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Boycott de Loblaw : « C’est le temps de rappeler les monopoles de ce pays à l’ordre »

- Pascale Savoie-Brideau

Un appel au boycottage des épiceries de la chaîne Lo‐ blaw au mois de mai fait de plus en plus de bruit. Plu‐ sieurs consommate­urs sont en faveur de ce mou‐ vement pour contester leur frustratio­n face à la flam‐ bée du prix des aliments.

Plus de 59 000 personnes se sont abonnées à la page r/loblawsiso­utofcontro­l du site web Reddit, qui propose le boycottage dès le 1er mai.

Originaire de Wolfville, en Nouvelle-Écosse, Audrey Y est membre administra­trice de la page depuis ses débuts, en décembre 2023, où il n’y avait qu’une centaine d’abon‐ nés. Au départ, croyez-le ou non, c’était une page comé‐ die où l’on faisait des publica‐ tions de prix ridicule d’ali‐ ments pour en rire, dit-elle.

La page a ensuite énor‐ mément gagné en popularité et l’instigatri­ce principale, Emily Johnson, une résidente de Milton, en banlieue de To‐ ronto, s'est dit qu’il y avait une occasion d’y organiser un mouvement de consom‐ mateurs.

La planifinat­ion du boy‐ cottage a commencé en jan‐ vier.

Ça a vraiment explosé ses dernières semaines. On a en‐ viron un millier d’abonnés de plus par jour, relate Audrey Y, qui est ensuite devenu l’une des quatre administra­trices de la page Facebook de ce mouvement citoyen. C’est des gens d’un bout à l’autre du pays.

S’il cible Loblaw, expliquet-elle, c’est que cette entre‐ prise détient la plus grande part de marché dans le sec‐ teur de l’épicerie, soit de 29 %.

Puis, pour parler d’expé‐ rience personnell­e, en ayant grandi dans une région ru‐ rale de la Nouvelle-Écosse, toutes les petites commu‐ nautés qui n’ont qu’une seule épicerie, 99 % des cas, c’est un Your Independen­t Grocer, qui appartient à Loblaw, poursuit Audrey Y.

Dans leur demande offi‐ cielle à la compagnie le groupe demande à ce qu’il n’y ait plus aucune nouvelle augmentati­on de prix impo‐ sée pour 2024. Ils réclament aussi une plus grande trans‐ parence sur les causes d’aug‐ mentations des items et de la fluctuatio­n des prix.

Le groupe veut que Lo‐ blaw signe le code de conduite mise de l’avant dans l’industrie et qu’il s’engage à proposer des prix abordables sur certains produits essen‐ tiels, comme les formules de laits pour bébé et le pain.

Nous avons eu des com‐ munication­s avec les équipes médias de Loblaw, pour une possible rencontre en pré‐ sentiel, clame Audrey Y. On en est encore au début de nos démarches, mais on est confiant.

Audrey Y note que la ma‐ jorité de la rétroactio­n reçue des membres est aussi axée sur l’industrie dans son en‐ semble.

La plupart des gens ont un Loblaw dans leur commu‐ nauté alors que ce n’est vrai‐ ment qu’un début, dit-elle. On pourrait ensuite cibler So‐ beys, au futur, parce qu’on a une bonne momentum.

Avoir besoin de manger

Rick Brown, un autre mo‐ dérateur de la page Reddit basé à Terre-Neuve-et-Labra‐ dor, dit qu’il était important pour lui de s’investir dans ce mouvement social virtuel, parce qu’il est souvent té‐ moin de gens de son entou‐ rage qui souffrent d'insécu‐ rité alimentair­e.

Ça me fait me sentir im‐ puissant, je suis un retraité et je suis chanceux de pouvoir encore travailler, mais j’ai des amis retraités qui ne peuvent pas travailler et le coût de la nourriture est devenu une [bien trop grande] partie de leur budget, partage-t-il.

C’est le temps de rappeler les monopoles de ce pays à l’ordre.

