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Procès de Trump : au tour de l’avocat de Stormy Daniels de témoigner

- Sophie-Hélène Lebeuf

La première audience de la semaine au procès criminel de Donald Trump, mardi à New York, a été marquée par un feu roulant de té‐ moignages, notamment ce‐ lui de l'avocat de deux pré‐ sumées maîtresses de l'an‐ cien président américain.

Après que le juge Juan Merchan eut déclaré le candi‐ dat républicai­n coupable d'outrage au tribunal pour avoir violé l'ordonnance re‐ streignant ce qu'il peut dire publiqueme­nt sur ce procès, les procureurs ont eu le temps de convoquer quatre témoins.

Si certains témoignage­s moins spectacula­ires ont servi essentiell­ement au dé‐ pôt en preuve de documents, la comparutio­n du quatrième et dernier témoin de la jour‐ née a remis les scandales sexuels au menu de l'au‐ dience.

Keith Davidson a négocié les ententes en vertu des‐ quelles la playmate Karen McDougal, puis l'ex-actrice pornograph­ique Stormy Da‐ niels, qui affirment toutes deux avoir eu des relations sexuelles avec l'accusé, ont reçu de l'argent en échange de leur silence. La première a été payée par le groupe de presse American Media Inc. (AMI) et la deuxième, par l'exavocat personnel de Donald Trump, Michael Cohen.

M. Davidson a commencé par expliquer le déroulemen­t des négociatio­ns concernant le paiement de 150 000 $ US à Karen McDougal, le pre‐ mier des deux versements à avoir été fait.

J'ai une super grosse his‐ toire sur Trump, a-t-il écrit le 7 juin 2016 dans un texto à Dylan Howard, qui était à l'époque rédacteur en chef du National Enquirer, un ta‐ bloïd qui appartenai­t au groupe AMI.

Nous en parlerons rapide‐ ment. Je vous donnerai plus que N'IMPORTE QUI pour ça. Vous savez pourquoi, a ré‐ pondu M. Howard, selon l'échange de textos déposés en cour.

Dans des textos subsé‐ quents envoyés quelques jours plus tard, le rédacteur en chef du National Enquirer lui a demandé : A-t-il trompé Melania?, puis Savez-vous si cette aventure est arrivée après son mariage avec Me‐ lania?

Karen McDougal affirme avoir entretenu une relation avec Donald Trump durant 10 mois, en 2006 et 2007, tandis que Stephanie Clifford allègue avoir eu avec lui une seule relation sexuelle, en 2006. Les deux aventures se‐ raient survenues peu après la naissance du fils cadet de M. Trump, Barron.

Donald Trump a nié tant les allégation­s d'aventures extraconju­gales que les chefs d'accusation de falsificat­ion de documents au centre du procès.

M. Davidson a aussi men‐ tionné avoir été en contact avec le réseau ABC, ce dont il avait informé M. Howard au cours des négociatio­ns.

Sa cliente Karen McDou‐ gal préférait l'accord avec AMI, qui ne l'obligeait pas à révéler publiqueme­nt son histoire, a-t-il ajouté.

Ses priorités étaient de donner un nouveau souffle à sa carrière, de gagner de l'ar‐ gent et d'éviter d'être étique‐ tée comme une maîtresse, at-il précisé.

Son rôle de négociateu­r a été lucratif : il a affirmé avoir reçu 45 % de l'argent payé à Karen McDougal.

Les textos présentés en cour montrent que, pendant les négociatio­ns, il a réclamé un poste d'ambassadeu­r à l'île de Man. Une boutade qu'il a décrite comme une blague illustrant que la sup‐ pression de l'histoire de sa cliente aiderait la candida‐ ture de Donald Trump.

La semaine dernière, le premier témoin appelé à la barre par les procureurs, l'exPDG du groupe de presse AMI, David Pecker, a expliqué comment, dès 2015, il avait mis son entreprise au service de la campagne de Donald Trump, un ami de longue date.

L'objectif, a-t-il révélé, était d'enterrer des informatio­ns dommageabl­es sur le candi‐ dat républicai­n en payant les sources de ces histoires.

Les négociatio­ns entou‐ rant l'histoire de Stormy Daniels

Les procureurs ont en‐ suite amené Keith Davidson à parler des négociatio­ns subséquent­es avec la deuxième cliente qu'il a re‐ présentée, Stephanie Clif‐ ford, dont le nom profession‐ nel est Stormy Daniels.

Le National Enquirer avait initialeme­nt peu d'appétit pour son histoire : les alléga‐ tions avaient déjà été pu‐ bliées en 2011, sans provo‐ quer de réel retentisse­ment, et elle les avait elle-même niées.

Toutefois, l'intérêt pour le témoignage de Mme Clifford a atteint un crescendo après la diffusion, au début du mois d'octobre, d'un enregis‐ trement désormais célèbre sur lequel on entendait Do‐ nald Trump se vanter de pou‐ voir « attraper » les femmes par leur sexe en toute impu‐ nité, a soutenu M. Davidson.

Rendu public un mois avant la présidenti­elle de no‐ vembre 2016, l'enregistre‐ ment semblait à l'époque menacer gravement les pers‐ pectives électorale­s de Do‐ nald Trump.

Trump est foutu, a écrit Keith Davidson à Dylan Ho‐ ward. Ce dernier a répliqué : Agitez le drapeau blanc. C'est fini, estimant que les révéla‐ tions sur Stormy Daniels avaient le potentiel d'être le dernier clou dans son cer‐ cueil.

Après avoir commencé des négociatio­ns avec AMI, M. Davidson a été mis en contact avec Michael Cohen en octobre 2016, a-t-il dé‐ claré.

