Comment briser l’impasse entre le gouvernement et la FIQ?
Les plus récentes nouvelles ne laissent présager rien de bon pour la reprise des négociations entre le gou‐ vernement et la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ). Une entente de principe avait été conclue le 19 mars der‐ nier, mais les membres ont fait fi de la recommanda‐ tion de leur syndicat : 61 % d’entre elles ont rejeté le texte.
Lundi dernier, au terme d’une nouvelle consultation menée auprès de ses quelque 80 000 infirmières, infirmières auxiliaires, inhalo‐ thérapeutes et perfusion‐ nistes, la FIQ a présenté les cinq priorités qu’elle a rete‐ nues pour la suite des choses. Jeudi, François Le‐ gault a affirmé que le gouver‐ nement ne reculera pas quant à ses demandes pour obtenir plus de flexibilité de la part de ses employées. Vendredi, une dépêche de La Presse canadienne nous ap‐ prenait qu’un écart colossal sépare les parties, de l’aveu même des négociateurs pa‐ tronaux.
Aucune séance de négo‐ ciation n’est prévue pour l’instant, le gouvernement souhaitant prendre du recul pour étudier les demandes du syndicat. Et même en y mettant beaucoup de temps, on voit mal quel compromis pourra être trouvé.
À chacun son diagnostic
Pour la FIQ, les problèmes actuels du réseau de la santé tiennent en bonne partie aux mauvaises conditions de tra‐ vail de ses membres. Pour la CAQ, c’est plutôt la rigidité et l’intransigeance des syndicats qui en seraient la cause.
Au coeur du litige : la mo‐ bilité du personnel. Le gou‐ vernement veut élargir la dé‐ finition des centres d’activité pour pouvoir déplacer plus facilement ses employés d’un service à l’autre et ainsi com‐ bler ses besoins en maind’oeuvre. Le syndicat s’y op‐ pose, plaidant que ses membres ont chacune leur spécialité et qu’elles ne sont pas interchangeables.
Toute la stratégie gouver‐ nementale de négociation re‐ pose pourtant sur un prin‐ cipe simple : des augmenta‐ tions de salaire plus élevées qu’à l’habitude, en échange de concessions sur l’organi‐ sation du travail. Les ensei‐ gnantes de la FAE et de la CSQ, par exemple, ont ac‐ cepté que soit devancée la date où les classes sont attri‐ buées, question de mieux planifier la rentrée scolaire. Les 120 000 employés du ré‐ seau de la santé, représentés par la FSSS-CSN, quant à eux, ont accepté une certaine mo‐ bilité de personnel.
Or, les membres de la FIQ n’entendent pas céder sur la question de la mobilité, mais ils souhaitent quand même obtenir les augmentations de 17,4 % sur cinq ans consen‐ ties aux autres syndiqués. On veut aussi que la prime sala‐ riale de 3,5 %, octroyée du‐ rant la pandémie soit péren‐ nisée, en sus de l’augmenta‐ tion déjà négociée.
Au gouvernement, on juge impensable d’accorder à la FIQ les mêmes augmenta‐ tions de salaire que celles versées aux autres syndicats, sans concession sur la ques‐ tion de la mobilité. Les syndi‐ cats qui ont déjà signé ver‐ raient d’un très mauvais oeil que la FIQ touche les mêmes augmentations de salaire qu’eux sans faire les compro‐ mis auxquels ils ont dû se ré‐ soudre.
À cela s’ajoute la question des employées à temps par‐ tiel. Afin d’encourager le tra‐ vail à temps plein, le gouver‐ nement et la FIQ s’étaient en‐ tendus pour offrir des incita‐ tifs financiers à celles qui ac‐ cepteraient de travailler à temps plein, comme la mo‐ dulation de certaines primes en fonction du nombre d’heures travaillées. La FIQ demande maintenant à ce que soient bonifiées les conditions de travail des membres à temps partiel, ce qui pourrait atténuer l’effet des mesures négociées pour inciter au travail à temps plein.
Chacun dans son coin
Avant même que les pourparlers ne débutent offi‐ ciellement, il y a de cela plus d’un an, on savait déjà que les négociations seraient dif‐ ficiles. Le premier ministre Legault avait lancé les hostili‐ tés en s’en prenant publique‐ ment à la présidente de la FIQ. Et le ton du syndicat, tant lors de ses sorties pu‐ bliques que dans ses com‐ munications auprès de ses membres, n’invitait pas au compromis.
Au fil des mois, chacun a fait monter les attentes. Le gouvernement a jeté les bases d’une grande réforme, censée régler une fois pour toutes les problèmes d’accès aux soins. Santé Québec a maintenant été officiellement créée et sa nouvelle prési‐ dente nommée, mais encore faut-il donner à cette organi‐ sation les leviers nécessaires pour qu’elle puisse réaliser son mandat. Selon le mi‐ nistre Christian Dubé, cela passe entre autres par des conventions collectives plus flexibles.
La FIQ, pour sa part, n’a pas lésiné sur les moyens pour mobiliser ses membres, avec les résultats qu’on connaît. Ragaillardies par le discours de ses dirigeantes, les syndiquées n’ont pas voulu des compromis qu’on
leur proposait. En ce qui a trait à la notion de mobilité notamment, la méfiance, ins‐ tillée au cours des négocia‐ tions, ne semble pas vouloir se dissiper.
Les deux parties ont pour‐ tant intérêt à s’entendre sans trop tarder. En baisse dans les sondages et traînant un lourd déficit de 11 milliards de dollars, le gouvernement ne peut pas se permettre de voir sa nouvelle réforme avorter, faute d’entente avec un syndicat aussi important que celui des infirmières. Il faudra des résultats, et vite!
La FIQ, pour sa part, a perdu son élan. La direction syndicale a été fragilisée par le rejet de l’entente de prin‐ cipe, et le mouvement d’ap‐ pui envers les syndicats, au‐ quel on a assisté l’automne dernier, s’est estompé depuis que les grandes centrales se sont entendues avec le gou‐ vernement.
Pour l’instant, toutefois, rien ne laisse présager un rè‐ glement rapide.