Des motoneiges électriques font leur apparition dans le Grand Nord
Depuis quelque temps, les premières motoneiges élec‐ triques sont mises à l’essai à Iqaluit et à Cambridge Bay, au Nunavut. Les gou‐ vernements du Canada et du Nunavut en ont récem‐ ment fait l’achat pour tes‐ ter la viabilité de ce type de véhicules dans des conditions arctiques.
Hormis l’absence d’un ré‐ servoir d’essence, peu de choses distinguent à pre‐ mière vue ces motoneiges des modèles traditionnels. Une fois qu'elles démarrent, les différences sautent toute‐ fois rapidement aux yeux des conducteurs aguerris.
Une première observation qui frappe est à quel point [la motoneige] est silencieuse et réactive, décrit le directeur du Secrétariat du change‐ ment climatique pour le mi‐ nistère de l’Environnement du Nunavut, Cameron De‐
Long.
C’est vraiment instantané, poursuit-il. Lorsque vous donnez du gaz, il n’y a au‐ cune hésitation : elle dé‐ marre immédiatement.
Au mois de mars, son mi‐ nistère a acheté une moto‐ neige électrique à l’entreprise québécoise Taiga Motors pour déterminer si ce type de véhicule convenait aux conditions hivernales locales.
Le modèle, appelé Nomad Performance, se vend envi‐ ron 25 000 $. Il est alimenté par une batterie de 120 volts, dont la recharge complète prend environ 14 heures et l’autonomie s’étend sur 100 kilomètres, selon le site web de Taiga Motors.
L’entreprise précise que plusieurs facteurs, comme l’environnement, le terrain et les conditions météorolo‐ giques, peuvent influencer notamment la vitesse du vé‐ hicule et la durée de vie des batteries.
À la fin de 2024, la moto‐ neige sera mise à l’essai par Parcs Nunavut dans le parc territorial Sylvia Grinnell, connu sous son nom tradi‐ tionnel d'Iqaluit Kuunga, à l'occasion d’activités de pa‐ trouille et de maintenance.
L'idée est de la tester tout au long de l'hiver prochain, lorsque les journées seront plus froides, plus sombres et plus longues, explique Came‐ ron DeLong. À terme, l'objec‐ tif est de pouvoir [...] tester cette technologie pour les Nunavummiut.
Cameron DeLong ajoute que le ministère de l’Environ‐ nement colligera ses obser‐ vations et que les résidents intéressés par ce type de vé‐ hicule pourront communi‐ quer avec son équipe pour obtenir des renseignements liés à la performance de la motoneige.
Cela permettra d’éviter de faire un achat à l’aveuglette, sans que personne n’ait testé [la motoneige] au préalable, dit-il.
Le gouvernement a aussi accepté de transmettre les données internes de la moto‐ neige à Taiga Motors pour comprendre comment se porte le véhicule sous des températures basses.
L’avenir de la compagnie montréalaise est toutefois in‐ certain. Au début du mois d’avril, Taiga Motors a an‐ noncé la suspension de ses activités et la mise à pied de 70 employés.
Le gouvernement du Nu‐ navut n’est toutefois pas le seul à s’intéresser à ce type de technologie.
À l’automne 2023, le mi‐ nistère fédéral des Res‐ sources naturelles a ache‐ miné par voie maritime deux motoneiges similaires à la Station canadienne de re‐ cherche sur l'Extrême-Arc‐ tique (SCREA) de Cambridge Bay, dans l’ouest du terri‐ toire.
La performance [des mo‐ toneiges] en milieu continen‐ tal près d’Ottawa et de Mon‐ tréal est assez connue, et elle est accessible sur le site web du manufacturier, explique Daniel Heppell, coordinateur de service et planification opérationnelle pour l’unité d’équipement de terrain du Programme du plateau conti‐ nental polaire. Ce que nous voulions savoir, c’est si elles pouvaient survivre aux condi‐ tions de froid extrême.
De l’autre côté du globe, la station belge de recherche scientifique Princesse Élisa‐ beth, qui se targue d’être une installation zéro émission, teste également cette même technologie en Antarctique.
Dépendance au diesel
Si les motoneiges élec‐ triques semblent être un gage de succès pour l’avenir, leur utilisation dans le Grand Nord s’accompagne de plu‐ sieurs défis. À commencer par le rendement actuel de la batterie, qui limite les dépla‐ cements sur de grandes dis‐ tances.
Par ailleurs, au Nunavut, la majorité de l’électricité est produite à partir de diesel qui est importé sur des na‐ vires de ravitaillement durant l’été, puis entreposé pour être utilisé durant l’année.
Daniel Heppell indique que son ministère cherche à tester des moyens écores‐ ponsables de recharger la batterie des motoneiges, à travers un système d’alimen‐ tation par énergie solaire ou éolienne.
Dans l’Arctique, quand le soleil se couche pour une longue période, il faut trou‐ ver d’autres solutions de chargement, dit-il.
Où l’avenir nous mènerat-il? Je n'en suis pas certain, mais pour que nous puis‐ sions prendre une décision éclairée, nous devons tester ce produit pour déterminer s'il fonctionnera ou non.
Daniel Heppell, Unité d’équipement de terrain, Pro‐ gramme du plateau conti‐ nental polaire
Cameron DeLong recon‐ naît que l’utilisation de moto‐ neiges électriques en est à ses balbutiements dans le Grand Nord, mais il croit que l’avenir de ce type de techno‐ logie n’est pas entièrement hors de portée.
Je pense qu’il y a encore du travail d’apprentissage et d’éducation à faire [...], mais je visualise l’époque durant laquelle ce type de moto‐ neiges sera utilisé dans l’Arc‐ tique, soutient-il.