Pourquoi la grippe aviaire frappe-t-elle les vaches aux États-Unis?
L’épidémie d'influenza aviaire (H5N1) circule de‐ puis un bon moment en Amérique du Nord. Si seulement un cas humain a été détecté à ce jour, les experts surveillent de près l’évolution de cette souche qui infecte de nombreux mammifères, dont les vaches. Doit-on s'inquié‐ ter? Le point sur la situa‐ tion.
Ce qui est différent des épidémies précédentes de grippe aviaire, c’est que, pour la première fois, des vaches ont été infectées, explique la Dre Nahid Bhadelia, la direc‐ trice fondatrice du Centre des maladies infectieuses émergentes de l'Université de Boston.
Je pense que la plus grande inquiétude vient de l'évolution constante du virus au cours des trois dernières années, et en particulier de sa capacité à infecter les mammifères, dit la Dre Nahid Bhadelia, qui est également médecin spécialiste des ma‐ ladies infectieuses et profes‐ seure agrégée à la Faculté de médecine de l'Université de Boston.
Aux États-Unis, les pre‐ miers cas d’influenza aviaire hautement pathogène A (H5N1) chez des vaches ont été détectés au Texas au dé‐ but de février 2024. Une per‐ sonne travaillant dans une exploitation laitière a été ex‐ posée à du bétail laitier in‐ fecté.
Depuis, le département américain de l'Agriculture a signalé des infections dans 36 troupeaux de 9 États.
Les experts soupçonnent toutefois que le virus est en‐ core plus répandu. La raison? Ils ont trouvé des fragments du virus dans du lait com‐ mercial.
Cette semaine, la FDA et le département américain de l'Agriculture (USDA) ont confirmé avoir testé environ 297 échantillons de lait com‐ mercial et quelque 200 échantillons de produits lai‐ tiers (fromage cottage, crème fraîche, lait en poudre pour nourrissons, etc.) provenant de 38 États américains.
Si on a détecté des frag‐ ments inactivés du virus dans certains échantillons, la FDA confirme qu’on n’a pas dé‐ tecté de virus infectieux vi‐ vant. Cela indique que la pas‐ teurisation réussit à inactiver le virus.
Notons que l'influenza aviaire hautement pathogène n’a pas encore été détectée chez des bovins au Canada.
La Dre Bhadelia prévient que les autres pays doivent surveiller de près leurs popu‐ lations de vaches laitières.
Si les vaches sont affec‐ tées aux États-Unis, on peut penser que les vaches des pays limitrophes pourraient l’être aussi.
Dre Nahid Bhadelia,
Centre des maladies infec‐ tieuses émergentes de l'Uni‐ versité de Boston
Mais, en ce moment, au Canada, comme aux ÉtatsUnis, les tests sont effectués seulement sur les animaux symptomatiques.
Je ne crois pas que la sur‐ veillance soit suffisante, pré‐ cise Dre Bhadelia. Je suis prête à parier qu’il y a d’autres personnes qui ont été exposées au virus, mais nous ne l’avons pas détecté, dit-elle, en ajoutant que cer‐ tains travailleurs et fermiers pourraient hésiter à exiger des tests dans leur ferme, de peur des répercussions éco‐ nomiques d’une éclosion.
De plus, les symptômes chez les vaches étant généra‐ lement plus légers, le virus passe certainement sous le radar des fermiers, ajoute le professeur Jean-Pierre Vaillancourt, de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal.
D'ailleurs, la Dre Bhadelia souhaite que plus de tests soient faits, non seulement pour limiter la propagation, mais aussi pour mieux com‐ prendre pourquoi et com‐ ment cette souche se trans‐ met d’une espèce à l’autre.
Cela aiderait les cher‐ cheurs à produire des ana‐ lyses phylogénétiques pour mieux comprendre les voies de transmission et l’évolution génétique du virus. L'USDA a publié des séquences géné‐ tiques, mais nous en avons besoin beaucoup plus pour avoir une vue d'ensemble.
Un virus hautement pa‐ thogène
La souche du H5N1 qui in‐ fecte actuellement le bétail américain circule depuis en‐ viron deux ans chez les oi‐ seaux migrateurs. Cette souche hautement patho‐ gène appartient à la lignée Gs/GD, clade 2.3.4.4b et est