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La deuxième chance de Tristan piégé à plagier avec ChatGPT

- Christine Bureau

Zéro. C’est la note qu’a re‐ çue Tristan Dassylva pour une partie de son travail dans le cadre du cours Phi‐ losophie et rationalit­é. La raison? Utilisatio­n illégi‐ time de ChatGPT. « Oui, j’ai eu ma leçon, mais en même temps je dirais que j'ai aussi eu une chance », philosophe-t-il.

L’étudiant au Cégep de Victoriavi­lle se considère comme chanceux. À l’instar d’une dizaine de ses col‐ lègues, il a été pris à plagier un texte généré par ChatGPT dans un travail qui comptait pour 20 % de la session. Sauf que plutôt qu’un zéro, c’est une main tendue qu’il a re‐ çue. Je me suis souvenue que j’ai déjà eu 17 ans et que je n’ai pas été exactement une élève très, très modèle, se re‐ mémore, en riant, la profes‐ seure de philosophi­e au Cé‐ gep de Victoriavi­lle, Noémie Verhoef.

Je dirais même que Tris‐ tan est probableme­nt un meilleur élève que moi à 17 ans.

Noémie Verhoef, profes‐ seure de philosophi­e au Cé‐ gep de Victoriavi­lle

Étudiant en première an‐ née au programme des sciences de la nature, c’est vrai que Tristan Dassylva prend ses études au sérieux. D'habitude, je suis un élève quand même assez à mon af‐ faire. Je participe en classe, je ne manque pas vraiment d’heures de cours à moins que ce soit le hockey qui m’empêche de participer et j’ai quand même de bonnes notes dans la plupart des matières, raconte le jeune athlète.

Sauf qu’il a flanché quand est venu le temps de re‐ mettre son travail de philoso‐ phie. Il a lui-même écrit sa dissertati­on, mais pas le ré‐ sumé d’un article scientifiq­ue qui lui a été demandé. J’ai mal géré mon temps, avouet-il.

Et Tristan a préféré prendre un raccourci plutôt que de remettre son travail en retard.

Je me doutais qu’il allait y avoir des répercussi­ons si j'abusais de l'intelligen­ce arti‐ ficielle.

Noémie Verhoef, profes‐ seure de philosophi­e auCé‐ gep de Victoriavi­lle

Après le zéro, la rédemp‐ tion

Cette répercussi­on a d’abord pris la forme d’un zéro. Puis, l’offre de la ré‐ demption est arrivée. J'ai écrit un message à tous, puis je leur ai dit : "si vous venez me voir d'ici les 24 h ou si vous m'écrivez un courriel pour dénoncer telle ou telle utilisatio­n [illégitime de ChatGPT], je vais vous don‐ ner la possibilit­é de refaire un travail pour une note maximale de 60 %", résume l’enseignant­e.

Des 11 élèves pris à pla‐ gier, cinq se sont autodénon‐ cés en avouant avoir pris un raccourci avec ChatGPT. La plupart, cependant, ont at‐ tendu de voir leur note pour contacter l’enseignant­e. Tris‐ tan est de ce nombre. Je n’avais pas vu le message, se défend-t-il. Quand il a vu sa note de zéro, il a immédiate‐ ment compris ce qui s’était passé. Et comme tous les autres, il a pris rendez-vous avec sa professeur­e pour se faire confirmer ce qu’il crai‐ gnait au départ.

Faute avouée à demi pardonnée

Ce n’est pas par pure compassion que Noémie Ve‐ rhoef a donné une deuxième chance à ses étudiants. La décision a été mûrement ré‐ fléchie même si elle a d’abord été déçue, voire fâchée, de constater que c’est plus d’un élève sur 10 qui a utilisé ChatGPT à mauvais escient.

Je gère d’abord mes émo‐ tions et par la suite, je me de‐ mande : "Bon, qu'est-ce qu'on fait avec ça?"

Noémie Verhoef, profes‐ seure de philosophi­e auCé‐ gep de Victoriavi­lle

La politique du Cégep de Victoriavi­lle est claire et dras‐ tique sur la question du pla‐ giat. Ça entraîne la note de 0 pour le travail en question, poursuit-elle.

Parallèlem­ent, elle se dit que les apprentiss­ages qu’un étudiant peut faire ne sont pas tous inscrits dans un de‐ vis ministérie­l. Peut-être y at-il ici matière à réfléchir. Je suis devant des élèves qui sont soit à leur première ou à leur deuxième session au Cé‐ gep. Ils n’ont jamais eu de cours de philosophi­e aupara‐ vant. Ils n’ont jamais fait une recherche documentai­re. Je leur demande quand même des choses qui peuvent être inusitées ou anxiogènes, ana‐ lyse-t-elle.

Il y a également le fait que l’intelligen­ce artificiel­le est un nouvel enjeu qui n’est pas encore inscrit concrèteme­nt dans la politique de gestion du plagiat de l’établissem­ent.

Avec l’accord de la direc‐ tion des études du Cégep, Noémie Verhoef demande aux étudiants fautifs de re‐ faire une dissertati­on en ré‐ pondant à la question - fort à propos - suivante : Les ensei‐ gnantes et enseignant­s du collégial devraient-ils se limi‐ ter à des examens en classe sur papier pour éviter les risques liés à l'utilisatio­n de l'intelligen­ce artificiel­le géné‐ rative?

Peu importe les argu‐ ments, la note maximale ob‐ tenue ne pouvait être que de 60 %. Je pense qu'il faut quand même sanctionne­r. C'était très clair que ce n’était pas une utilisatio­n légitime du travail, soutient la profes‐ seure.

La leçon semble avoir été retenue

La frustratio­n passée, elle considère que l’expérience a été concluante. Je n’ai aucun élève qui a abandonné le cours, qui a arrêté de venir au cours à la suite de ça. Ils ont tous refait la problémati‐ sation philosophi­que sur la question qui était un peu embarrassa­nte quand même. Je les ai forcés à réflé‐ chir sur les conséquenc­es de leurs actions, rapporte Noé‐ mie Verhoef.

Ils sont de retour en classe, puis ils participen­t bien. Leur attitude, même, pour certains, s'est amélio‐ rée. Je vois qu’ils ont peut

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