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Des scènes inédites de films de Charlie Chaplin dans un jeu vidéo québécois

- Stéphanie Dupuis

Plus d’un an après avoir mis la main sur les droits mondiaux et exclusifs de l'oeuvre de Charlie Chaplin pour développer des jeux vidéo, le studio québécois B Df’rent Games lève le voile sur The Missing Pieces, une première créa‐ tion vidéoludiq­ue qui pro‐ met des images inédites de films de cette légende du cinéma muet.

Il n’y a pas beaucoup de filmograph­ies inédites de Charlie Chaplin, souligne d’emblée le cofondateu­r et vice-président de B Df’rent Games, Yves Durand.

Lorsque Charlie Chaplin regardait ses rushs [les épreuves de tournage], ce qu’il n’aimait pas, il le brûlait. Il a beaucoup plus détruit de films qu’il n’en a produit.

Yves Durand, cofondateu­r et vice-président de B Df’rent Games

Quelques rares et mo‐ destes exceptions existent dans les archives familiales, tempère-t-il, des extraits qui n’ont pas été intégrés dans les versions finales des films.

Aux premières loges pour les découvrir, on trouve les joueurs et les joueuses qui, depuis mardi, peuvent tester une démo du jeu The Missing Pieces sur mobile (iOS et An‐ doid) ainsi que sur PC (Itch.io).

Casse-tête et rébellion

Cette première création du studio est un petit jeu de casse-tête de type pointe et clique (point and click, en an‐ glais). Ce genre, très acces‐ sible par sa simplicité, est à l’image de Charlie Chaplin, qui réussissai­t à joindre les masses. Son public était au‐ tant composé d’analphabèt­es fonctionne­ls que d’intellec‐ tuels de premier niveau, sou‐ ligne Yves Durand, aussi mu‐ séologue.

The Missing Pieces se veut souriant, amusant et plaisant : On a voulu commencer par un jeu très le fun, dans l’es‐ prit de Charlot. C’est quel‐ qu’un qui nous a beaucoup fait rire, qui était très engagé dans le vaudeville et le bur‐ lesque, détaille celui qui dit connaître la famille Chaplin depuis une quinzaine d’an‐ nées.

Le jeu va réveiller le vaga‐ bond et le rebelle en chacun de nous, [...] toujours en al‐ lant puiser ce que l’être hu‐ main a de meilleur en lui.

Yves Durand, cofondateu­r et vice-président de B Df’rent Games

Le but du jeu : aider Cha‐ plin à retrouver son chapeau melon, par exemple, dans le décor de ses films Gold Ru‐ shThe Circus et Modern Times, tous redessinés par l’équipe de l’Indie Asylum, un regroupeme­nt montréalai­s de studios indépendan­ts au‐ quel est greffé B Df’rent Games. C’est 100 % fait sur la rue Saint-Viateur, indique-t-il fièrement.

L’esthétique rétro et en‐ fantine de The Missing Pieces n’est pas laissée au hasard. Elle emprunte à un courant artistique appelé l’UPA, qui remonte aux années 1940, un groupe d’artistes qui en avaient ras-le-bol de l’ap‐ proche très académique de Disney dans sa manière de configurer les dessins.

C’est une forme d’art moins classique, très naïve, qui rejoint la bande dessinée, explique Yves Durand. Celuici n'hésite pas à comparer l’UPA au manifeste du Refus global, dont les artistes reje‐ taient eux aussi un certain académisme dans l’art illus‐ tratif.

Par ailleurs, Disney et Chaplin se sont connus et bien entendus dans les an‐ nées 1920 et 1930, d’après le muséologue. Il ajoute que l’auteur de Mickey Mouse était davantage associé à la droite américaine, tandis que l’homme au chapeau melon était rejeté par le maccar‐ thysme.

Charlot étant un rebelle des pouvoirs ostracisan­ts de ce monde, l’adoption de cette esthétique UPA dans ce jeu était pleine de sens pour B Df’rent Games.

Des idées de grandeur

Yves Durand le martèle : The Missing Pieces n’est qu’un premier test pour B Df’rent Games, qui bouillonne d’idées pour adapter l'oeuvre de Charlot en production­s vidéolu‐ diques. En effet, Chaplin n’a pas été que drôle, il a aussi été un humaniste et un paci‐ fiste dont les scénarios avaient une dimension socié‐ tale qu’on n’oublie pas, in‐ siste le vice-président du stu‐ dio.

On sait qu’on va avoir l’oc‐ casion de développer des jeux plus substantie­ls qui vont aller beaucoup plus loin pour ce qui est de l’histoire et des archives de Chaplin.

Yves Durand, cofondateu­r et vice-président de B Df'rent

Games

Dans ses production­s fu‐ tures, le studio promet des clins d'oeil inédits au travail du cinéaste. On a accès à une quantité imposante d’ar‐ chives, de photos, d’images et de témoignage­s détenus par les enfants de Chaplin, rappelle M. Durand.

Pour le film Le dictateur, par exemple, le frère de Charlie Chaplin a tourné le tournage du film. On a des scènes du film, en couleur, qui remontent à 1939, dé‐ voile-t-il, enthousias­te.

Le cinéaste signait aussi la compositio­n musicale de ses films. La musique et les sons dans les jeux vidéo, c’est très important. On va réussir à traduire l’âme de ses films dans nos jeux grâce à ça, ditil, à commencer par le jeu gratuit The Missing Pieces, dont la sortie est prévue dans les prochaines se‐ maines.

B Df’rent Games espère arriver à joindre non seule‐ ment les adeptes de jeux vi‐ déo, mais aussi les vedettes de Chaplin, deux groupes qui semblent aux antipodes, mais qui ont pourtant énor‐ mément en commun. Yves Durand les décrit ainsi : un public d’ados et de jeunes adultes, autant des hommes que des femmes, de tous les revenus, et on en trouve par‐ tout dans le monde.

On est très curieux de voir comment ce croisement des caractéris­tiques sociodémo‐ graphiques entre les vedettes de Chaplin et les joueurs va s’opérer.

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