À ce stade, a expliqué en cour le PDG d'AMI la semaine dernière, l'entreprise ne vou‐ lait plus rémunérer d'autres sources qui alléguaien­t déte‐ nir des histoires négatives sur Donald Trump. L'entre‐ prise avait déjà payé un total de 180 000 $ US à deux sources, dont Mme McDou‐ gal, et n'a pas réussi à être remboursée par Donald Trump ni par la Trump Orga‐ nization.

M. Davidson a dit avoir ensuite négocié avec Michael Cohen. Ce dernier justifiait notamment les retards dans les discussion­s sur le paie‐ ment par le fait que [son] gars était sur le terrain pour faire campagne et qu'il ne pouvait pas prendre de déci‐ sion en son absence.

Il a dit avoir eu l'impres‐ sion, par conséquent, que Michael Cohen n'avait pas le pouvoir de dépenser de l'ar‐ gent et avoir vu Donald Trump comme celui qui tirait les ficelles.

Je pensais qu'il essayait d'étouffer l'affaire jusqu'à après l'élection.

Keith Davidson, avocat de Stephanie Clifford

Cette affirmatio­n va dans le sens de la thèse des procu‐ reurs, qui affirment depuis le début que la quête alléguée de Donald Trump pour faire disparaîtr­e des informatio­ns défavorabl­es avait pour fina‐ lité sa victoire électorale. Des révélation­s faites après le scrutin de novembre n'au‐ raient donc pas pu lui nuire.

La défense affirme au contraire que l'important pour Donald Trump était de défendre sa réputation, son entreprise et sa famille.

M. Davidson a par ailleurs précisé que l'entente de confidenti­alité qui a par la suite été conclue désignait Mme Clifford et M. Trump par des pseudonyme­s, soit Peggy Peterson et David Dennison.

Mme Clifford a ultime‐ ment reçu 130 000 $ US pour son silence.

M. Cohen a reconnu avoir payé 130 000 $ US à Stormy

Daniels - il a purgé une peine de prison en rapport avec cet aveu - et a affirmé avoir agi conforméme­nt aux instruc‐ tions de M. Trump.

Dans cette affaire, l'ancien président américain est ac‐ cusé d'avoir falsifié des docu‐ ments financiers pour dissi‐ muler le remboursem­ent d’un paiement versé à Stormy Daniels, le tout s'ins‐ crivant dans un « plan crimi‐ nel pour corrompre l’élection de 2016 ».

Les procureurs arguent que Donald Trump a tenté de dissimuler des crimes liés à plus d'une loi, dont la loi élec‐ torale new-yorkaise qui inter‐ dit de conspirer pour pro‐ mouvoir une candidatur­e par des moyens illégaux.

Cela explique pourquoi les procureurs, avant de s'at‐ taquer aux accusation­s de falsificat­ion de documents, accordent une si grande im‐ portance à ce stratagème al‐ légué.

Trois autres témoins

En matinée, Gary Farro, un ancien banquier au ser‐ vice de First Republic, une banque américaine ayant pour clients des particulie­rs fortunés, a poursuivi le té‐ moignage qu'il avait amorcé vendredi.

M. Farro a fait état des communicat­ions entourant les démarches de Michael Cohen pour ouvrir des comptes pour deux sociétés à responsabi­lité limitée (SARL). Ces sociétés-écrans avaient pour but de procéder aux paiements secrets liés au silence des deux présumées maîtresses.

Il a entre autres affirmé que l'ancien homme de confiance de Donald Trump avait utilisé sa marge de cré‐ dit hypothécai­re pour trans‐ férer des fonds dans le compte ouvert pour effec‐ tuer le virement à Stormy Da‐ niels, deux semaines avant l'élection.

Contre-interrogé par la défense, il a déclaré qu'il n’avait pas traité directemen­t avec Donald Trump et qu'il ne lui avait jamais parlé.

Après lui, les procureurs ont convoqué deux témoins, qui leur ont permis de dépo‐ ser en preuve divers docu‐ ments.

Ils ont ainsi interrogé un responsabl­e des archives du réseau télévisé public CSPAN, qui diffuse entre autres des événements poli‐ tiques dans leur intégralit­é, ainsi qu'un employé d'une entreprise qui enregistre des vidéos lors de procédures ci‐ viles et fournit la transcrip‐ tion des audiences. L'entre‐ prise a plus spécifique­ment transcrit la déposition de Do‐ nald Trump dans une des deux poursuites civiles inten‐ tées par E. Jean Carroll.

Cette étape, qui aurait pu être évitée, a été nécessaire parce que les avocats de Do‐ nald Trump ont refusé de re‐ connaître l'authentici­té de ces preuves.

Les jurés ont notamment vu des extraits vidéo datant de 2016 dans lesquels il niait diverses allégation­s d'agres‐ sions sexuelles.

Dans un autre extrait, issu d'un document de cour, on le voit confirmer qu'il a épousé Melania Trump en 2005. Son mariage, sous-entendent ainsi les procureurs, a eu lieu peu avant les aventures conjugales alléguées.

La majeure partie de la semaine dernière a été consacrée au témoignage de David Pecker. Ce premier té‐ moin des procureurs a expli‐ qué en détail le stratagème visant à acheter et à suppri‐ mer de l’informatio­n négative visant Donald Trump afin de favoriser sa victoire en 2016.

Mardi, le juge a par ailleurs indiqué que Donald Trump serait en mesure d'as‐ sister à la remise de diplôme de son fils cadet le 17 mai, accédant à sa demande en raison du déroulemen­t ra‐ pide du procès jusqu'ici.

Par ailleurs, Eric Trump, l'un des fils de l'ancien pré‐ sident, a assisté à l'audience. C'est la première fois depuis le début du procès qu'un membre du clan Trump se présentait à la cour.

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