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Doug Ford ne veut « absolument pas » que Toronto décriminal­ise les drogues

- Étienne Lajoie

Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, ne veut rien savoir de la décri‐ minalisati­on de la posses‐ sion de drogues dures à To‐ ronto. Le chef conserva‐ teur a fait cette déclara‐ tion trois jours après que la Colombie-Britanniqu­e eut annoncé son intention de bannir l’usage de ces drogues en public.

Abandonnez votre de‐ mande, a lancé Doug Ford lundi matin en référence à la demande par la Ville de To‐ ronto, en 2022, d’obtenir une exemption de la part de Santé Canada de façon à dé‐ criminalis­er la possession de toute drogue illicite sur son territoire.

Vendredi, le premier mi‐ nistre britanno-colombien, David Eby, à qui Doug Ford dit avoir parlé, a annoncé que sa province demanderai­t à Santé Canada de bannir la consommati­on de toute drogue illicite dans les lieux publics. Il y a environ un an, la province avait obtenu une exemption similaire à celle demandée par Toronto.

Des différence­s entre Toronto et la Colombie-Bri‐ tannique

Bien qu’à l’essentiel, les demandes de la Ville de To‐ ronto et de la Colombie-Bri‐ tannique soient similaires, elles comportent aussi quelques différence­s.

La Colombie-Britanniqu­e permettait la possession d’une quantité maximale cu‐ mulative de 2,5 g. L’exemp‐ tion ne s’applique qu’aux per‐ sonnes de plus de 18 ans et ne concerne que certaines drogues illicites.

En revanche, Toronto pro‐ pose de décriminal­iser la possession de toute drogue illicite pour consommati­on personnell­e et ne précise pas de quantité maximale. Les personnes de moins de 18 ans à Toronto ne seraient pas poursuivie­s.

Dans un courriel, lundi, la Santé publique de Toronto qui a cosigné la demande d’exemption avec la Ville et le Service de police de Toronto écrit qu’elle continue de suivre de près la réponse de la Colombie-Britanniqu­e à la crise de toxicité des drogues.

La Santé publique de To‐ ronto précise que dans son modèle de décriminal­isation, la consommati­on de drogues en public à Toronto demeu‐ rerait illégale. La ColombieBr­itannique avait tenté de ré‐ glementer l’usage des drogues en public quelques mois après avoir reçu l’exemption.

L’agence municipale to‐ rontoise concède cependant que l’expérience britanno-co‐ lombienne jusqu’à présent démontre que nous avons besoin d’une approche glo‐ bale qui garde tout le monde dans la communauté en sé‐ curité.

Toronto estime que la dé‐ criminalis­ation est nécessaire pour réduire les morts liées à l'intoxicati­on aux drogues. Le nombre de décès liés à une intoxicati­on aux opioïdes à Toronto est passé de 137 en 2015, à 504 en 2022.

La peur d'une arrestatio­n en raison de la possession de drogue, écrivaient les autori‐ tés torontoise­s dans leur de‐ mande à Santé Canada, en‐ courageait certaines per‐ sonnes à la consommer dans des conditions dangereuse­s.

Toronto a obtenu l’appui du Service de police dans sa demande. Dans une lettre à l’ex-ministre de la Santé men‐ tale et des Dépendance­s, Ca‐ rolyn Bennett, en 2023, le chef Myron Demkiw a écrit que le modèle torontois pla‐ çait la police dans la meilleure position pour ap‐ pliquer la loi.

Dans un courriel envoyé à Radio-Canada lundi, le Ser‐ vice de police de Toronto a réitéré qu'il favorisait une ap‐ proche à la lutte contre les opioïdes axée avant tout sur la santé.

La Ville de Toronto attend encore la réponse de Santé Canada à sa demande d’exemption à la Loi régle‐ mentant certaines drogues et autres substances. Une porte-parole de l’agence fé‐ dérale a confirmé que la de‐ mande était encore en cours

d’examen.

Un écran de fumée

La chercheuse en réduc‐ tion des méfaits Gillian Kolla estime que la décision prise par le gouverneme­nt bri‐ tanno-colombien n'est pas basée sur des données pro‐ bantes. Invitée à réagir aux commentair­es du premier ministre Ford, Mme Kolla ré‐ pond que la preuve a été complèteme­nt négligée dans la préparatio­n de politiques de certains gouverneme­nts.

Depuis très très long‐ temps, nous avons des preuves tangibles que la cri‐ minalisati­on de personnes consommant des drogues n'a pas d'impact. Ça n'améliore pas la sécurité ou la santé, dit Gillian Kolla.

En conférence de presse lundi, Doug Ford a déclaré que la Ville devrait plutôt ré‐ investir dans le traitement des personnes dépendante­s aux drogues.

Dans ses soumission­s à Ottawa, la Ville de Toronto a déclaré qu'elle planifiait pou‐ voir offrir plusieurs nouveaux services de santé et de traite‐ ment au moment de la décri‐ minalisati­on, dont un lieu au centre-ville offrant du soutien social et de santé 24 heures par jour, 7 jours par semaine.

La Santé publique de To‐ ronto dit ne pas avoir encore obtenu le financemen­t né‐ cessaire de la province et de ses partenaire­s communau‐ taires pour ouvrir des es‐ paces permettant de stabili‐ ser des personnes en crise ou qui ont des enjeux de dé‐ pendance à toute heure de la journée et tous les jours de la semaine.

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