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Manifestat­ions étudiantes : quels parallèles entre 2024 et 1968?

- Ximena Sampson

Depuis deux semaines, des étudiants ont établi des campements sur une tren‐ taine de campus améri‐ cains pour exprimer leur solidarité avec la cause pa‐ lestinienn­e et pour dénon‐ cer l’appui militaire et fi‐ nancier des États-Unis à Is‐ raël.

Ce mouvement rappelle celui qui avait enflammé les université­s à la fin des an‐ nées 1960, lorsque des étu‐ diants réclamaien­t le retrait de l’armée américaine du Vietnam.

Peut-on faire des paral‐ lèles entre ces deux mouve‐ ments? Nous en avons dis‐ cuté avec Ralph Young, pro‐ fesseur d’histoire à l’Univer‐ sité Temple, à Philadelph­ie, aussi spécialist­e des mouve‐ ments de contestati­on aux États-Unis, et Robert Cohen, professeur d’histoire et d’études sociales à l’Univer‐ sité de New York.

Quelles sont les simili‐ tudes et les différence­s entre les manifestat­ions actuelles et celles de 1968? Ralph Young :

La princi‐ pale différence, c'est que dans les années 1960, il y avait un aspect personnel im‐ médiat. Les étudiants [améri‐ cains] savaient qu’ils pou‐ vaient à tout moment être enrôlés et envoyés au Viet‐ nam. Aujourd’hui, il n’y a pas de soldats américains à Gaza.

Aucun des étudiants qui ma‐ nifestent ne craint de se re‐ trouver dans quelques se‐ maines en train de com‐ battre à Gaza.

Ce qui est similaire, c'est qu’il s’agit, dans les deux cas, d’une question morale. Les manifestan­ts de 1968 n'étaient pas seulement de jeunes hommes en âge de servir [sous le drapeau]. C’étaient aussi des gens qui trouvaient que le pays était impliqué dans quelque chose qu’ils considérai­ent comme moralement répréhensi­ble. Ils partagent cette passion avec les jeunes étudiants d’aujourd’hui.

Robert Cohen : Il y a une similitude dans la mesure où ce sont deux mouvements qui réagissent à l’utilisatio­n de la puissance militaire américaine. Cependant, au plus fort de la guerre du Viet‐ nam, des centaines de mil‐ liers de soldats américains étaient engagés dans les combats, alors que mainte‐ nant, il y a quelques navires de guerre et quelques troupes dans la région, mais il n’y a pas d’implicatio­n mili‐ taire directe massive des États-Unis et il n’y a pas de conscripti­on.

La droite utilise cette com‐ paraison pour agir comme si un immense mouvement était en train de s'emparer des campus et que tout était en train de s'effondrer, ce qui est une énorme exagératio­n. Il y a des manifestat­ions sur les campus et il y a eu des tensions dans certains cas, mais la plupart des manifes‐ tations ont été pacifiques.

En 1970, après que la Garde nationale de l’Ohio eut tué quatre étudiants qui ma‐ nifestaien­t à l’Université d'État de Kent, environ quatre millions d'étudiants à travers le pays ont pris part à des manifestat­ions ou à des grèves. À ce moment-là, les Américains considérai­ent que le principal problème des États-Unis était le désordre sur les campus uni‐ versitaire­s. On est loin de ça aujourd’hui.

En même temps, cela nous montre que la tolérance envers la dissidence a consi‐ dérablemen­t diminué. Les université­s sont censées être des lieux où la liberté est très valorisée et où on peut avoir des échanges d’idées.

Évidemment, un campe‐ ment est problémati­que et crée des maux de tête à la di‐ rection de l'université, mais si cela ne perturbe pas les cours, alors pourquoi appeler la police?

Quelle était la réaction du public dans les années 1960 et quelle est-elle au‐ jourd’hui? Ralph Young :

C’est vrai‐ ment une question qui di‐ vise. Je pense que beaucoup de gens soutiennen­t les ma‐ nifestants et que la majorité des Américains souhaite‐ raient un cessez-le-feu à Gaza. Mais il y a aussi beau‐ coup d’Américains qui les dé‐ testent.

La fusillade à l’Université d'État de Kent, en 1970, a gal‐ vanisé les étudiants partout au pays. Cela leur a aussi ap‐ porté un capital de sympa‐ thie. Mais en même temps,

cela a également enflammé beaucoup de gens contre eux, des conservate­urs qui pensaient que ces étudiants étaient des enfants gâtés et qu'ils méritaient ce qui leur était arrivé.

