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La Cour suprême réitère le droit à un procès dans la langue officielle de son choix

- Dominique Lévesque

La Cour suprême du Ca‐ nada a ordonné, vendredi, la tenue d'un nouveau pro‐ cès en français pour un Bri‐ tanno-Colombien accusé d'agression sexuelle. Ce fai‐ sant, elle réitère le droit d’un accusé à avoir un pro‐ cès dans la langue officielle de son choix et soutient que le fait de ne pas l'infor‐ mer clairement de ce droit est un motif d'appel va‐ lable d'une décision de pre‐ mière instance.

Dans une décision parta‐ gée, le juge en chef Richard Wagner souligne, au nom de la majorité, que l’article 530 du Code criminel impose au juge devant qui un accusé comparaît pour la première fois l’obligation de l’informer de son droit à un procès dans la langue officielle de son choix et de prendre les moyens nécessaire­s pour y arriver.

Le juge Wagner confirme qu’un manquement à cette obligation d’informatio­n constitue une erreur permet‐ tant à une cour d’appel d’in‐ tervenir, même si cela n’a pas pour autant causé de préju‐ dice à l’accusé.

Pour faire en sorte que l’accusé puisse choisir de ma‐ nière libre et éclairée la langue dans laquelle il sera jugé, le juge doit veiller à ce que l’accusé soit avisé de son droit fondamenta­l et des dé‐ lais en régissant l’exercice, et s’il constate que l’accusé n’en a pas été correcteme­nt in‐ formé, ou encore s’il a le moindre doute à ce sujet, il doit prendre les moyens né‐ cessaires pour que l’accusé en soit informé, affirme-t-il.

Dans le cas porté devant la Cour, Frank Tayo Tom‐ pouba avait été condamné, en 2019, à une peine de 90 jours au terme d’un procès s’étant déroulé en anglais. Selon ses avocats, l'homme n’aurait pas été avisé assez tôt de son droit à des procé‐ dures en français.

Lors de sa première com‐ parution, l’accusé n’aurait pas été informé de ce droit.

En appel, le tribunal a re‐ connu qu’il y avait eu erreur, mais a rejeté l’argument vou‐ lant que les droits de M. Tayo Tompouba aient été bafoués de façon substantie­lle. La Cour suprême s’était ensuite saisie du dossier.

Le droit de connaître ses droits ou le droit de les faire valoir?

S’exprimant au nom de la minorité, les juges Karakatsa‐ nis et Martin sont plutôt d’avis que la demande de l’accusé aurait dû être rejetée parce qu’il n’a pas démontré le fait qu’aucun avis ne lui a été donné sur son droit de subir son procès dans la langue officielle de son choix.

Selon elles, l'article 530 vise à s'assurer que l'accusé soit informé de ses droits lin‐ guistiques dans les délais prescrits, sans toutefois lui conférer de lui-même le droit à un procès dans la langue de son choix. Il ne confère à l’accusé rien de plus que la connaissan­ce de son droit de choisir, soutiennen­t-elles.

Ainsi, si l’officier de justice omet lors de la première comparutio­n de l’accusé de veiller à ce qu’il soit informé de son droit à un procès dans la langue officielle de son choix, il ne s’ensuit pas nécessaire­ment que l’accusé a été privé de son droit sub‐ stantiel de choisir, précisente­lles.

Confirmati­on d’un droit linguistiq­ue

La cause de Frank Tayo Tompouba est la première cause d’importance sur le droit à subir un procès crimi‐ nel dans la langue officielle de son choix 25 ans après l’arrêt Beaulac, considéré comme un tournant dans l’accès à la justice en langue minoritair­e au pays.

En 1999, le Franco-Colom‐ bien Jean Victor Beaulac avait eu droit à un nouveau procès après avoir été déclaré cou‐ pable de meurtre prémédité lors d’un procès qui s’était déroulé en anglais.

La Cour suprême avait statué que, même s’il parlait anglais, son droit à un procès dans la langue officielle de son choix avait été bafoué.

Depuis 2008, les accusés doivent obligatoir­ement être avisés de leur droit à un pro‐ cès dans la langue officielle de leur choix dès leur pre‐ mière comparutio­n.

Dans certaines provinces ou certains territoire­s, les juges de paix informent sys‐ tématiquem­ent les accusés de ce droit, mais plusieurs juges l’oublient.

Un procès pour agres‐ sion sexuelle

Les faits reprochés à Franck Yvan Tayo Tompouba remontent à décembre 2017.

Âgé de 22 ans à l’époque, le résident de Colombie-Bri‐ tannique s’était rendu à Kam‐ loops pour rencontrer une jeune femme qu’il avait ren‐ contrée sur l’applicatio­n Tin‐ der.

Après une sortie en boîte de nuit, tous deux sont allés chez la plaignante, se sont embrassés et étreints avant d’aller se coucher.

Au milieu de la nuit, la plaignante s’est réveillée et s’est rendu compte qu’ils avaient eu une relation sexuelle à laquelle elle n’avait pas consenti.

Dans les jours qui ont suivi, elle a déposé une plainte pour agression sexuelle.

Avec des informatio­ns de Francis Plourde

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