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L’Alberta resserre son emprise sur les municipali­tés, mais pourquoi?

- Marc-Antoine Leblanc

Ces dernières semaines, le gouverneme­nt albertain a resserré son emprise sur les municipali­tés en dépo‐ sant les projets de loi 18 et 20. Mais qu’est-ce qui pousse le gouverneme­nt à intervenir autant dans les politiques municipale­s?

Le premier projet de loi impose aux municipali­tés qu’elle passe par la province pour toute entente avec le gouverneme­nt fédéral.

Le deuxième ratisse plus large : il autorise la création de partis politiques à Edmon‐ ton et Calgary et il donne au Cabinet le pouvoir de révo‐ quer un conseiller ainsi qu'un règlement municipal.

Dans le projet de loi 18, la première ministre a fait valoir que les municipali­tés sont sous l’égide de la province d’un point de vue constitu‐ tionnel.

Le ministre des Affaires municipale­s, Ric McIver, avance que le projet de loi 20 permettra au gouverneme­nt d’agir plus rapidement dans certains dossiers.

Être le seul interlocu‐ teur

Le projet de loi concer‐ nant les ententes munici‐ pales avec le fédéral n’étonne pas Frédéric Boily, professeur de sciences politiques au Campus Saint-Jean de l’Uni‐ versité de l’Alberta, car cela s’inscrit dans le désir de la province de renforcer sa po‐ sition vis-à-vis d’Ottawa, mais il ne peut en dire autant du dernier projet de loi.

Ça va plus loin que les mesures autonomist­es [par rapport au gouverneme­nt fé‐ déral].

C’est d’ailleurs là l’une des premières raisons qui ex‐ plique les actions du gouver‐ nement par rapport aux mu‐ nicipalité­s selon lui.

Il y a clairement cette vo‐ lonté-là de la part du gouver‐ nement Conservate­ur uni à se montrer comme le seul in‐ terlocuteu­r face à Ottawa.

Si cela était déjà présent depuis un certain moment, notamment avec la loi sur la souveraine­té, le projet de loi 18 vient renforcer cette posi‐ tion, rappelle-t-il.

[Le gouverneme­nt provin‐ cial] est un interlocut­eur qui n'est pas dans une optique de collaborat­ion.

Par conséquent, ça fait une logique d'affronteme­nt, et pour qu'on ait cette lo‐ gique d'affronteme­nt, c'est préférable d'avoir seulement deux interlocut­eurs [soit] un gouverneme­nt provincial qui contrôle les municipali­tés, poursuit-il.

Calgary et Edmonton dans la mire de la province

D’après le politologu­e, le gouverneme­nt désire égale‐ ment resserrer l'encadre‐ ment des deux plus grandes villes de l’Alberta : Calgary et Edmonton.

J'ai l'impression qu'il y a comme une dimension de mise au pas idéologiqu­e des grandes villes.

À son avis, l’un des nondits du projet de loi est le fait que le gouverneme­nt a des problèmes avec les maires de ces deux grandes villes.

On a l'impression que [ce sont] des maires qui penchent à gauche, qui sont des libéraux. Par conséquent, il faut essayer de les corseter davantage pour éviter qu'ils aient une trop grande marge de manoeuvre.

Un point que ne contredit pas Cathy Heron, mairesse de St. Albert et ancienne pré‐ sidente de l’Associatio­n des municipali­tés de l’Alberta.

J'ai l'impression que ces deux grandes villes sont dans le collimateu­r, et que le reste d'entre nous, en particulie­r certaines villes moyennes qui ont les mêmes responsabi­li‐ tés urbaines qu'Edmonton et

Calgary, sont prises entre deux feux.

Le gouverneme­nt provin‐ cial a notamment adopté une loi qui stipule qu’elle peut prescrire les conditions en vertu desquelles un conseil municipal peut négocier un projet de parc urbain natio‐ nal.

Le gouverneme­nt Smith a aussi déposé il y a quelques jours un projet de loi forçant la municipali­té de Calgary à modifier la façon dont elle calcule les frais que les com‐ pagnies d'électricit­é im‐ posent aux consommate­urs.

Deron Bilous, ancien mi‐ nistre albertain des Affaires municipale­s sous la bannière néo-démocrate, ne réfute pas l’argument sur la mise au pas de Calgary et Edmonton.

Je pense que beaucoup de gens ressentent ou pensent la même chose : c'est un moyen d'influencer ou de contrôler les conseils qui ont peut-être des tendances poli‐ tiques différente­s.

Il avance que le gouverne‐ ment Smith veut être capable d'influencer et d'avoir davan‐ tage de contrôle sur les diri‐ geants municipaux, notam‐ ment en introduisa­nt des partis politiques dans ce sys‐ tème.

Cathy Heron tient à rap‐ peler que si les Edmonto‐ niens ont choisi des députés et des élus municipaux pro‐ bablement davantage à gauche sur le spectre poli‐ tique, ça reste le choix des ci‐ toyens. L’Alberta doit donc respecter la décision de la population, indique-t-elle.

Nous sommes plus que satisfaits du processus de va‐ lidation de l'ARC sur cette question et nous continue‐ rons à veiller à ce que tous les Canadiens admissible­s re‐ çoivent les prestation­s aux‐ quelles ils ont droit, men‐ tionne-t-il.

Avec les informatio­ns de Darren Major, de CBC News

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