Des dépotoirs rejettent des contaminants éternels dans les rivières avec l’aval de Québec
De l’eau usée fortement contaminée aux composés perfluorés (PFAS), surnom‐ més « contaminants éter‐ nels », est rejetée dans les rivières par plusieurs dépo‐ toirs au Québec. Une pra‐ tique qui, bien que jugée fortement préoccupante, est tout à fait légale. Au fait de la situation, le gou‐ vernement du Québec n’impose aucune norme pour ces contaminants aux gestionnaires des lieux d’enfouissement tech‐ nique.
C’est le cas à Cowansville où une concentration de PFAS de 4725 nanogrammes par litre (ng/l) a été mesurée en 2020 dans un échantillon d’eau rejetée par le lieu d’en‐ fouissement technique (LET) dans un fossé qui se déverse dans la rivière Yamaska SudEst.
Cette concentration est 157 fois plus élevée que le critère de 30 ngl/l proposé par Santé Canada pour l’eau potable. Les gestionnaires des dépotoirs n’ont pas à res‐ pecter cette cible ni aucune autre pour les PFAS. Le gou‐ vernement du Québec, de son côté, ne leur impose pas d’exigence pour le traitement de ces contaminants éternels reconnus pour leur persis‐ tance dans l’environnement.
Le professeur en chimie environnementale à l’Univer‐ sité de Montréal, Sébastien Sauvé, juge que la situation est intolérable. On peut dé‐ battre de la limite maximum [de la somme totale des PFAS mesurée dans l’eau] dans les rejets d’eaux usées. Ça pour‐ rait être le double que celle pour l’eau potable, trois ou quatre fois plus, mais c’est clair pour moi que 100, 150 fois de plus que pour l’eau potable, c’est inacceptable! On cause des problèmes.
On est dans des niveaux qui sont très élevés. On gé‐ nère des problèmes.
Sébastien Sauvé, profes‐ seur en chimie environne‐ mentale, Université de Mon‐ tréal
Impacts possibles d’une exposition prolongée au PFAS
Réduction de la réponse immunitaire aux vaccins;
Augmentation du choles‐ térol;
Augmentation du risque de cancer du rein;
Baisse du poids de nais‐ sance.
Par ailleurs, les re‐ cherches qui évoluent très rapidement tendent à confir‐ mer certains impacts sur la santé d’une exposition pro‐ longée aux PFAS. À la fin de 2023, le Centre de recherche international sur le cancer a émis ce qu’on appelle une monographie, une classifica‐ tion du PFOA et PFOS. Le PFOA est considéré comme cancérigène et le PFOS est possiblement cancérigène, explique la conseillère scien‐ tifique à l’Institut national de santé publique du Québec, Marie-Hélène Bourgault.
Source : Institut national de santé publique du Québec
En plus des impacts sur la santé humaine, ces contami‐ nants sont dommageables pour les autres espèces vi‐ vantes. Quand on rejette de l’eau usée dans un cours d’eau, cette eau peut perco‐ ler, elle peut contaminer la nappe phréatique, l’environ‐ nement, explique M. Sauvé.
Des fortes concentra‐ tions pour 8 dépotoirs étu‐ diés
Le gouvernement du Qué‐ bec sait depuis plusieurs an‐ nées que certains dépotoirs rejettent dans les rivières de l’eau de lixiviation fortement contaminée aux PFAS. Le lixi‐ viat, c’est un mélange d’eau, de pluie et de liquide qui per‐ cole au travers des déchets et qui crée, en d’autres mots, du jus de poubelle.
De 2019 à 2021, un projet exploratoire du ministère de l’Environnement a permis de mesurer ces contaminants éternels dans plusieurs lieux d’enfouissement technique qui rejettent leurs eaux usées après traitement dans une rivière ou un fossé qui s’y déversent.
Radio-Canada a obtenu les rapports d’analyse datés de juin 2023 pour huit dépo‐ toirs grâce la Loi sur l’accès aux documents. Ils per‐ mettent de conclure qu’au‐ cun système de traitement des eaux usées des dépo‐ toirs étudiés ne parvient à éliminer tous les PFAS. La moyenne de la concentration de ces contaminants dans l’eau traitée rejetée est d’envi‐ ron 2000 ng/l, soit 66 fois plus que la limite visée par Santé Canada pour l’eau po‐ table.
Le ministère de l’Environ‐ nement a refusé nos de‐ mandes d’entrevue et n’a pas répondu à la question s’il comptait obliger l’élimination des PFAS par les lieux d’en‐ fouissement.
