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Baie-Saint-Paul, un an après : partir ou rester?

- Guylaine Bussière

Partir ou rester, c'est la question qui habite les si‐ nistrés du centre-ville de Baie-Saint-Paul depuis les inondation­s du 1er mai 2023. Un an après cette crue exceptionn­elle, 30 des 184 propriétai­res de rési‐ dences inondées ont reçu ou sont en attente d'une autorisati­on pour démolir leur maison.

Le peintre Humberto Pi‐ nochet est le premier à avoir vu sa maison atelier tomber sous le pic des démolisseu­rs. La résidence de l'artiste, éta‐ bli à Baie-Saint-Paul depuis une trentaine d'années, était trop endommagée pour être rénovée.

Le pinceau à la main, il nous raconte comment cette dernière année en a été une de questionne­ments et d'er‐ rances. L'artiste explique s'être senti comme un réfu‐ gié climatique.

Dans les premiers mo‐ ments, on est sous le choc de voir que quelque chose qu'on a bâti de ses mains, qui contient nos dessins, nos peintures, cet espace de rêve que j'avais bâti pour vivre mes vieux jours, a été sub‐ mergé par l'eau.

L'autre difficulté à laquelle il a fait face : se reloger. Il a même craint devoir quitter Baie-Saint-Paul, ce territoire qui l'inspire depuis tant d'an‐ nées. C'était l'inquiétude du futur, est-ce qu'il va falloir que je quitte cette place que j'aime?

Les inondation­s ont am‐ plifié la crise du logement dans la région. Heureuse‐ ment pour lui, il a finalement pu rénover un logement si‐ tué au coeur de Baie-SaintPaul. Il vit et travaille mainte‐ nant dans ce nouvel espace situé au deuxième étage de la maison de son fils. Un sou‐ lagement de se retrouver dans cette jolie maison bleue, mais aussi un sacrifice pour le créateur qui se re‐ trouve dans un six pièces alors que sa maison atelier comptait 3000 pieds carrés (280 m2).

Partir ou rester, c'est la question que se pose aussi Claude Thériault, résident du 71, rue Saint-Joseph, depuis les années 1980. Partir, partir pour où? Rester, rester dans quoi? C'est sans réponse tout ça. Un an après, on est en‐ core dans le gros questionne‐ ment.

Sa maison patrimonia­le a été lourdement affectée par la crue du 1er mai 2023, près d'un mètre d'eau s'est accu‐ mulé au rez-de-chaussée. De‐ puis, M. Thériault s'est réfu‐ gié au deuxième étage de sa maison et jongle avec les op‐ tions qui s'offrent à lui. Il a d'abord entrepris des rénova‐ tions et refait les planchers et les murs du rez-de-chaussée.

Toutefois, devant le risque de nouvelles inondation­s, il a demandé un permis pour im‐ muniser sa maison. Immuni‐ ser, ça veut dire relever la propriété comme l'ont fait certains de ses voisins pour se protéger des crues à venir. Mais depuis quelques mois, sa réflexion a évolué et il en‐ visage la démolition de sa co‐ quette maison blanc et jaune.

Il y a eu l'annonce de Des‐ jardins, il se retire au niveau des prêts et des assurances, là je me suis mis à considérer une autre option qui est la démolition.

Mais reste un bémol im‐ portant, Claude Thériault se demande si c'est la bonne so‐ lution compte tenu de l'ab‐ sence de logements dispo‐ nibles. Il n'y a pas de maisons à vendre, il n'y a pas de loge‐ ments. S'il n'y a pas de place ailleurs, est-ce que je suis mieux d'immuniser puis de demeurer ici?

Pour obtenir l'autorisati­on de démolir une maison, les dommages estimés doivent dépasser les 162 000 $, alors le ministère de la Sécurité publique (MSP) accorde un montant maximum de 385 000 $ basé sur l'évaluation de la propriété. Par la suite, la municipali­té doit accorder un permis de démolition et la MRC doit donner son accord pour finaliser le processus.

Au centre de Baie-SaintPaul, neuf résidences ont dé‐ jà été rasées, la plupart sur la rue des Cèdres. Selon les de‐ mandes de permis accordés ou en attente, 30 des 184 propriétés inondées pour‐ raient disparaîtr­e. C'est envi‐ ron une propriété sur six.

Rester

Plusieurs restent et ré‐ novent avec l'aide financière du ministère de la Sécurité publique. Pour certains sinis‐ trés, comme Nathalie Houle, la démolition n'était pas envi‐ sageable.

Premièreme­nt, quand on m'avait parlé de démolir, j'ai fait une crise de panique. C'était pas concevable. Nathalie Houle

La jeune retraitée est pro‐ priétaire du 49, rue Saint-Jo‐ seph, depuis 2003. Madame Houle est très attachée à cette propriété qui a appar‐ tenu et a été rénovée jadis par son grand-père. Elle a choisi de rénover et de res‐ ter, mais elle doit apprivoise­r les départs de ses voisins et amis.

C'est très dur de voir que je vais peut-être perdre mes voisins depuis que j'ai l'âge de me rappeler. Ça, c'était la maison de M. Charles, le Clo‐ cheton, énumère-t-elle. C’est

difficile de voir partir ça.

Malgré l'épreuve qui laisse des cicatrices, Nathalie Houle ajoute que la résilience s'ins‐ talle. Je suis suivie par un psychologu­e qui m'a beau‐ coup aidée, beaucoup aidée.

Le peintre Humberto Pi‐ nochet ajoute avec philoso‐ phie : La vie continue, comme l'eau, son chemin vers l'océan.

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