Des océans plus chauds forcent des espèces à migrer vers le nord
En plus de mettre en péril plusieurs espèces, le ré‐ chauffement des océans force des poissons à chan‐ ger leurs habitudes et à mi‐ grer toujours plus vers le nord, à la recherche de meilleures conditions. De tels déplacements per‐ turbent toute une chaîne alimentaire et risquent de forcer la mise à jour des cartes de l’industrie des pêches.
Sur les quais de Steves‐ ton, typique village de pê‐ cheurs du Grand Vancouver, Judy Nguyen a de plus en plus de mal à exercer son métier. Jadis une industrie prospère sur place, la pêche a considérablement changé en une décennie.
Il y a 10 ans, c'était rempli de bateaux collés les uns aux autres sur le quai. Mainte‐ nant, il ne reste qu'une poi‐ gnée de vendeurs. Il ne se passe plus grand-chose, ob‐ serve-t-elle.
Au fil des années, les sto‐ cks se sont amoindris. Faute de poissons ou de crustacés en nombre suffisant dans l’océan, Judy Nguyen et sa fa‐ mille n’ont eu d’autre choix que d’aller là où la ressource est plus abondante : à plus de 1000 km au nord, à Prince Rupert.
Les courtes sorties que permettait la pêche de proxi‐ mité du passé ont fait place à des périples de plusieurs jours.
À l'époque, on ne conge‐ lait pas les crevettes, parce qu'on les pêchait tout près d’ici. On les vendait fraîches, tous les jours. Mais les quo‐ tas ont commencé à dimi‐ nuer, puis le secteur a été fermé à la pêche, raconte Judy Nguyen.
Ce que vit cette pêcheuse est loin d’être anecdotique. De nombreux pêcheurs disent devoir aller plus loin pour exercer leur gagne-pain.
Comment l’expliquer? Les poissons ont-ils disparu? Se sont-ils déplacés?
La surpêche est une pre‐ mière réponse. Pendant des décennies, elle a lourdement affecté les stocks. Par la suite, des moratoires et des quotas ont permis d’y remé‐ dier en offrant une plus grande protection aux es‐ pèces.
Une autre explication est celle du réchauffement des océans. Cette nouvelle me‐ nace, qui s’est imposée rapi‐ dement, bouleverse à son tour la répartition des stocks de poissons et de crustacés.
Des poissons à la re‐ cherche de conditions plus appropriées
À ce sujet,
une étude
(pu‐ bliée en anglais) à laquelle ont contribué des chercheurs de l’Université de la Colom‐ bie-Britannique (UBC) a mon‐ tré que le réchauffement cli‐ matique force des espèces marines à migrer toujours plus vers les pôles. Une ten‐ dance mondiale qui, selon eux, ne fera que s'accélérer dans les prochaines années.
Un poisson va toujours chercher à rester dans sa zone de tolérance thermique. Si l’eau se réchauffe, il va donc migrer vers le nord ou en profondeur pour essayer de rester dans un environne‐ ment qui est optimal pour lui, explique Colette Wabnitz, affilée à l’UBC, et scientifique principale à l’Université de Stanford, en Californie.
Ainsi, les chercheurs ont pu observer dans les eaux de la Colombie-Britannique des espèces marines qu’on n’avait pas l’habitude de voir là.
De façon régulière, des calmars ont été pêchés en abondance parce que, tout d’un coup, il faisait plus chaud et que c’était pour eux une température normale ou mieux adaptée, indique Colette Wabnitz. Des pois‐ sons-lunes et des requins y ont aussi été aperçus, de fa‐ çon plus sporadique.
Certains des pays au nord du globe ont pêché des es‐ pèces qui n'y avaient pas été pêchées auparavant.
Colette Wabnitz, scienti‐ fique principale à l’Université de Stanford.
D’autres études arrivent aux mêmes résultats. L’Agence américaine de pro‐ tection de l’environnement a analysé, par exemple, le cas du homard (en anglais). Sur la côte Atlantique, il s'est dé‐ placé vers le nord d'environ 220 km depuis les années 1980.
Plus encore, au sein même de l'Arctique, des pois‐ sons semblent se déplacer toujours plus vers le nord.
Ingrid Spies, biologiste au Centre de recherche des sciences de la pêche en Alaska de la National Oceanic and Atmospheric Administra‐ tion (NOAA), a étudié les dé‐ placements de la morue du Pacifique. Selon ses observa‐ tions, des populations du sud-est de la mer de Béring ont migré à 1000 km au nord de leur habitat traditionnel, là encore à la recherche de meilleures conditions.
Le nord de la mer de Bé‐ ring, qui était un milieu arc‐ tique, ressemble de plus en plus à un milieu subarctique.