Robert Cohen : Une ma‐ jorité d’Américains n’aiment pas les mouvements étu‐ diants, quels qu’ils soient. C’est lié au conservati­sme culturel qui existe au pays. Quand un athlète comme Le‐ Bron James prend position contre la brutalité policière, les gens disent : Tais-toi et joue. Aux étudiants, ils disent : Taisez-vous et étudiez. Se révolter, selon eux, c’est faire preuve d’un manque de re‐ spect à l’égard de leurs aînés.

Quel bilan peut-on faire des deux mobilisati­ons? Ralph Young :

Du côté des manifestan­ts, on a eu l’impression que la mobilisa‐ tion des années 1960 n’a pas été un grand succès parce que la guerre a continué pen‐ dant un bon moment. Les manifestat­ions se sont dé‐ roulées entre 1966 et 1972, mais la guerre a duré jus‐ qu’en 1975.

Cependant, je pense qu’elles ont quand même eu un impact puisqu'elles l’ont raccourcie. La guerre s’est terminée plus tôt que si elles n’avaient pas eu lieu.

Aujourd'hui, la différence, c’est que nous n’avons pas notre mot à dire sur les déci‐ sions du gouverneme­nt is‐ raélien. Même si Joe Biden di‐ sait à Benyamin Nétanyahou qu’il n’enverrait plus de maté‐ riel ni d’armes, je ne pense pas que cela le dissuadera­it.

Robert Cohen : Les étu‐ diants qui manifesten­t ac‐ tuellement veulent que les université­s se dissocient des entreprise­s liées à Israël. On peut faire un lien avec le mouvement anti-apartheid des années 1980, qui a réussi à isoler l’Afrique du Sud sur la scène internatio­nale.

La différence, c'est qu'il n'y avait pas beaucoup de sympathie pour le régime de l’apartheid. Ce n'est pas le cas pour l'État d'Israël, qui bénéficie de beaucoup de soutien.

Et d’ailleurs, cela touche à une autre question : pour‐ quoi les étudiants mani‐ festent-ils et font-ils des cam‐ pements plutôt que de faire du lobbying? Parce qu'ils n'ont pas de voix. Dans beau‐ coup d'université­s, dont la mienne, il n’y a même pas un étudiant qui siège au conseil d’administra­tion.

Quand ils ont demandé le désinvesti­ssement, la ré‐ ponse a été non. Une ré‐ ponse plus démocratiq­ue au‐ rait été de leur demander d’apporter des preuves, puis de voter là-dessus.

Les manifestat­ions sont en fait l'expression de la mauvaise organisati­on des université­s en matière de gouvernanc­e et du fait qu'elles sont des lieux très peu démocratiq­ues. Elles fonctionne­nt de plus en plus comme des entreprise­s, où les professeur­s et les étu‐ diants n’ont pas leur mot à dire.

Cette année, la Conven‐ tion nationale démocrate aura lieu à Chicago, comme en 1968. Doit-on craindre un été d'émeutes et de vio‐ lence, comme cela a été le cas il y a 56 ans? Robert Cohen :

Il pourrait y avoir des manifestat­ions, mais elles n'auront jamais l’ampleur de celles de 1968. Ce qui est arrivé à Chicago a été un désastre pour les dé‐ mocrates. Cela a donné l'im‐ pression que le pays devenait incontrôla­ble, ce qui a avan‐ tagé le candidat républicai­n, Richard Nixon, qui prônait la loi et l'ordre. Mais c’était en partie à cause des policiers de Chicago, qui ont réprimé les manifestat­ions avec une grande violence.

Les étudiants qui mani‐ festent aujourd’hui, à part quelques exceptions, ne sont pas violents; il n'y a pas de gens qui lancent des cocktails Molotov ni une branche mili‐ tante comme celle qui est de‐ venue le [mouvement terro‐ riste] Weather Undergroun­d.

Ralph Young : Si la guerre à Gaza se poursuit jusqu’à la tenue de la convention, en août, il y aura certaineme­nt des manifestat­ions dans les rues. Mais je ne pense pas que le Parti démocrate se di‐ visera comme il l’a fait à pro‐ pos du Vietnam en 1968.

Cela dit, l’administra­tion Biden va devoir, d’une ma‐ nière ou d’une autre, aider à négocier un cessez-le-feu bientôt. Plus la guerre se pro‐ longera, plus elle risquera de nuire aux chances de réélec‐ tion des démocrates.

J’ai des élèves qui me disent qu’ils ont voté pour Joe Biden en 2020, mais qu’ils ne voteront plus pour lui à cause de ce qui se passe maintenant. Cela ne veut pas dire qu’ils voteront pour Trump, mais ils ne voteront tout simplement pas ou bien ils voteront pour un candidat tiers.

Les propos ont été édités et abrégés par souci de clarté.

pagne, mais elle a aussi dit s'être sentie respectée.

