Radio-Canada Info

Un passeur, un colis, un téléphone et un mystérieux réseau indien

- Romain Schué

La scène se déroule l’été passé, en plein milieu de la nuit, sur une route rurale américaine, à quelques en‐ cablures de la frontière ca‐ nadienne et du village qué‐ bécois d’Hemmingfor­d.

En cette fin du mois de juillet, un patrouille­ur améri‐ cain repère un véhicule sus‐ pect qui emprunte une voie d’ordinaire peu fréquentée de Mooers Forks, surtout à cette période de la journée, un secteur supposé tran‐ quille, dans le nord de l'État de New York.

À l’intérieur de ce VUS noir, surprise : des individus sont empilés les uns sur les autres, avec des vêtements mouillés et des sacs à dos.

En plus du conducteur, 14 personnes sortent de la voi‐ ture, censée accueillir un maximum de huit passagers. Tous, sans exception, sont des migrants indiens, prove‐ nant du Québec, qui viennent de traverser illéga‐ lement la frontière, à pied, à travers les bois voisins. Au‐ cun ne parle anglais.

Le chauffeur, Abhishek Bhandari, un résident améri‐ cain d’origine indienne, a fini par plaider coupable, il y a quelques jours, devant un tri‐ bunal de l’État de New York pour avoir joué un rôle dans l'arrivée illégale de migrants et pour les avoir transporté­s aux États-Unis, en échange d'un gain financier.

Il risque désormais jus‐ qu’à 10 ans de prison et sa peine sera dévoilée en août.

Un scénario digne d'un roman d'espionnage

Alors que le nombre de passages clandestin­s, liés no‐ tamment à des Indiens, a at‐ teint un niveau record dans ce secteur, cette arrestatio­n illustre l’organisati­on de ces réseaux criminels, qui sé‐ vissent de plus en plus entre le Canada et les États-Unis.

L'histoire étonnante d'Abhishek Bhandari, le conducteur du véhicule l’été passé, en est un bon exemple. Révélée par des do‐ cuments judiciaire­s améri‐ cains, elle s'avère même digne d’un scénario d’espion‐ nage.

Avant de recueillir ces 14 Indiens, M. Bhandari vivait en Floride. Un mois avant ce passage clandestin, il jure avoir reçu un curieux colis contenant un téléphone à clapet et 1000 $, en liquide. Quelques heures plus tard, l’appareil sonne. Au bout du fil, un homme inconnu lui de‐ mande d'emmener sa famille à New York.

Abhishek Bhandari ac‐ cepte et prend un vol de Tampa, jusqu’au New Jersey. Sur les ordres du mystérieux interlocut­eur, il se rend en‐ suite dans le stationnem­ent d’un Walmart, à Plattsburg­h.

Il est 22 h. Une Jeep Wa‐ goneer l’attend, déver‐ rouillée, avec les clefs sur le tableau de bord et un nou‐ veau téléphone posé à l’inté‐ rieur.

Le même homme, selon le témoignage de Bhandari, le dirige vers la frontière, à une quarantain­e de kilomètres de Plattsburg­h, et l’incite à rou‐ ler doucement autour de la zone jusqu’à ce qu’il puisse entendre des gens dans les bois. S'ensuit l'arrestatio­n collective par la police améri‐ caine, quelques minutes plus tard.

Qui est derrière ce ré‐ seau? Aucun détail concer‐ nant la structure du groupe à l’origine de ces traversées n'apparaît cependant dans les documents judiciaire­s américains.

Un tions record d’intercep‐

Ce type d’intercepti­ons se multiplie depuis des mois. Alors que des réseaux crimi‐ nels mexicains, ayant parfois des liens avec des cartels, se sont spécialisé­s dans les pas‐ sages clandestin­s, particuliè‐ rement dans le sud-est du Québec, les ressortiss­ants in‐ diens traversent davantage vers l’ouest du lac Champlain.

Il y a parfois des groupes de 10, 12 personnes qui passent, à toutes les heures de la nuit, témoigne Claude DeBellefeu­ille, députée blo‐ quiste de Salaberry-Suroît, une circonscri­ption en Mon‐ térégie collée à la frontière.

Beaucoup de citoyens de ma circonscri­ption sont té‐ moins de ces passages. Ça trouble leur vie et ça ne fait qu’augmenter depuis quelques semaines, ajoute l’élue fédérale, tout en récla‐ mant plus de surveillan­ce po‐ licière à la frontière.