Ingrid Spies, biologiste au Centre de recherche des sciences de la pêche en Alaska de la NOAA
Une chaîne alimentaire
Certains poissons quittent donc un habitat pour en peu‐ pler un autre. Or de tels changements perturbent la chaîne alimentaire.
Un poisson qui migre en dehors de son habitat tradi‐ tionnel, c’est en effet une proie de moins pour un pré‐ dateur, qui sera, lui, forcé de migrer aussi ou de changer son régime alimentaire.
À Nanaimo, sur l'île de Vancouver, Thomas DoniolValcroze, directeur du pro‐ gramme de recherche sur les cétacés de Pêches et Océans Canada, étudie de près le comportement des mammi‐ fères marins. Et un constat s’impose : leur bonne santé est intimement liée à la dis‐ ponibilité de leur nourriture.
Le biologiste cite en exemple le cas de la baleine à bosse. Pourtant sur la voie d’un rétablissement, son par‐ cours a été perturbé.
Les récentes vagues de chaleur marine en ColombieBritannique ont affecté la productivité des planctons, dont ils se nourrissent. On a perdu des milliers de ba‐ leines. On pense que la po‐ pulation a diminué de 20 %. C’est un impact beaucoup plus important que ce à quoi on s’attendait, déplore Tho‐ mas Doniol-Valcroze.
Tout est lié, dans l’océan : toute perturbation dans les écosystèmes marins a un ef‐ fet boule de neige sur la chaîne alimentaire.
Le cas de la baleine franche de l’Atlantique Nord en est une autre illustration, elle qui montre aussi que la disponibilité de nourriture dicte la migration des mam‐ mifères marins.
Récemment, les change‐ ments climatiques semblent avoir changé la distribution de leur nourriture préférée : une sorte de plancton.
La baleine franche de l’At‐ lantique Nord s’est déplacée en dehors de ses eaux habi‐ tuelles, dans le golfe du Maine et dans la baie de Fundy, pour suivre sa nourri‐ ture. Elle est alors arrivée en grand nombre dans le golfe du Saint-Laurent.
En soi, ce n’est pas un pro‐ blème, mais en venant dans des eaux qu'elles connais‐ saient mal, les baleines ont été exposées à de nouvelles menaces, comme [...] les col‐ lisions avec les navires, ex‐
plique Thomas croze.
Doniol-Val‐
L’industrie des pêches bouleversée
L’équilibre fragile des océans est bouleversé par le déplacement des poissons et des mammifères marins. Ce phénomène aura sans doute des répercussions impor‐ tantes sur l’industrie des pêches.
L’étude réalisée par plu‐ sieurs chercheurs de l’UBC montre que, d’ici 2030, 78 % des zones économiques ex‐ clusives du monde accueille‐ ront au moins une nouvelle espèce transfrontalière.
En d'autres mots, la grande majorité des zones de pêche seront touchées par des migrations de pois‐ sons. Certaines zones per‐ dront des espèces, tandis que d'autres en gagneront.
Dans ce contexte, le cas du Mexique, par exemple, soulève des inquiétudes chez les chercheurs.
C’est un pays qui risque de perdre énormément de stocks de poissons dans le futur, car il y a des déplace‐ ments aussi bien vers le nord que vers le sud, explique Co‐ lette Wabnitz.
En l'occurrence, actuelle‐ ment, il n'y a pas d'accord pour savoir comment gérer ces pertes ou ces gains, pré‐ vient la chercheuse.
Les relations entre pê‐ cheurs vont être encore plus tendues qu'elles le sont déjà. Il y a des enjeux écono‐ miques très importants.
Colette Wabnitz, scienti‐ fique principale à l’Université de Stanford
En réaction à ces déplace‐ ments de stocks, les cher‐ cheurs appellent à renégo‐ cier d’urgence les traités de pêche pour éviter des conflits transfrontaliers.
À l’heure actuelle, le Ca‐ nada et les États-Unis ont des ententes de pêche ainsi que des commissions de gestion des stocks, comme celle sur le saumon du Pacifique ou encore celle sur le flétan.
Celles-ci veillent à assurer une gestion saine et équi‐ table des stocks entre les deux voisins. Toutefois, que se passerait-il si une popula‐ tion de poissons des eaux américaines venait en grand nombre dans les eaux cana‐ diennes?
La Commission internatio‐ nale du flétan du Pacifique, qui souligne cette année ses 100 ans d’existence, recon‐ naît que l’océan est aux prises avec de grands chan‐ gements. Son rôle est d’y ré‐ pondre en renégociant les traités ou les quotas de pêche.