Rick Brown

Rick Brown soutient que la démarche de la page Red‐ dit n'est pas un mouvement politique. Nous n’acceptons rien de négatif, précise-t-il. Mais si vous voulez parler d’insécurité alimentair­e, c’est le bon lieu. Quand avez-vous vu avant 58 000 personnes se mobiliser avec un objectif commun : celui d’avoir be‐ soin de manger?

Loblaw est parfois deux fois plus cher que [certains autres petits commerces lo‐ caux]. Comment ça se justi‐ fie?, avance-t-il.

Le boycottage de Lo‐ blaw, la solution?

Mais pour le directeur principal du Laboratoir­e de sciences analytique­s en agroalimen­taire à l’Université de Dalhousie, Sylvain Charle‐ bois, un possible boycottage de Loblaw simplifie à tort le fonctionne­ment de la chaîne d’approvisio­nnement.

Ces boycottage­s-là s’ins‐ crivent souvent dans une mouvance vers l’inconnu. On comprend mal l’industrie, alors on simplifie le pro‐ blème en disant "Eh bien, c’est le détaillant qui est res‐ ponsable des prix plus éle‐ vés", tranche-t-il. Mais, il y a tellement de variables qui af‐ fectent le prix des aliments, c’est incroyable.

De dire que Loblaw aug‐ mente ses prix de façon in‐ justifiée, c’est faux. Mais, estce que Loblaw abuse de son pouvoir au sein de la chaîne? Absolument. Même chose pour Walmart.

Sylvain Charlebois Actuelleme­nt, Loblaw abuse de sa position de pou‐ voir en chargeant à peu près n’importe quoi à ses fournis‐ seurs. Et lorsque Loblaw aug‐ mente ses frais, bien les four‐ nisseurs augmentent leurs prix. En bout de ligne, c’est qui qui paie? Bien c’est le consommate­ur, explique Syl‐ vain Charlebois.

Ainsi, selon l’expert, le gouverneme­nt fédéral doit catégoriqu­ement instaurer un code d’éthique pour disci‐ pliner des joueurs comme Loblaw et Walmart, afin de réguler les augmentati­ons de frais auprès de ses fournis‐ seurs. On parle du code de‐ puis une dizaine d’années, précise-t-il.

Les petites épiceries peinent à garder les prix bas

À Saint-Jean de TerreNeuve, des passants interro‐ gés par Radio-Canada disent comprendre le mouvement. C’est le cas de Reg Chafe, qui ne va plus au Loblaws depuis des années.

Les prix sont trop élevés. Et ils proposent ce qu’ils ap‐ pellent des promotions, mais ce n’est pas du tout le cas. Il n’y a pas de promotions à ce que je vois. Je me suis rési‐ gné. J’étais un client fidèle, mais j’ai complèteme­nt re‐ noncé à y aller, dit-il. Je ne peux plus me le permettre.

Il fréquente maintenant le Bidgood’s, une épicerie locale indépendan­te.

Mais, là aussi, les prix ont augmenté.

Essentiell­ement, nous de‐ vons suivre les prix de notre fournisseu­r et nous ne sommes pas sur le même marché que Loblaws et So‐ beys pour faire quoi que ce soit au sujet des prix, dit le propriétai­re de l’établisse‐

ment, Rick Bidgoog.

Il ajoute que depuis la pandémie de la COVID-19, les problèmes de pénuries de personnels et la recrudes‐ cence de frais supplémen‐ taires - comme les surcoûts de carburant qui monte en flèche - rendent la situation de plus en plus difficile pour les entreprise­s indépen‐ dantes.

Tous les coûts finissent par se répercuter sur le client, explique Rick Bidgood. On absorbe les coûts le mieux possible, mais il y a quand même des limites à ce qu’on peut faire. On est un business, on doit faire du bu‐ siness. Il faut qu’on réussisse à faire un profit.

Avec des informatio­ns de Kyle Mooney

ment déçus que la proposi‐ tion ignore l'éléphant dans la pièce.

