L’Alberta resserre son emprise sur les municipalités, mais pourquoi?
Ces dernières semaines, le gouvernement albertain a resserré son emprise sur les municipalités en dépo‐ sant les projets de loi 18 et 20. Mais qu’est-ce qui pousse le gouvernement à intervenir autant dans les politiques municipales?
Le premier projet de loi impose aux municipalités qu’elle passe par la province pour toute entente avec le gouvernement fédéral.
Le deuxième ratisse plus large : il autorise la création de partis politiques à Edmon‐ ton et Calgary et il donne au Cabinet le pouvoir de révo‐ quer un conseiller ainsi qu'un règlement municipal.
Dans le projet de loi 18, la première ministre a fait valoir que les municipalités sont sous l’égide de la province d’un point de vue constitu‐ tionnel.
Le ministre des Affaires municipales, Ric McIver, avance que le projet de loi 20 permettra au gouvernement d’agir plus rapidement dans certains dossiers.
Être le seul interlocu‐ teur
Le projet de loi concer‐ nant les ententes munici‐ pales avec le fédéral n’étonne pas Frédéric Boily, professeur de sciences politiques au Campus Saint-Jean de l’Uni‐ versité de l’Alberta, car cela s’inscrit dans le désir de la province de renforcer sa po‐ sition vis-à-vis d’Ottawa, mais il ne peut en dire autant du dernier projet de loi.
Ça va plus loin que les mesures autonomistes [par rapport au gouvernement fé‐ déral].
C’est d’ailleurs là l’une des premières raisons qui ex‐ plique les actions du gouver‐ nement par rapport aux mu‐ nicipalités selon lui.
Il y a clairement cette vo‐ lonté-là de la part du gouver‐ nement Conservateur uni à se montrer comme le seul in‐ terlocuteur face à Ottawa.
Si cela était déjà présent depuis un certain moment, notamment avec la loi sur la souveraineté, le projet de loi 18 vient renforcer cette posi‐ tion, rappelle-t-il.
[Le gouvernement provin‐ cial] est un interlocuteur qui n'est pas dans une optique de collaboration.
Par conséquent, ça fait une logique d'affrontement, et pour qu'on ait cette lo‐ gique d'affrontement, c'est préférable d'avoir seulement deux interlocuteurs [soit] un gouvernement provincial qui contrôle les municipalités, poursuit-il.
Calgary et Edmonton dans la mire de la province
D’après le politologue, le gouvernement désire égale‐ ment resserrer l'encadre‐ ment des deux plus grandes villes de l’Alberta : Calgary et Edmonton.
J'ai l'impression qu'il y a comme une dimension de mise au pas idéologique des grandes villes.
À son avis, l’un des nondits du projet de loi est le fait que le gouvernement a des problèmes avec les maires de ces deux grandes villes.
On a l'impression que [ce sont] des maires qui penchent à gauche, qui sont des libéraux. Par conséquent, il faut essayer de les corseter davantage pour éviter qu'ils aient une trop grande marge de manoeuvre.
Un point que ne contredit pas Cathy Heron, mairesse de St. Albert et ancienne pré‐ sidente de l’Association des municipalités de l’Alberta.
J'ai l'impression que ces deux grandes villes sont dans le collimateur, et que le reste d'entre nous, en particulier certaines villes moyennes qui ont les mêmes responsabili‐ tés urbaines qu'Edmonton et
Calgary, sont prises entre deux feux.
Le gouvernement provin‐ cial a notamment adopté une loi qui stipule qu’elle peut prescrire les conditions en vertu desquelles un conseil municipal peut négocier un projet de parc urbain natio‐ nal.
Le gouvernement Smith a aussi déposé il y a quelques jours un projet de loi forçant la municipalité de Calgary à modifier la façon dont elle calcule les frais que les com‐ pagnies d'électricité im‐ posent aux consommateurs.
Deron Bilous, ancien mi‐ nistre albertain des Affaires municipales sous la bannière néo-démocrate, ne réfute pas l’argument sur la mise au pas de Calgary et Edmonton.
Je pense que beaucoup de gens ressentent ou pensent la même chose : c'est un moyen d'influencer ou de contrôler les conseils qui ont peut-être des tendances poli‐ tiques différentes.
Il avance que le gouverne‐ ment Smith veut être capable d'influencer et d'avoir davan‐ tage de contrôle sur les diri‐ geants municipaux, notam‐ ment en introduisant des partis politiques dans ce sys‐ tème.
Cathy Heron tient à rap‐ peler que si les Edmonto‐ niens ont choisi des députés et des élus municipaux pro‐ bablement davantage à gauche sur le spectre poli‐ tique, ça reste le choix des ci‐ toyens. L’Alberta doit donc respecter la décision de la population, indique-t-elle.
Nous sommes plus que satisfaits du processus de va‐ lidation de l'ARC sur cette question et nous continue‐ rons à veiller à ce que tous les Canadiens admissibles re‐ çoivent les prestations aux‐ quelles ils ont droit, men‐ tionne-t-il.
Avec les informations de Darren Major, de CBC News