Après avoir travaillé pour la fille de Donald Trump, Ivanka, puis pour la Trump Organizati­on, Hope Hicks, alors âgée d'à peine 26 ans, a été recrutée pour la cam‐ pagne du candidat républi‐ cain. Elle a ensuite suivi Do‐ nald Trump à la MaisonBlan­che, où elle a assumé di‐ verses responsabi­lités, dont celles de directrice des com‐ munication­s jusqu’en 2018.

Hope Hicks, qui a été assi‐ gnée à comparaîtr­e, a affirmé que la dernière fois où elle avait parlé à Donald Trump remontait à l'été ou à l'au‐ tomne 2022. En octobre de la même année, elle a témoi‐ gné devant le comité sur l'as‐ saut du Capitole du 6 janvier 2021.

Selon plusieurs médias américains, l'annonce de la comparutio­n de Hope Hicks a fait réagir plusieurs per‐ sonnes dans la salle d'au‐ dience.

D'autres sexuels allégués scandales

Peu après l'épisode relaté par le Washington Post, le Wall Street Journal a à son tour contacté Hope Hicks pour recueillir une réaction avant la publicatio­n d'un ar‐ ticle, cette fois-ci sur une en‐ tente de confidenti­alité conclue avec une présumée maîtresse de Donald Trump.

Quatre jours avant le scrutin, le média a fait état de l'accord en vertu duquel le groupe de presse American Media Inc. (AMI) avait mis le couvercle sur des allégation­s de l'ancienne playmate Karen McDougal, qui affirme avoir entretenu une relation avec Donald Trump entre 2006 et 2007.

L'équipe de campagne de Donald Trump a répondu ne rien savoir de cet accord et a rejeté en la qualifiant de tota‐ lement fausse l'affirmatio­n au sujet d'une quelconque liaison.

Le reporter du Wall Street

Journal qui écrivait l'article a par ailleurs indiqué à Hope Hicks au téléphone que le nom de Stormy Daniels serait mentionné.

Donald Trump voulait s'assurer qu'il y ait un dé‐ menti de tout type de rela‐ tion entre eux, a soutenu Mme Hicks.

Il voulait également éviter que sa femme, Melania, voie l'article, a-t-elle dit.

Il s'inquiétait de la façon dont sa femme verrait cela et il voulait que je m'assure que les journaux ne soient pas li‐ vrés à leur domicile ce matinlà.

Hope Hicks, ancienne porte-parole de la campagne de Donald Trump en 2016

Tout ce dont nous avons parlé pendant cette période a tourné autour de l'impact que les choses [avaient] ou non sur la campagne, a-t-elle cependant ajouté.

La semaine dernière, l'exPDG du groupe de presse AMI, David Pecker, a témoi‐ gné du paiement de 150 000 $ US que son entreprise a versé à Mme McDougal pour avoir les droits exclusifs sur son histoire dans le but d'en‐ terrer un scandale qui aurait pu nuire à son ami Donald Trump.

La défense argue que Do‐ nald Trump voulait enterrer les histoires défavorabl­es afin de protéger sa famille et sa réputation; les procureurs avancent que ses motiva‐ tions étaient essentiell­ement électorali­stes.

Donald Trump a parlé du paiement fait à Stormy Daniels

Hope Hicks a soutenu que Donald Trump lui avait parlé du paiement versé à Stormy Daniels à une occasion, à la mi-février 2018, un peu plus d'un an après son accession à la présidence.

Cette conversati­on aurait eu lieu au lendemain d'un ar‐ ticle du New York Times dans lequel Michael Cohen affir‐ mait avoir payé 130 000 $ US à Stormy Daniels à l'insu de Donald Trump.

M. Trump a dit avoir parlé à Michael et que Michael avait payé cette femme pour le protéger d'une fausse allé‐ gation. Et [M. Trump a dit] que Michael avait le senti‐ ment que c'était son travail de le protéger, et c'est ce qu'il avait fait, a témoigné Mme Hicks.

[Michael Cohen] l'a fait par pure bonté d'âme et n'en a jamais parlé à personne.

Hope Hicks, citant Donald Trump au sujet du paiement à Stormy Daniels

Elle a admis que cette ver‐ sion était incompatib­le avec sa propre perception de Mi‐ chael Cohen.

À mes yeux, Michael n'est pas une personne particuliè‐ rement charitable ou al‐ truiste, a-t-elle affirmé, le dé‐ crivant plutôt comme quel‐ qu'un qui cherche à se mettre en valeur.

M. Trump a ajouté qu'il pensait que c'était une chose généreuse à faire et qu'il ap‐ préciait la loyauté, a-t-elle poursuivi. M. Trump trouvait que c'était préférable d'avoir à gérer ça [à ce moment-là] et que ça aurait été une mau‐ vaise chose que cela sorte avant l'élection, a-t-elle té‐ moigné.