Le phénomène est main‐ tenant connu et documenté. Je ne comprends pas qu’il n’y ait pas plus de surveillan­ce et de contrôle.

Claude DeBellefeu­ille, dé‐ putée du Bloc québécois

Les chiffres confirment d’ailleurs cette impression.

En mars, les autorités américaine­s ont arrêté 1109 migrants dans ce secteur frontalier comprenant no‐ tamment le nord de l’État de New York et le Vermont, dont 408 Indiens. Un double re‐ cord.

Ces traversées indiennes, dans les bois, ont largement augmenté depuis la noyade de huit migrants, d’origine in‐ dienne et roumaine, dans les eaux du fleuve St-Laurent, sur le territoire mohawk d’Ak‐ wesasne, en mars 2023.

Ce type de traversées, en bateau, était d’ailleurs une spécialité de réseaux indiens, avec la complicité de pas‐ seurs locaux, propriétai­res de ces embarcatio­ns de for‐ tune.

Avec la collaborat­ion de Daniel Tremblay

qualifiant de faible, et la Chambre avait voté massive‐ ment une loi bipartisan­e sur la sensibilis­ation à l'antisémi‐ tisme, 312 voix contre 91.

Avant Mme Shafiq, il y a quatre mois, la présidente de l'Université de Harvard, Clau‐ dine Gay, et celle de l'Univer‐ sité de Pennsylvan­ie, Liz Ma‐ gill, avaient dû démissionn­er après leur passage critiqué devant un comité du Congrès.

L'occupation du pavillon Hamilton

Après l'ultimatum lancé par l'Université, plusieurs étudiants se sont barricadés pendant 24 heures à l'inté‐ rieur du pavillon Hamilton. Disclose, divest (divulguer, désinvesti­r) scandaient les étudiants.

Ils réclamaien­t le désen‐ gagement financier de l'Uni‐ versité à l'égard d'entreprise­s qui ont un lien avec Israël, de même que de la transpa‐ rence dans toutes les tran‐ sactions.

La communicat­ion s'était rompue entre les étudiants et la présidence.

Selon Nadia Abu El-Haj, la présidente de l'Université, Minouche Shafiq, a sacrifié les étudiants en « acceptant » les accusation­s des politi‐ ciens d'antisémiti­sme sur le campus au lieu de les réfuter, de même qu'en faisant appel à la police pour démanteler le campement et déloger les étudiants qui s'étaient barri‐ cadés dans le pavillon Hamil‐ ton.

Mardi soir, on a subi la brutalité policière, alors qu'on défendait le pavillon Hamilton rebaptisé Hind Hall.

Malgré notre manifestat­ion pacifique, la police nous a brutalisés et battus.

Melissa, étudiante à l'Uni‐ versité Columbia

Malgré tout, notre déter‐ mination est inébranlab­le pour la libération de la Pales‐ tine. Vive les campements en solidarité de Gaza, dit Mé‐ lissa.

C’est la conscience d’une nation qui parle à travers ces enfants, ces jeunes qui risquent leur avenir, qui risquent le renvoi [et] des ar‐ restations criminelle­s, pour que les gens de ce pays se ré‐ veillent. C’est absolument es‐ sentiel.

Rashid Khalidi, professeur d'histoire à l'Université Co‐ lumbia

En plus, l’opinion publique est avec nous. Ce sont juste les politicien­s, les médias et le conseil d'administra­tion des université­s qui sont stu‐ pides, aveugles et sourds aux demandes morales impéra‐ tives de nos étudiants, sou‐ tient M. Khalidi.

Pas de forces exté‐ rieures dans le mouve‐ ment, selon des étudiants

Les allégation­s du maire de New York selon lesquelles des forces extérieure­s se se‐ raient infiltrées dans le mou‐ vement étudiant sont réfu‐ tées par certains étudiants.

Je n’en ai pas vu, dit Lily Zuckerman, étudiante à l’Uni‐ versité Columbia. L’Université aurait dû agir plus tôt et faire respecter les règles avant que les choses ne s’ag‐ gravent, dit-elle, en ajoutant qu’elle ne s’est jamais sentie en danger sur le campus.

On pouvait circuler facile‐ ment et vaquer à nos activi‐ tés normalemen­t. Je ne me suis jamais sentie en danger sur le campus. C’est sûr que si j’avais été dans le campe‐ ment, ça n'aurait pas été agréable, mais je n’y allais pas.

Encore un peu secouée par l’interventi­on policière, Masha Sokolova, une autre étudiante, affirme également ne pas avoir remarqué des gens de l'extérieur.