La gestion des pêches peut créer des tensions, sur‐ tout quand elle implique plu‐ sieurs pays. Ça occasionne beaucoup d'inquiétudes par‐ tout, signale Allan Hicks, bio‐ logiste à la Commission.
Si davantage de flétans restent dans les régions nor‐ diques, ça pourrait avoir un impact sur les négociations au sein de la commission. Alors, chaque année, on éta‐ blit un seuil de mortalité maximum de poissons, et ça se traduit par des quotas pour les pêcheurs, expliquet-il.
Ainsi, les pouvoirs publics et les autres parties pre‐ nantes doivent constamment s’adapter à cette nouvelle donne.
Notre procédure de ges‐ tion sera-t-elle robuste face à l'avenir incertain qui nous at‐ tend?
Allan Hicks, biologiste à la Commission internationale du flétan du Pacifique
Tous les chercheurs inter‐ rogés s'entendent sur un point : les écosystèmes ma‐ rins évoluent rapidement, à une vitesse qu’il est parfois difficile de suivre tant les phénomènes sont complexes et nouveaux.
Les changements clima‐ tiques apportent un niveau d'imprévisibilité auquel on n'était pas vraiment prépa‐ rés. C'est difficile pour nous de savoir quels vont être les prochains défis, reconnaît Thomas Doniol-Valcroze.
Sur les quais de Steves‐ ton, les pêcheurs sont bien conscients du monde mou‐ vant qui les entoure. Aux pre‐ mières loges du réchauffe‐ ment climatique, ils n’auront d’autre choix que de s’adap‐ ter à de nouveaux défis, au risque de perdre un métier qu’ils chérissent.
On ne gagne pas assez d'argent. Qu'est-ce qu'on va devenir? Mon fils est pê‐ cheur, mais il a récemment repris ses études d'électricien parce que l'avenir est trop in‐ certain pour lui, déplore Judy Nguyen.
une sorte de police d’assu‐ rance pour eux.
Cependant, même si toutes les précautions sont prises, le succès d’une insé‐ mination artificielle n’est pas garanti et varie beaucoup d’une espèce à l’autre.
C'est sûr qu'on aimerait bien dire qu'on garde tou‐ jours des animaux vivants. C'est la meilleure façon de s'assurer que [le patrimoine] génétique est préservé [...], mais ça coûte beaucoup de sous, admet Carl Lessard.
D’autres pays, en Europe notamment, choisissent plu‐ tôt de soutenir financière‐ ment les éleveurs de races patrimoniales grâce à des subventions, notamment.
Au Canada, il n’y a rien pour les petits fermiers, se désole Kodie Gills. Le soutien financier nous permettrait de vendre de la viande à un prix plus abordable pour les gens. [...] On a beau être passionné de races patrimoniales, une ferme, ça reste une entre‐ prise.
Le prochain rapport de la FAO sur l’état des ressources zoogénétiques dans le monde est attendu en 2025.
plastiques, explique Rajendra Kumar Foolmaun, qui tra‐ vaille pour le ministère de l'Environnement de l'Île Mau‐ rice.
Les déchets plastiques ve‐ nus d'ailleurs, portés par les courants marins jusqu'aux rives de l'Île Maurice, ont en outre contribué à la présence de microplastiques sur les plages et dans le lagon, ajoute-t-il. C'est pourquoi nous jugeons que la solution doit être globale.
Pour un tieux et clair
Le Malawi, membre de la coalition en faveur d'une haute ambition afin de mettre fin à la pollution plas‐ tique, compte sur l'adoption d'un texte clair et ambitieux pour l'aider à interdire pour de bon les sacs en plastique.
Après avoir banni les plas‐ tiques minces en 2015, le gouvernement s'est heurté à une décision de la Haute cour, qui a rapidement inva‐ lidé son règlement, contesté par une quinzaine de fabri‐ cants de plastique.
Réinstaurée en 2019, la loi a depuis été retardée par les nombreuses injonctions de l'industrie.
Les environnementalistes du Malawi espèrent donc que le traité s'attaquera avec force et clarté aux plastiques jugés problématiques et non essentiels par la commu‐ nauté scientifique, explique la Dre Tiwonge MzumaraGawa, écologiste et maître de conférence à l'Université des sciences et technologies du Malawi.
Les entreprises qui pro‐ duisent ces plastiques minces exercent une grande influence, c'est pourquoi nous comptons [sur le traité] pour mettre fin à l'impasse.
Dre Tiwonge MzumaraGawa, écologiste
La Dre Mzumara-Gawa es‐ père que les États, qui se réuniront à Busan, en Corée du Sud, en novembre, pour la cinquième et ultime ronde de négociations avant l'adoption du traité, s'entendront pour réduire les niveaux de pro‐ duction et améliorer la ges‐ tion des déchets plastiques.