Michael Cohen soutient aujourd'hui avoir été rem‐ boursé et récompensé par Donald Trump, en plusieurs paiements faussement dési‐ gnés comme des honoraires, pour une somme totalisant 420 000 $ US entre février et décembre 2017.

Il a purgé une peine d’em‐ prisonneme­nt après avoir re‐ connu, notamment, qu'il avait enfreint les lois fédé‐ rales sur le financemen­t élec‐ toral en rapport avec cette affaire.

Michael Cohen, un répa‐ rateur nuisible

L'ancienne collaborat­rice de Donald Trump a éclaté en pleurs au début du contre-in‐ terrogatoi­re, ce qui a amené le juge à décréter une pause.

Les avocats de la défense l'ont ensuite interrogée au sujet de Michael Cohen, qui, avancent-ils, a agi dans cette affaire sans en informer leur client.

À certains moments, il a essayé de s'immiscer [dans la campagne], mais il n'était pas censé en faire partie d'une quelconque façon à titre offi‐ ciel, a soutenu l'ancienne col‐ laboratric­e de Donald Trump.

Il arrivait à Michael Cohen d'agir en solo, a-t-elle ac‐ quiescé.

Il y a eu des moments où M. Cohen a posé des gestes qui, selon vous, n'étaient pas utiles à ce que vous essayiez d'accomplir, n'est-ce pas? a demandé Emil Bove à Mme Hicks, qui a répondu par l'af‐ firmative.

Elle a en outre fait allusion à la réputation de l'ancien avocat de régler les pro‐ blèmes de Donald Trump.

J'avais l'habitude de dire que [Michael Cohen] aimait se qualifier de "réparateur" ou de "Monsieur le répara‐ teur" et que c'était seule‐ ment parce qu'il avait d'abord cassé quelque chose qu'il pouvait venir le réparer.

Hope Hicks, ancienne porte-parole de la campagne de Donald Trump de 2016

L’ordonnance de bâillon « ne vous empêche pas de témoigner »

Le juge Juan Merchan a par ailleurs commencé l'au‐ dience en assurant Donald Trump de son droit absolu à témoigner s'il le désire.

L'ordonnance restreigna­nt les déclaratio­ns extrajudi‐ ciaires ne vous empêche pas de témoigner de quelque manière que ce soit.

Juan Merchan, juge au procès de Donald Trump

Elle ne vous interdit pas d'aller à la barre, a-t-il expli‐ qué.

Jeudi, à sa sortie de l'au‐ dience, Donald Trump s'est adressé aux journalist­es en prétendant que l'ordonnance l'empêchait de témoigner, l'affirmant à au moins trois reprises. Il s'est tourné vers son avocat, Todd Blanche, qui a acquiescé.

Je ne suis pas autorisé à témoigner parce que ce juge - qui est totalement en conflit d'intérêts - me soumet à une ordonnance de bâillon in‐ constituti­onnel. Personne n'a jamais eu ça auparavant et nous n'aimons pas ça : ce n'est pas juste.

Avant le procès, le juge Merchan a interdit à Donald Trump de s'en prendre publi‐ quement aux témoins, aux jurés et au personnel du tri‐ bunal, une restrictio­n qu'il a ensuite étendue aux membres de sa propre fa‐ mille et à celle du procureur du district de Manhattan.

Le politicien de 77 ans conserve le droit de critiquer le juge Merchan et le procu‐ reur du district de Manhat‐ tan, Alvin Bragg.

Mardi, le juge Merchan a conclu que Donald Trump avait contrevenu à neuf re‐ prises à l'ordonnance du tri‐ bunal et l'a soumis à une amende de 9000 $ US.

En fin d'après-midi ven‐ dredi, CNN a affirmé que M. Trump avait acquitté la somme.

Le juge doit encore se prononcer sur quatre autres violations potentiell­es sou‐ mises par les procureurs.

L'audience de vendredi a aussi donné lieu au contreinte­rrogatoire d'un analyste du bureau du procureur de Manhattan qui traite les preuves numériques.

La défense a suggéré que des conversati­ons télépho‐ niques enregistré­es secrète‐ ment et présentées au jury auraient pu être manipulées.

Au premier jour de son té‐ moignage, les procureurs ont fait jouer un extrait d'une conversati­on téléphoniq­ue enregistré­e à l'insu de M. Trump par Michael Cohen en septembre 2016, deux mois avant la présidenti­elle.

Les deux hommes semblent y parler des dé‐ marches entreprise­s pour acheter le silence de Karen McDougal. Donald Trump suggère à son interlocut­eur de payer « comptant ».

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