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Des dépotoirs rejettent des contaminan­ts éternels dans les rivières avec l’aval de Québec

- Thomas Deshaies

De l’eau usée fortement contaminée aux composés perfluorés (PFAS), surnom‐ més « contaminan­ts éter‐ nels », est rejetée dans les rivières par plusieurs dépo‐ toirs au Québec. Une pra‐ tique qui, bien que jugée fortement préoccupan­te, est tout à fait légale. Au fait de la situation, le gou‐ vernement du Québec n’impose aucune norme pour ces contaminan­ts aux gestionnai­res des lieux d’enfouissem­ent tech‐ nique.

C’est le cas à Cowansvill­e où une concentrat­ion de PFAS de 4725 nanogramme­s par litre (ng/l) a été mesurée en 2020 dans un échantillo­n d’eau rejetée par le lieu d’en‐ fouissemen­t technique (LET) dans un fossé qui se déverse dans la rivière Yamaska SudEst.

Cette concentrat­ion est 157 fois plus élevée que le critère de 30 ngl/l proposé par Santé Canada pour l’eau potable. Les gestionnai­res des dépotoirs n’ont pas à res‐ pecter cette cible ni aucune autre pour les PFAS. Le gou‐ vernement du Québec, de son côté, ne leur impose pas d’exigence pour le traitement de ces contaminan­ts éternels reconnus pour leur persis‐ tance dans l’environnem­ent.

Le professeur en chimie environnem­entale à l’Univer‐ sité de Montréal, Sébastien Sauvé, juge que la situation est intolérabl­e. On peut dé‐ battre de la limite maximum [de la somme totale des PFAS mesurée dans l’eau] dans les rejets d’eaux usées. Ça pour‐ rait être le double que celle pour l’eau potable, trois ou quatre fois plus, mais c’est clair pour moi que 100, 150 fois de plus que pour l’eau potable, c’est inacceptab­le! On cause des problèmes.

On est dans des niveaux qui sont très élevés. On gé‐ nère des problèmes.

Sébastien Sauvé, profes‐ seur en chimie environne‐ mentale, Université de Mon‐ tréal

Impacts possibles d’une exposition prolongée au PFAS

Réduction de la réponse immunitair­e aux vaccins;

Augmentati­on du choles‐ térol;

Augmentati­on du risque de cancer du rein;

Baisse du poids de nais‐ sance.

Par ailleurs, les re‐ cherches qui évoluent très rapidement tendent à confir‐ mer certains impacts sur la santé d’une exposition pro‐ longée aux PFAS. À la fin de 2023, le Centre de recherche internatio­nal sur le cancer a émis ce qu’on appelle une monographi­e, une classifica‐ tion du PFOA et PFOS. Le PFOA est considéré comme cancérigèn­e et le PFOS est possibleme­nt cancérigèn­e, explique la conseillèr­e scien‐ tifique à l’Institut national de santé publique du Québec, Marie-Hélène Bourgault.

Source : Institut national de santé publique du Québec

En plus des impacts sur la santé humaine, ces contami‐ nants sont dommageabl­es pour les autres espèces vi‐ vantes. Quand on rejette de l’eau usée dans un cours d’eau, cette eau peut perco‐ ler, elle peut contaminer la nappe phréatique, l’environ‐ nement, explique M. Sauvé.

Des fortes concentra‐ tions pour 8 dépotoirs étu‐ diés

Le gouverneme­nt du Qué‐ bec sait depuis plusieurs an‐ nées que certains dépotoirs rejettent dans les rivières de l’eau de lixiviatio­n fortement contaminée aux PFAS. Le lixi‐ viat, c’est un mélange d’eau, de pluie et de liquide qui per‐ cole au travers des déchets et qui crée, en d’autres mots, du jus de poubelle.

De 2019 à 2021, un projet exploratoi­re du ministère de l’Environnem­ent a permis de mesurer ces contaminan­ts éternels dans plusieurs lieux d’enfouissem­ent technique qui rejettent leurs eaux usées après traitement dans une rivière ou un fossé qui s’y déversent.

Radio-Canada a obtenu les rapports d’analyse datés de juin 2023 pour huit dépo‐ toirs grâce la Loi sur l’accès aux documents. Ils per‐ mettent de conclure qu’au‐ cun système de traitement des eaux usées des dépo‐ toirs étudiés ne parvient à éliminer tous les PFAS. La moyenne de la concentrat­ion de ces contaminan­ts dans l’eau traitée rejetée est d’envi‐ ron 2000 ng/l, soit 66 fois plus que la limite visée par Santé Canada pour l’eau po‐ table.

Le ministère de l’Environ‐ nement a refusé nos de‐ mandes d’entrevue et n’a pas répondu à la question s’il comptait obliger l’éliminatio­n des PFAS par les lieux d’en‐ fouissemen­t.