Le représenta­nt de la dé‐ légation du Rwanda lors de la session plénière

Depuis le début des négo‐ ciations, en 2022, c’est sur ce point que les négociatio­ns achoppent. Plusieurs États, dont des pays du Sud, de l'Afrique et des nations insu‐ laires, jugent impératif de s'attaquer à la source du pro‐ blème pour freiner la consommati­on de polymères plastiques primaires, qui ont connu une progressio­n verti‐ gineuse depuis les années 1950.

Les pays du G7 veulent s'attaquer à la production

À Turin, en Italie, les mi‐ nistres du G7 responsabl­es du climat, de l’énergie et de l’environnem­ent s'apprêtent à s'engager à réduire la pro‐ duction mondiale de poly‐ mères primaires afin de mettre fin à la pollution plas‐ tique en 2040, selon l'AFP. Une position, à certains égards, plus ferme que ce qui a été défendu par les délé‐ gués de certains de ces pays, dont le Canada et les ÉtatsUnis, à Ottawa.

Ils s'opposent à un re‐ groupement d'États liés aux intérêts pétrochimi­ques, no‐ tamment l'Iran, l'Arabie saou‐ dite, la Russie, la Chine et Cuba.

Tout au long des pourpar‐ lers, ce bloc a minimisé la question de la production, ju‐ geant plutôt prioritair­e d’améliorer la gestion des dé‐ chets et d’établir le design des plastiques, de sorte d’en limiter les effets néfastes sur l’environnem­ent et de facili‐ ter le recyclage.

Le leadership du Canada critiqué

À Turin pour une ren‐ contre du G7, le ministre fé‐ déral de l'Environnem­ent et du Changement climatique, Steven Guilbeault, n'a pas pu participer aux derniers jours du sommet à Ottawa. Il a néanmoins réitéré la volonté du Canada à parvenir à un accord final en Corée.

Le ministre y voit l'une des décisions environnem­entales les plus importante­s, à l'image des grands accords de l'ONU pour lutter contre les changement­s climatique­s et l'effondreme­nt de la biodi‐ versité.

Des groupes environne‐ mentaux ont toutefois criti‐ qué le leadership du Canada, lui reprochant de ne pas avoir été suffisamme­nt lo‐ quace au sein de la coalition pour la haute ambition, dont il fait pourtant partie. Les avancées réalisées au cours de cette avant-dernière ses‐ sion s'avèrent, selon eux, in‐ suffisante­s.

Les compromis faits à Ot‐ tawa nous éloignent encore plus du traité que la science exige et que la justice ré‐ clame, a réagi Graham Forbes, responsabl­e de la campagne mondiale sur les plastiques à Greenpeace USA.

La production de plas‐ tique nuit chaque jour aux population­s, mais les États écoutent davantage les lob‐ byistes de l’industrie pétro‐ chimique que les scienti‐ fiques spécialist­es de la santé.

Graham Forbes, respon‐ sable de la campagne mon‐ diale sur les plastiques à Greenpeace USA.

Les États-Unis, qui n'ont jamais officielle­ment pris le parti d'un camp ou de l'autre, sont néanmoins montrés du doigt pour avoir ralenti les discussion­s.

Même s'ils ont signalé au G7 qu’ils s’engageraie­nt à ré‐ duire la production de plas‐ tique, ils ont intentionn­elle‐ ment bloqué les efforts vi‐ sant à y parvenir dans les né‐ gociations mondiales les plus pertinente­s sur la question, a affirmé Carroll Muffett, prési‐ dente du Center for Interna‐ tional Environmen­tal Law (CIEL).

Les réticences des uns et l'obstructio­n des autres sur la question de la production ont tout à voir avec les inté‐ rêts financiers de l'industrie du plastique, selon le CIEL. L'organisati­on a dénombré près de 200 lobbyistes de l'in‐ dustrie des combustibl­es fos‐ siles et des produits chi‐ miques inscrits aux négocia‐ tions à Ottawa.

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