On est horrifiés, et on a honte de notre Université. On ne va pas s’en remettre facilement. Je pense que tout cela ne va que renforcer le mouvement.

Masha Sokolova, étu‐ diante à l'Université Colum‐ bia

Juste avant l'interventi­on policière dans le pavillon Ha‐ milton, la professeur­e et écri‐ vaine Suzanne Gardinier ma‐ nifestait devant le portail et se remémorait l'époque où elle manifestai­t contre l'apar‐ theid en Afrique du Sud, en 1985.

En 1985, on s’était enfer‐ més au pavillon Hamilton pendant trois semaines, pour que l’Université Columbia coupe les ponts avec l’Afrique du Sud durant l’apartheid. Il n’y a jamais eu de police. Ces étudiants [propalesti­niens] font exactement la même chose.

Suzanne Gardinier, pro‐ fesseure et écrivaine

Mme Gardinier soutient que les manifestan­ts de 1985 étaient détestés lorsqu'ils lut‐ taient contre l’apartheid en Afrique du Sud, mais qu'au‐ jourd'hui, les gens recon‐ naissent qu’ils avaient raison.

Les gens ne reconnaiss­ent pas la situation en Israël. Sur‐ tout à New York, c’est une af‐ faire délicate, mais ils vont fi‐ nir par reconnaîtr­e que "c’est l’apartheid en Israël" : la moi‐ tié de mes étudiants sont juifs, antisionis­tes et disent que ce ne sont pas leurs va‐ leurs juives, souligne la pro‐ fesseure.

Université George Wa‐ shington

Dans la capitale du pays, le campement propalesti­nien installé sur le campus de l'Université George Washing‐ ton est toujours en place. Les étudiants se sont débarras‐ sés des clôtures de métal que les policiers avaient pla‐ cées autour du campus. Elles forment maintenant un tas au milieu du parc. Myriam fait partie des personnes atti‐ trées pour parler aux médias.

En tant qu'étudiante juive, [je peux dire que] l'amalgame entre l'antisionis­me et l'anti‐ sémitisme est juste une tac‐ tique de diversion pour ne pas parler de Gaza. Ce n'est pas une question de religion.

Myriam, étudiante à l'Uni‐ versité George Washington

Tout près, un jeune homme, torse nu, regarde le campement avec désolation.

Vous vous rendez compte? Ils parlent de géno‐ cide à Gaza. Ils ne savent pas de quoi ils parlent. Je suis un ancien de cette université. Is‐ raël a les moyens militaires pour faire un génocide et pourrait raser Gaza et les ter‐ ritoires occupés s'il le voulait. Il ne s'agit pas d'un génocide, mais d'éradiquer le Hamas.

Charlie, ancien étudiant de l'Université George Wa‐ shington

Avez-vous vu la pancarte Queer for Palestine? Vous sa‐ vez ce qu'ils font à ces genslà en Iran ou à Gaza? me ditil, découragé. Il s'appelle

Charlie, et préfère ne pas parler à la caméra.

Myriam retient une leçon de ces campements.

J'ai découvert l'entraide, la solidarité, la bienveilla­nce, dit-elle. Nous sommes tous d'origines différente­s, mais à travers ce combat, nous nous sommes découverts, nous avons échangé, et je me rends compte que c'est pos‐ sible de vivre en commu‐ nauté, en paix.

Division chez les démo‐ crates

Les deux tiers des Améri‐ cains estiment que Joe Biden a mal géré le conflit israélopal­estinien. Au sein du Parti démocrate, les progressis­tes comme le sénateur Bernie Sanders - dont la famille a été éliminée durant l’holo‐ causte - réclament un cessezle-feu permanent et s'op‐ posent à l'aide militaire de près de 9 milliards de dollars que les États-Unis versent à Israël.

Non, M. Nétanyahou, ce n’est pas antisémite, ni proHamas de dénoncer qu’en six mois, votre gouverneme­nt extrémiste a tué 34 000 Pa‐ lestiniens, et en a blessé 77 000 autres, dont 70 % étaient des femmes et des enfants. Ce n’est pas antisémite de noter que votre gouverne‐ ment a détruit l’infrastruc­ture de Gaza, détruit 26 hôpitaux et tué 400 travailleu­rs de la santé.

Bernie Sanders, sénateur démocrate

N’insultez pas l’intelli‐ gence du peuple américain en tentant de le distraire de la guerre illégale et immorale de votre gouverneme­nt ex‐ trémiste et raciste, ajoute-t-il.

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