Il est impératif de s'atta‐ quer à l'héritage du plastique déjà présent dans l'environ‐ nement et au plastique que l'on continue de produire, ré‐ sume-t-elle.
Nous ne pouvons pas par‐ ler de ce traité s'il n'est pas question de réduire la pro‐ duction, tranche-t-elle. Parce que même si nous agissons sur d'autres fronts, au final, nous continuerons de subir les impacts de la pollution plastique.
être un petit peu plus de re‐ spect pour la discipline et pour l'importance de bien ré‐ fléchir aux conséquences de nos actions.
Noémie Verhoef, profes‐ seure de philosophie au Cé‐ gep de Victoriaville
Des deuxièmes chances à redéfinir
Est-ce à dire qu’il y aura toujours des deuxièmes chances dans la classe de Noémie Verhoef? C’est sûr que l’effet de surprise n’est plus là, répond en riant la principale intéressée. Surtout si on passe au Téléjournal pour dire : "Ah, si je te pogne, tu vas avoir 60 %!"
Comme une mise à jour de la politique de gestion du plagiat est en cours au Cégep de Victoriaville, l’enseignante se sentira plus légitime d’in‐ tervenir lorsque les règles auront été éclaircies pour in‐ clure les cas liés à l’intelli‐ gence artificielle.
On veut mettre des règles plus claires, oui, mais on veut aussi beaucoup travailler sur l'éducation à l'intégrité intel‐ lectuelle auprès de notre po‐ pulation étudiante. On ne veut pas être juste en mode punitif, mais vraiment en mode éducatif, explique la di‐ rectrice adjointe des études du Cégep de Victoriaville, Ma‐ riannick Paris.
Et qu’est-ce que la direc‐ tion des études a pensé de l’initiative de Noémie Ve‐ rhoef? On trouve ça brillant! Ça va en ligne droite avec l'in‐ tention d'éduquer à la pro‐ priété intellectuelle qu'on a au Cégep et on salue la ré‐ flexion pédagogique de qua‐ lité qu’il y a derrière une telle initiative, résume-t-elle.
Pour l’enseignante, l’expé‐ rience lui a aussi rappelé que le cégep est aussi, pour les jeunes, le moment d’explo‐ rer… Et d’apprendre.
Notre objectif, ultime‐ ment, ce n'est pas que les gens apprennent par coeur les dates de naissance et de mort de Platon et Aristote. C'est de faire des citoyens qui sont capables d'utiliser leur esprit critique pour eux et pour la société.
Noémie Verhoef, profes‐ seure de philosophie au Cé‐ gep de Victoriaville
À ce jour, un seul des étu‐ diants accusés d’avoir plagié nie toujours avoir copié ChatGPT, mais il n’a toujours pas contesté sa note. Quant à Tristan, il assure qu’il a eu sa leçon.Je ne compte pas réutiliser ChatGPT pour faire les travaux à ma place, as‐ sure-t-il.
L’ironie dans toute cette histoire? Le résumé de l’ar‐ ticle scientifique qu’a finale‐ ment écrit Tristan était sans doute meilleur que la version générée par l'intelligence ar‐ tificielle.
ChatGPT et qu'en pensent diants? Copilot : les étu‐
La plupart des étudiants croisés au Cégep de Victoria‐ ville ont admis utiliser ChatGPT ou Copilot, un autre logiciel d’intelligence artifi‐ cielle, à des fins pédago‐ giques. Tristan Dassylva a l’habitude de poser des ques‐ tions au logiciel en lien avec la matière à étudier. C’est plus simple, plus rapide que Google, dit-il. Il est loin d’être le seul.Copilot, des fois, ça nous arrive de l’utiliser pour les labs de chimie [...]. C’est super pédagogique et c’est vraiment bon pour ça, ren‐ chérit Laurence Guérard, étu‐ diante en sciences de la na‐ ture.
Est-ce que les étudiants entendent parler entre eux de cas de plagiat avec l’intelli‐ gence artificielle? Tous les jours! On en entend tout le temps. C’est récurrent, beau‐ coup d’élèves le font, répond sa collègue Mali Vallières. Estce que la solution est de re‐ venir aux travaux et aux exa‐ mens faits en classe avec un papier et un crayon? Pour la plupart des étudiants ren‐ contrés, la réponse est non. Parce que ça ne permet pas de réfléchir en profondeur à un sujet… Et parce qu’il y a toujours moyen de contour‐ ner les règles, selon eux.
Illustration de l'entête par Sophie Leclerc