Dans une réponse écrite, il mentionne toutefois avoir l’intention d’obliger le suivi des PFAS pour tous les LET. Une modification réglemen‐ taire serait en préparation. Les modifications réglemen‐ taires ciblant à permettre un meilleur suivi des PFAS dans les rejets de lixiviat contri‐ bueront d’ailleurs à parfaire nos connaissances en la ma‐ tière, précise-t-on.
Ce n’est pas comme ça qu’on devrait protéger la santé des gens!
Radio-Canada a pu identi‐ fier des résidences s’alimen‐ tant en eau par des puits pri‐ vés à proximité de la majorité des huit lieux d’enfouisse‐ ment technique du projet ex‐ ploratoire du ministère.
Le professeur Sauvé croit que ces citoyens devraient, dans un souci de prévention, faire analyser l’eau de leur puits pour y déceler la pré‐ sence de PFAS.
Il comprend mal pourquoi le gouvernement n’a pas déjà lancé une vaste campagne d’échantillonnage, surtout depuis qu’il est documenté que des puits à Sainte-Cécilede-Milton, situés près d’un dépotoir, sont contaminés aux PFAS. Une situation qui a amené récemment la Direc‐ tion de la santé publique de l’Estrie a recommandé à cer‐ tains citoyens de cesser de boire l’eau.
La première réaction au niveau gouvernemental, c’est de nier le problème pour évi‐ ter de se compliquer la vie.
Sébastien Sauvé, profes‐ seur de chimie environne‐ mentale à l’Université de Montréal
Sébastien Sauvé croit que le statu quo n’est pas accep‐ table. Ce n’est pas comme ça qu’on devrait protéger la santé des gens. Il faudrait être systématique, puis me‐ surer tous les puits qui sont à proximité des sites d’enfouis‐ sement, souligne le profes‐ seur.
Une demande restée lettre morte jusqu’à présent.
Des prises d’eau potable dans les rivières à près des rejets
Par ailleurs, la Fondation Rivières constate que les prises d’eau potable de plu‐ sieurs municipalités, dont Donnacona, Beaupré et Trois-Rivières sont situées à quelques kilomètres en aval de certains des dépotoirs concernés par le projet ex‐ ploratoire du ministère. C’est donc dire que l’eau que boivent leurs citoyens pro‐ vient des rivières qui re‐ çoivent les eaux usées trai‐ tées des dépotoirs.
Le directeur général de la Fondation, André Bélanger, concède qu’il y a assurément un effet de dilution avant que l’eau se rende à l’usine, mais il rappelle que les PFAS
ont la particularité de s’accu‐ muler dans l’environnement. Il faut cesser immédiatement ces sources de contamina‐ tion de poisons dans les ri‐ vières, souligne-t-il.
C’est un peu inquiétant de voir qu’on pousse à plus tard la solution à un problème dont on connaît déjà la solu‐ tion.
André Bélanger, directeur général, Fondation Rivières
Il comprend mal pourquoi le gouvernement n’agit pas alors que des systèmes de traitement de l’eau contami‐ née aux PFAS existent. C’est du pelletage en avant d’une solution qui devrait être ap‐ pliquée immédiatement, presque en mode d’urgence. On semble prêcher par légè‐ reté, martèle-t-il.
L’industrie prête à colla‐ borer
Le Conseil des entreprises en technologie environne‐ mentale du Québec, qui re‐ présente notamment les ges‐ tionnaires des lieux d’en‐ fouissement technique, dit que ses membres sont prêts à investir pour éliminer les PFAS lorsque Québec aura donné des indications claires sur les concentrations à res‐ pecter. Ce qu’on redemande au ministère, c’est de connaître la concentration et d’établir la norme. Les LET vont se soumettre à ces nou‐ velles exigences, comme ils le font pour les autres actuelle‐ ment en vigueur, tranche son directeur général, Kevin Mo‐ rin.
Comme industrie, on veut être partie prenante de la so‐ lution.
Kevin Morin, directeur gé‐ néral du Conseil des entre‐ prises en technologie envi‐ ronnementale du Québec
Il invite aussi les autorités à s’attaquer au problème à la source. Les PFAS sont pré‐ sents dans plusieurs produits imperméabilisants et objets du quotidien que les citoyens jettent aux poubelles, rap‐ pelle M. Morin. Il faudrait peut-être porter une atten‐ tion à ceux qui mettent en marché ces matières pour éviter qu’en fin de vie, les LET, qui ont la volonté d’améliorer les choses, soient toujours pointés du doigt par la popu‐ lation.
