‐ ravant, au coût de 800 000 $. Mais les riverains s'y sont op‐ posés par référendum.

C'est une facture qu'à l'époque, les citoyens ont trouvée trop salée. Donc, on a refusé le règlement d'em‐ prunt, dit Françoise Marceau, membre de l'Associatio­n des propriétai­res du lac Beaulne.

Les riverains auraient pré‐ féré un barrage en enroche‐ ment qui aurait coûté moins cher, mais selon la Municipa‐ lité, le prix d'un barrage en béton est plus avantageux si l'on tient compte de l'entre‐ tien à effectuer à long terme.

Résultat : c'est un nou‐ veau projet de 1,2 million de dollars qui devrait bientôt être présenté aux citoyens selon des estimation­s préli‐ minaires. Un montant que Françoise Marceau qualifie d'astronomiq­ue.

À Chertsey, on a l'impres‐ sion qu'on choisit une Ca‐ dillac ou une Mercedes au lieu d'une Toyota parce que ça va être plus sécuritair­e.

Françoise Marceau, membre de l'Associatio­n des propriétai­res du lac Beaulne

La Municipali­té aimerait lancer les travaux cet été pour qu'un nouveau barrage soit construit d'ici la fin de l'année. Selon la mairesse Joly, le temps presse, puisque la sécurité des résidents est en jeu.

S'il y a un référendum et que les citoyens refusent de nouveau, la Municipali­té n'aura d'autre choix que d'al‐ ler en injonction, affirme-telle.

D'autres tensions à pré‐ voir

Ce genre de bras de fer pourrait se reproduire ailleurs à Chertsey. Le bar‐ rage du lac d'Argent doit lui aussi être remplacé, mais il y a seulement 80 contri‐ buables autour du plan d'eau pour se partager la facture. C'est une énorme charge fi‐ nancière pour les citoyens, convient la mairesse Joly.

En comparaiso­n, un peu plus loin, au lac Jaune, ils se‐ ront près de 500 à payer pour la réfection de leur bar‐ rage. La facture devrait tour‐ ner autour du million de dol‐ lars dans les deux cas.

Plusieurs villes, notam‐ ment dans Lanaudière et dans les Laurentide­s, sont aux prises avec le même pro‐ blème. Les municipali­tés sont propriétai­res de 577 barrages à forte contenance

au Québec, tandis que 759 autres ouvrages appar‐ tiennent à des propriétai­res privés.

Une aide supplémen‐ taire de Québec réclamée

Michelle Joly aimerait que Québec bonifie l'aide finan‐ cière maximale de 500 000 $ qui peut être octroyée pour la réhabilita­tion des bar‐ rages. Au minimum, la moitié des coûts d’un projet de‐ vraient être couverts selon elle, même s’il est plus élevé.

Elle aimerait également que le montant qui sera donné en subvention soit connu avant le lancement des travaux, ce qui permet‐ trait de donner l'heure juste aux citoyens quant à la fac‐ ture qu'ils auront à payer.

Mais est-ce à l'ensemble des contribuab­les de payer pour des barrages qui se trouvent bien souvent sur des lacs privés dont profitent très peu de gens?

Pierre Brissette, un pro‐ fesseur spécialist­e en hydro‐ climatolog­ie de l'École de technologi­e supérieure, n'en est pas certain. Si personne n'est capable de payer, ils peuvent ouvrir les vannes et vider le barrage. Ça fait tou‐ jours partie des solutions possibles. En Amérique du Nord, on détruit plus de bar‐ rages qu'on en construit de‐ puis plusieurs années, dit-il.

Entre-temps, Chertsey craint d'hériter de nouveaux barrages. C'est ce qui arrive, par exemple, lorsque le pro‐ priétaire d'un ouvrage meurt ou fait faillite.

Ils deviennent ce qu'on appelle un bien sans maître et par la suite, ils sont redon‐ nés à la Municipali­té et on n'a pas du tout le moyen finan‐ cier de régler ce dossier-là, explique la mairesse Michelle Joly.

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