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La crise de la biodiversi­té touche aussi les animaux d’élevage

- Catherine Mercier

À Martintown, dans l’Est ontarien, Kodie Gills essaie tant bien que mal de vivre de son petit troupeau de cochons Lacombe, la seule race porcine canadienne. Bien adaptés à la vie en plein air, ses animaux sont élevés au pâturage et en forêt.

Pas besoin d’avoir de grands bâtiments et des in‐ vestisseme­nts de plusieurs millions de dollars, souligne ce jeune agriculteu­r.

Cette race aux oreilles tombantes a été élaborée à la ferme expériment­ale d’Agricultur­e Canada à La‐ combe, en Alberta, dans les années 1950. Après avoir connu un bel essor, elle est tombée en défaveur au mo‐ ment où la production por‐ cine s'est industrial­isée.

Aujourd’hui, il ne reste qu’une poignée d’élevages de cochons Lacombe au pays.

Cette histoire se répète dans le monde entier à me‐ sure que l’agricultur­e se spé‐ cialise et mise sur les races les plus performant­es. Selon la FAO, plus de 70 % des races locales risquent de dis‐ paraître.

Pourtant, alors que le cli‐ mat change, préserver le pa‐ trimoine génétique de ces animaux plus rustiques est urgent, signale le généticien

Carl Lessard.

Il y a probableme­nt des races quelque part qui vont être moins sensibles à la grosse chaleur ou qui vont demander moins de nourri‐ ture pour produire la même quantité de lait ou de viande, fait-il valoir.

M. Lessard a été pendant plusieurs années le conserva‐ teur des ressources animales à la banque cryogéniqu­e d’Agricultur­e Canada, à Sas‐ katoon, une mine d’or géné‐ tique où sont conservées plus d’un demi-million de doses de semences d’ani‐ maux d’élevage.

Dans des cuves d’azote li‐ quide, le sperme et les em‐ bryons de races du patri‐ moine côtoient ceux des grandes races en production.

Aussi performant­s soientils, les animaux que l’on trouve dans les élevages à grande échelle sont souvent plus vulnérable­s aux mala‐ dies que leurs cousins plus rustiques.

Les animaux du patri‐ moine sont des réservoirs de gènes qui ont parfois été car‐ rément perdus dans les grandes races d’utilisatio­n commercial­e, explique Carl Lessard.

Il cite les travaux de sa collègue américaine Janet Fulton, qui s’est penchée sur le gène MHC Beta, respon‐ sable de la réponse immuni‐ taire.

Elle a découvert que les poulets commerciau­x n’ont vraiment pas beaucoup de variations de ce gène. Mais si on va voir les animaux du pa‐ trimoine, on a accès à une panoplie de différente­s varia‐ tions de ce gène-là, et ça a vraiment démontré l'impor‐ tance de continuer à s'occu‐ per de nos animaux du patri‐ moine afin d'aider nos pro‐ ductions industriel­les dans le futur.

L’érosion de la variabilit­é génétique fragilise aussi les races de vaches laitières comme la Holstein, cham‐ pionne de la production de lait, bien connue pour sa robe noir et blanc.

Il y a quelques années, des chercheurs de l’Univer‐ sité Penn State aux ÉtatsUnis ont découvert que 99 % des taureaux de cette race en Amérique du Nord descen‐ daient de seulement deux taureaux américains.

On a tellement croisé [les vaches Holstein] pour la pro‐ duction de lait que ça s'est amélioré de manière in‐ croyable, mais on a oublié d'autres traits qui étaient im‐ portants, comme la fécon‐ dité. Les producteur­s ont de plus en plus de difficulté à garder un beau taux de re‐ production des vaches et sont obligés de les remplacer régulièrem­ent.

Carl Lessard, généticien Pour retrouver une plus grande richesse génétique, les associatio­ns de produc‐ teurs peuvent se tourner vers la banque de Saskatoon,

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