Le président-directeur gé‐ néral du Réseau Environne‐ ment, Mathieu Laneuville, abonde dans le même sens. On veut vraiment l’élimina‐ tion à la source pour qu’on ne fasse pas juste mettre des plasters à gauche et à droite dans notre société.
Son organisme juge que la réglementation au Canada et au Québec assume un re‐ tard comparativement à l’Eu‐ rope et aux États-Unis.
Le professeur Sébastien Sauvé croit, quant à lui, qu’il faut agir sur les deux fronts. La majorité des usages de PFAS peuvent être éliminés, mais on ne peut pas attendre que ça se fasse dans 10 ans. Il faut arrêter d’être exposé, souligne-t-il.
Aussi préoccupant pour les milieux aquatiques
M. Laneuville, rappelle que le rejet des PFAS a aussi un impact sur l’écosystème dans la nature. Il réclame, entre autres, une bonifica‐ tion des Critères de qualité de l'eau de surface du gou‐ vernement du Québec pour les PFAS qui servent de guide aux autorités pour imposer des objectifs environnemen‐ taux des projets impliquant le rejet d’eaux usées.
Actuellement, il n’y a que deux molécules (PFOA et PFOS) sur des milliers qui sont considérées dans les cri‐ tères de qualité de l’eau de surface. La majorité des huit dépotoirs concernés par l’analyse du ministère ne res‐ pecte d’ailleurs pas le critère pour les PFOS qu’ils ne sont pas tenus de respecter.
André Bélanger, de la Fon‐ dation Rivières, trouve intolé‐ rable la situation actuelle. C’est épouvantable parce qu’il y a des poissons dans ces habitats, s’indigne-t-il.
Dans une réponse écrite, datée du 7 mars dernier, le ministère de l’Environnement mentionnait que les LET doivent déjà réaliser un suivi de la qualité des eaux. Même si ces suivis ne comportent pas spécifiquement l’analyse des PFAS, ils permettent de vérifier si les activités d’en‐ fouissement et de traitement du lixiviat ont un impact sur l’environnement.
Une nouvelle réglemen‐ tation aux États-Unis
Le gouvernement des États-Unis a récemment adopté de nouvelles normes de gestion des PFAS. Une dé‐ cision qui suscite l’intérêt de plusieurs experts, dont la conseillère scientifique à l’Institut national de santé publique du Québec, MarieHélène Bourgault. C’était une décision qui était très atten‐ due, souligne-t-elle. Ils ont re‐ çu 120 000 commentaires [lors de la consultation], ce qui est énorme.
Les États-Unis imposent un seuil de 4 ng/l pour les PFOS et PFOA, deux molé‐ cules plus préoccupantes. Ce seuil a été établi en considé‐ rant certains enjeux utili‐ taires, comme la capacité de mesure des appareils. Les seuils, qu’on appelle les ob‐ jectifs de santé, sont beau‐ coup plus bas, explique Mme Bourgault.
De son côté, le Canada n’a pas encore officialisé de norme.
ride, du Wisconsin, de la Ca‐ roline du Nord et de la Loui‐ siane.
L'apparition de campe‐ ments propalestiniens sur les campus universitaires des États-Unis a ravivé le débat déjà tendu sur la guerre que mène Israël dans la bande de Gaza depuis l'attaque du Ha‐ mas le 7 octobre dernier.
Un regain de tension qui perturbe la classe politique américaine à six mois des élections présidentielles, dans un pays qui compte le plus grand nombre de juifs dans le monde après Israël, ainsi que des millions d'Amé‐ ricains arabo-musulmans.
Ces images qui font le tour du monde ont aussi des impacts en Israël, accusé par plusieurs pays d'utiliser l'at‐ taque meurtrière du Hamas comme prétexte pour mener une campagne d'épuration ethnique, voire un génocide, dans la bande de Gaza. Des allégations que rejette en bloc l'État hébreu.
Selon le président israé‐ lien Isaac Herzog, c'est plutôt la haine et l'antisémitisme qui contaminent des campus américains.
Les campements se mul‐ tiplient au Canada
Au Canada, l’opposition à la guerre que mène Israël dans la bande de Gaza a aussi donné lieu à l'appari‐ tion de campements propa‐ lestiniens, notamment de‐ puis la semaine dernière sur les pelouses de l’Université McGill à Montréal.
Un campement en sou‐ tien aux Palestiniens a aussi vu le jour au début de la se‐ maine sur les terrains de l'université UBC, à Vancouver et un autre a aussi été ins‐ tallé sur les pelouses de l'Université d'Ottawa.
Ce matin, on rapportait également l'apparition de tentes et de clôtures sur le campus de l'Université de To‐ ronto.