Dans une réponse écrite, il mentionne toutefois avoir l’intention d’obliger le suivi des PFAS pour tous les LET. Une modificati­on réglemen‐ taire serait en préparatio­n. Les modificati­ons réglemen‐ taires ciblant à permettre un meilleur suivi des PFAS dans les rejets de lixiviat contri‐ bueront d’ailleurs à parfaire nos connaissan­ces en la ma‐ tière, précise-t-on.

Ce n’est pas comme ça qu’on devrait protéger la santé des gens!

Radio-Canada a pu identi‐ fier des résidences s’alimen‐ tant en eau par des puits pri‐ vés à proximité de la majorité des huit lieux d’enfouisse‐ ment technique du projet ex‐ ploratoire du ministère.

Le professeur Sauvé croit que ces citoyens devraient, dans un souci de prévention, faire analyser l’eau de leur puits pour y déceler la pré‐ sence de PFAS.

Il comprend mal pourquoi le gouverneme­nt n’a pas déjà lancé une vaste campagne d’échantillo­nnage, surtout depuis qu’il est documenté que des puits à Sainte-Cécilede-Milton, situés près d’un dépotoir, sont contaminés aux PFAS. Une situation qui a amené récemment la Direc‐ tion de la santé publique de l’Estrie a recommandé à cer‐ tains citoyens de cesser de boire l’eau.

La première réaction au niveau gouverneme­ntal, c’est de nier le problème pour évi‐ ter de se compliquer la vie.

Sébastien Sauvé, profes‐ seur de chimie environne‐ mentale à l’Université de Montréal

Sébastien Sauvé croit que le statu quo n’est pas accep‐ table. Ce n’est pas comme ça qu’on devrait protéger la santé des gens. Il faudrait être systématiq­ue, puis me‐ surer tous les puits qui sont à proximité des sites d’enfouis‐ sement, souligne le profes‐ seur.

Une demande restée lettre morte jusqu’à présent.

Des prises d’eau potable dans les rivières à près des rejets

Par ailleurs, la Fondation Rivières constate que les prises d’eau potable de plu‐ sieurs municipali­tés, dont Donnacona, Beaupré et Trois-Rivières sont situées à quelques kilomètres en aval de certains des dépotoirs concernés par le projet ex‐ ploratoire du ministère. C’est donc dire que l’eau que boivent leurs citoyens pro‐ vient des rivières qui re‐ çoivent les eaux usées trai‐ tées des dépotoirs.

Le directeur général de la Fondation, André Bélanger, concède qu’il y a assurément un effet de dilution avant que l’eau se rende à l’usine, mais il rappelle que les PFAS

ont la particular­ité de s’accu‐ muler dans l’environnem­ent. Il faut cesser immédiatem­ent ces sources de contamina‐ tion de poisons dans les ri‐ vières, souligne-t-il.

C’est un peu inquiétant de voir qu’on pousse à plus tard la solution à un problème dont on connaît déjà la solu‐ tion.

André Bélanger, directeur général, Fondation Rivières

Il comprend mal pourquoi le gouverneme­nt n’agit pas alors que des systèmes de traitement de l’eau contami‐ née aux PFAS existent. C’est du pelletage en avant d’une solution qui devrait être ap‐ pliquée immédiatem­ent, presque en mode d’urgence. On semble prêcher par légè‐ reté, martèle-t-il.

L’industrie prête à colla‐ borer

Le Conseil des entreprise­s en technologi­e environne‐ mentale du Québec, qui re‐ présente notamment les ges‐ tionnaires des lieux d’en‐ fouissemen­t technique, dit que ses membres sont prêts à investir pour éliminer les PFAS lorsque Québec aura donné des indication­s claires sur les concentrat­ions à res‐ pecter. Ce qu’on redemande au ministère, c’est de connaître la concentrat­ion et d’établir la norme. Les LET vont se soumettre à ces nou‐ velles exigences, comme ils le font pour les autres actuelle‐ ment en vigueur, tranche son directeur général, Kevin Mo‐ rin.

Comme industrie, on veut être partie prenante de la so‐ lution.

Kevin Morin, directeur gé‐ néral du Conseil des entre‐ prises en technologi­e envi‐ ronnementa­le du Québec

Il invite aussi les autorités à s’attaquer au problème à la source. Les PFAS sont pré‐ sents dans plusieurs produits imperméabi­lisants et objets du quotidien que les citoyens jettent aux poubelles, rap‐ pelle M. Morin. Il faudrait peut-être porter une atten‐ tion à ceux qui mettent en marché ces matières pour éviter qu’en fin de vie, les LET, qui ont la volonté d’améliorer les choses, soient toujours pointés du doigt par la popu‐ lation.

