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Le Saint-Laurent, une menace tranquille et mal documentée à Québec

- David Rémillard

Avalant des routes et gri‐ gnotant petit à petit les rives dans l'est de la pro‐ vince, parfois même à grosses bouchées, le fleuve Saint-Laurent menace aussi dans la région de Québec. D'importante­s « lacunes » de connaissan­ces empêchent cependant « les décideurs d'obtenir une compréhens­ion complète » du danger à venir, selon la Communauté métropoli‐ taine de Québec, qui juge « impératif » de cartogra‐ phier les zones de submer‐ sion et d'évaluer le risque.

Des signaux d'alarme se manifesten­t déjà un peu par‐ tout sur le territoire.

Les préfets des MRC de la Côte-de-Beaupré et de l'Île d'Orléans ont récemment partagé leurs inquiétude­s sur l'érosion des berges, en amont du mini-sommet sur la résiilienc­e territoria­le tenu lundi, à Québec. On voit la différence à chaque année, l'évolution du fleuve et du comporteme­nt des eaux [...] Les terrains reculent graduel‐ lement, ont-ils dit, parlant d'une érosion visible à l'oeil nu.

Sur le flanc sud de l'île d'Orléans, exposé aux vents soutenus et aux vagues pro‐ venant de l'estuaire, des ter‐ rains entiers, des chalets et des résidences seraient vul‐ nérables aux assauts du Saint-Laurent. On craint éga‐ lement que le couvert de glace, protection naturelle des rives durant l'hiver, ne se fasse de plus en plus rare.

Dans le quartier du PetitChamp­lain, à Québec, des ci‐ toyens sourcillen­t en assis‐ tant aux coups d'eau fré‐ quents sur la rue Dalhousie, presque devenus banals, et demandent aux autorités de mieux les protéger des dé‐ bordements côtiers.

La situation est dange‐ reuse. Ça prend un plan de protection beaucoup plus structuré, à mon avis, affir‐ mait cet hiver Jocelyn Gilbert, administra­teur du conseil de quartier Vieux-Québec-CapBlanc-Colline parlementa­ire.

Lacunes sances de connais‐

La Commaunaut­é métro‐ politaine de Québec (CMQué‐ bec) partage ces préoccupa‐ tions et estime qu'il est temps de mieux comprendre ce qui attend les riverains dans un contexte de change‐ ments climatique­s, surtout dans une région aussi urba‐ nisée.

On sait qu'il va y avoir des modificati­ons dans les condi‐ tions climatique­s, probable‐ ment plus d'événements ex‐ trêmes, explique en entrevue Antoine Verville, directeur de la planificat­ion territoria­le, de la mobilité durable et du dé‐ veloppemen­t social et écono‐ mique à la CMQuébec. Il faut absolument mettre à jour nos connaissan­ces.

L'approche ne s'inscrit pas dans la panique, précise-t-il, mais plutôt dans la préven‐ tion et l'adaptation. Les mu‐ nicipalité­s se doivent, penset-il, d'être plus résiliente­s à des événements climatique­s qui pourraient réalisteme­nt se produire dans le futur.

Les travaux antérieurs de la CMQuébec et ailleurs ré‐ vèlent qu'un rehausseme­nt du niveau du fleuve de 30 à

est attendu

50 centimètre­s dans les 100 prochaines an‐ nées. C'est une hypothèse ni

catastroph­iste ni optimiste. C'est ce qui sort de la science, selon Antoine Verville.

La CMQuébec veut dans un premier temps mieux comprendre la nature et la gravité des menaces aux‐ quelles le territoire métropo‐ litain est exposé. Une fois ces éléments identifiés, elle sou‐ haite étudier certaines carac‐ téristique­s spécifique­s [...] pour ensuite cibler les sec‐ teurs prioritair­es et plus vul‐ nérables.

Des mesures d'adaptation seraient enfin évaluées afin de minimiser le risque pour la population et les infra‐ structures.

On peut imaginer que d'ici 100 ans, par exemple, une inondation qu'on voit déjà sur Dalhousie, dans les mêmes conditions météoro‐ logiques, pourrait être 30 centimètre­s plus élevée. Ça implique donc de connaître ces zones-là [plus vulné‐ rables] et d'adapter le terri‐ toire pour qu'il soit plus rési‐ lient, souligne M. Verville.

Il y a énormément de tra‐ vaux et d'études qui se font sur le Saint-Laurent. Mais dans le but vraiment de pro‐ duire des cartes d'aménage‐ ment du territoire, effective‐ ment, on le connaît assez peu.

Antoine Verville, directeur de la planificat­ion territoria­le, de la mobilité durable et du développem­ent social et éco‐ nomique à la CMQuébec

Des effets un peu par‐ tout

Outre l'île d'Orléans et le Petit-Champlain, Antoine Ver‐ ville évoque des enjeux un peu partout sur le territoire métropolit­ain. Il cite entre autres Lévis, où plusieurs in‐ frastructu­res et projets se trouvent au bord du fleuve.

Il note aussi les zones d'embouchure­s de rivières se jetant dans le Saint-Laurent, d'est en ouest de la région métropolit­aine; comme la ri‐ vière Sainte-Anne, sur la Côte-de-Beaupré.

Dans le cadre de son mandat de cartograph­ie des bassins versants, la CMQué‐ bec modélise les grandes ri‐ vières et, déjà, on s'intéresse à certains effets combinés, comme une crue printanièr­e jumelée à une grande marée.

Des impacts liés à ces phénomènes se sont notam‐ ment manifestés à BaieSaint-Paul, l'an dernier, quand la crue de la rivière du Gouffre s'est heurtée à une grande marée du fleuve Saint-Laurent, provoquant une forme de bouchon, contribuan­t ainsi à l'augmen‐ tation du niveau de l'eau à la jonction des deux cours d'eau.

Deux ans de négocia‐ tions

La CMQuébec négocie de‐ puis plus de deux ans avec le gouverneme­nt provincial afin d'obtenir le mandat, ainsi que le financemen­t, de pro‐ céder à ces études. Une réso‐ lution en ce sens a été adop‐ tée en 2021.

Or le fleuve Saint-Laurent n'a pas été mis au sommet des priorités dans les régions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches à l'heure actuelle.

Si Québec prépare des nouvelles cartes de zones inondables pour plusieurs ri‐ vières, le Saint-Laurent ne fi‐ gure pas à la liste des cours d'eau confiée à la CMQuébec. C'est une question de priori‐ tés gouverneme­ntales, af‐ firme M. Verville, sans amer‐ tume. Soulignant une bonne collaborat­ion du provincial dans ce dossier malgré les délais, il espère obtenir le feu vert pour s'attaquer au fleuve.

Les villes et les MRC tra‐ vaillent actuelleme­nt avec des calculs de cotes de crue datant de plusieurs décen‐ nies. La plupart de ces calculs ont été réalisés dans les an‐ nées 80.

L'un des objectifs serait d'ailleurs d'aboutir, au terme de l'exercice, à des cartes de zones inondables dans la portion fluviale du territoire qui répondraie­nt au cadre lé‐ gal du gouverneme­nt. Ces nouveaux règlements pour l'aménagemen­t du territoire sont attendus ce printemps.

Le maire de Québec et président de la CMQuébec, Bruno Marchand, a évoqué l'importance de cartogra‐ phier le Saint-Laurent lors d'une annonce sur la rési‐ lience territoria­le, lundi.

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