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Les opposants à Trans Mountain : de la contestati­on à la résignatio­n

- Benoît Ferradini

Les opposants au projet de dédoubleme­nt de l'oléoduc Trans Mountain, qui entre en opération cette se‐ maine, se font discrets de‐ puis que le pipeline a été racheté par le gouverne‐ ment fédéral en 2018. Mal‐ gré tout, leurs craintes d'un désastre environne‐ mental et du non-respect des cibles de réduction des gaz à effet de serre de‐ meurent toujours aussi fortes.

Depuis le parc Cates à North Vancouver, qui fait partie du territoire ancestral de la Première Nation TsleilWaut­uth, on peut voir le ter‐ minal pétrolier Westridge de Trans Mountain, à Burnaby, de l'autre côté de l'anse Bur‐ rard.

C'est là que le pipeline

Trans Mountain aboutit, à en‐ viron 1100 kilomètres de son point de départ des environs d'Edmonton.

Reuben George dirige l'or‐ ganisation Sacred Trust, qui vise à s'opposer au pipeline Trans Mountain, depuis 2012.

Tsleil-Waututh veut dire "le peuple de l'eau". On fait partie de là où on vit.

Rueben George, membre de la Première Nation TsleilWaut­uth

Vous voyez l'eau derrière moi?, dit Rueben George. Quand la marée est basse, nos ancêtres avaient l'habi‐ tude de dire: "la table est mise".

La peur d'une marée noire

La principale crainte des Tsleil-Waututh, c'est un dé‐ versement pétrolier.

Car c'est depuis le termi‐ nal Westridge que les pétro‐ liers transporte­nt le pétrole albertain vers les marchés in‐ ternationa­ux. Ils doivent pas‐ ser devant la communauté Tsleil-Waututh, naviguer sous deux ponts, devant le centrevill­e de Vancouver, puis contourner l'île de Vancouver avant d'arriver à l'océan.

Nous avons nettoyé l'anse Burrard, explique Rueben George. On vient de récolter des palourdes pour la pre‐ mière fois depuis 45 ans. La zostère repousse près du ter‐ minal, ce qui a provoqué le retour des harengs.

Après avoir perdu de nombreuses batailles juri‐ diques pour empêcher l'agrandisse­ment du pipeline, les Tsleil-Watuth promettent qu'ils vont surveiller de très près les opérations de Trans Mountain.

Je ne vais pas m'arrêter parce que le pipeline est opé‐ rationnel, dit Rueben George. On va continuer de protéger notre territoire, comme nos ancêtres l'ont fait avant nous. Ce n'est pas fini.

Pour sa part, l'ancien maire de Burnaby, Derek Corrigan, a été l'un des plus farouches opposants au pi‐ peline Trans Mountain.

C'était une bataille de Da‐ vid contre Goliath.

Derek Corrigan, ancien maire de Burnaby

Pour nous, les politicien­s qui étaient prêts à se battre contre le projet, se rappelle-til. On était dans la position

de Don Quichotte qui se bat‐ tait contre les moulins à vent, en espérant que le public al‐ lait se mobiliser.

À l'époque, le maire était, comme les Tsleil-Waututh, in‐ satisfait des mesures de sé‐ curité prévues par Kinder Morgan, puis Trans Moun‐ tain, en cas de déversemen­t pétrolier ou d'incendie dans le dépôt de carburant.

Mais comment est-ce qu'on peut conserver cette opposition sur le long terme?, se demande-t-il. Comment faire face à un gouverneme­nt et à une in‐ dustrie si déterminés, et prêts à financer le projet?

Des manifestat­ions à travers le pays

L'approbatio­n du projet d'agrandisse­ment du pipeline

Trans Mountain a donné lieu à de nombreuses manifesta‐ tions, partout au pays.

Parmi les nombreux mili‐ tants environnem­entaux qui se sont opposés au projet se trouve le Vancouvéro­is Yvon Raoul. Ex-enseignant d'écolo‐ gie, il a lui aussi assisté à l'es‐ soufflemen­t du mouvement anti-Trans Mountain.

Une fois que l'oléoduc a été acheté par le gouverne‐ ment, il y a eu un décourage‐ ment qui s'est installé, ex‐ plique-t-il. C'était comme un fait accompli. On savait qu'une fois que le gouverne‐ ment allait embarquer là-de‐ dans, que le projet allait continuer.

On était un petit groupe qui s'appelait la Justin Tru‐ deau brigade, se rappelle-t-il. On se pointait ici tous les ma‐ tins à 4 h. Parce que c'était à 4 h que les premiers camions arrivaient.

Ce qu'on voulait, c'est atti‐ rer l'attention.

Yvon Raoul, militant envi‐ ronnementa­l

Mais selon Yvon Raoul, le blocage n'a pas porté fruit, et l'appui de la population ne s'est jamais matérialis­é, mal‐ gré ce qu'il considère être des risques majeurs posés par l'agrandisse­ment du pi‐ peline.

Ça va avoir un impact sur la vie marine, la vie naturelle, explique Yvon Raoul. Il y aura aussi bien sûr un impact au niveau effet de serre. La consommati­on de pétrole dans le monde continue à augmenter, et le Canada par‐ ticipe à cette augmentati­on. On se dit qu'on coupe le pé‐ trole ici, mais on vend du pé‐ trole pour que ça soit brûlé ailleurs. Alors donc le résultat revient au même.

L'échec de la voie légale

Depuis 2012, plusieurs politicien­s de Colombie-Bri‐ tannique se sont opposés au projet d'agrandisse­ment du pipeline Trans Mountain.

En 2017, John Horgan avait promis d’utiliser tous les outils de sa boîte à outils pour freiner l’expansion de l’oléoduc. Son opposition avait entraîné une dispute in‐ terprovinc­iale avec son ho‐ mologue albertaine.

Après plusieurs revers de‐ vant les tribunaux, la Colom‐ bie-Britanniqu­e n'a pas réussi à bloquer le projet.

Mike Hurley, le nouveau maire de la Ville de Burnaby, est un ancien pompier. Il a pour sa part tenté de faire ré‐ viser les plans de prévention des incendies de Trans

Mountain pour son dépôt de pétrole.

À Burnaby, on a 80 % des risques, explique Mike Hur‐ ley. C'est ici qu'ils vont rem‐ plir les navires pétroliers. C'est ici qu'ils stockent le pé‐ trole lourd. La taille du dépôt de carburant a triplé. Et je ne pense pas qu'il y a eu assez d'attention portée aux pro‐ blèmes de sécurité, lors de l'agrandisse­ment du pipeline.

Le maire reconnaît que la région ne peut que subir le début des opérations du nouveau pipeline Trans Mountain. Toutefois, la posi‐ tion du conseil municipal de Burnaby n'a pas changé de‐ puis plus de dix ans; la Ville reste officielle­ment opposée au projet.

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