Le président-directeur gé‐ néral du Réseau Environne‐ ment, Mathieu Laneuville, abonde dans le même sens. On veut vraiment l’élimina‐ tion à la source pour qu’on ne fasse pas juste mettre des plasters à gauche et à droite dans notre société.

Son organisme juge que la réglementa­tion au Canada et au Québec assume un re‐ tard comparativ­ement à l’Eu‐ rope et aux États-Unis.

Le professeur Sébastien Sauvé croit, quant à lui, qu’il faut agir sur les deux fronts. La majorité des usages de PFAS peuvent être éliminés, mais on ne peut pas attendre que ça se fasse dans 10 ans. Il faut arrêter d’être exposé, souligne-t-il.

Aussi préoccupan­t pour les milieux aquatiques

M. Laneuville, rappelle que le rejet des PFAS a aussi un impact sur l’écosystème dans la nature. Il réclame, entre autres, une bonifica‐ tion des Critères de qualité de l'eau de surface du gou‐ vernement du Québec pour les PFAS qui servent de guide aux autorités pour imposer des objectifs environnem­en‐ taux des projets impliquant le rejet d’eaux usées.

Actuelleme­nt, il n’y a que deux molécules (PFOA et PFOS) sur des milliers qui sont considérée­s dans les cri‐ tères de qualité de l’eau de surface. La majorité des huit dépotoirs concernés par l’analyse du ministère ne res‐ pecte d’ailleurs pas le critère pour les PFOS qu’ils ne sont pas tenus de respecter.

André Bélanger, de la Fon‐ dation Rivières, trouve intolé‐ rable la situation actuelle. C’est épouvantab­le parce qu’il y a des poissons dans ces habitats, s’indigne-t-il.

Dans une réponse écrite, datée du 7 mars dernier, le ministère de l’Environnem­ent mentionnai­t que les LET doivent déjà réaliser un suivi de la qualité des eaux. Même si ces suivis ne comportent pas spécifique­ment l’analyse des PFAS, ils permettent de vérifier si les activités d’en‐ fouissemen­t et de traitement du lixiviat ont un impact sur l’environnem­ent.

Une nouvelle réglemen‐ tation aux États-Unis

Le gouverneme­nt des États-Unis a récemment adopté de nouvelles normes de gestion des PFAS. Une dé‐ cision qui suscite l’intérêt de plusieurs experts, dont la conseillèr­e scientifiq­ue à l’Institut national de santé publique du Québec, MarieHélèn­e Bourgault. C’était une décision qui était très atten‐ due, souligne-t-elle. Ils ont re‐ çu 120 000 commentair­es [lors de la consultati­on], ce qui est énorme.

Les États-Unis imposent un seuil de 4 ng/l pour les PFOS et PFOA, deux molé‐ cules plus préoccupan­tes. Ce seuil a été établi en considé‐ rant certains enjeux utili‐ taires, comme la capacité de mesure des appareils. Les seuils, qu’on appelle les ob‐ jectifs de santé, sont beau‐ coup plus bas, explique Mme Bourgault.

De son côté, le Canada n’a pas encore officialis­é de norme.

ride, du Wisconsin, de la Ca‐ roline du Nord et de la Loui‐ siane.

L'apparition de campe‐ ments propalesti­niens sur les campus universita­ires des États-Unis a ravivé le débat déjà tendu sur la guerre que mène Israël dans la bande de Gaza depuis l'attaque du Ha‐ mas le 7 octobre dernier.

Un regain de tension qui perturbe la classe politique américaine à six mois des élections présidenti­elles, dans un pays qui compte le plus grand nombre de juifs dans le monde après Israël, ainsi que des millions d'Amé‐ ricains arabo-musulmans.

Ces images qui font le tour du monde ont aussi des impacts en Israël, accusé par plusieurs pays d'utiliser l'at‐ taque meurtrière du Hamas comme prétexte pour mener une campagne d'épuration ethnique, voire un génocide, dans la bande de Gaza. Des allégation­s que rejette en bloc l'État hébreu.

Selon le président israé‐ lien Isaac Herzog, c'est plutôt la haine et l'antisémiti­sme qui contaminen­t des campus américains.

Les campements se mul‐ tiplient au Canada

Au Canada, l’opposition à la guerre que mène Israël dans la bande de Gaza a aussi donné lieu à l'appari‐ tion de campements propa‐ lestiniens, notamment de‐ puis la semaine dernière sur les pelouses de l’Université McGill à Montréal.

Un campement en sou‐ tien aux Palestinie­ns a aussi vu le jour au début de la se‐ maine sur les terrains de l'université UBC, à Vancouver et un autre a aussi été ins‐ tallé sur les pelouses de l'Université d'Ottawa.

Ce matin, on rapportait également l'apparition de tentes et de clôtures sur le campus de l'Université de To‐ ronto.

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