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Être servi dans la langue de son choix, un problème récurrent, dit le commissair­e Théberge

- Benjamin Vachet

Le commissair­e aux langues officielle­s du Ca‐ nada, Raymond Théberge, blâme des institutio­ns fé‐ dérales jugées peu coopé‐ ratives pour servir les usa‐ gers dans la langue offi‐ cielle de leur choix et pour permettre aux fonction‐ naires de travailler en fran‐ çais ou en anglais.

La langue de service constitue un problème récur‐ rent. Cette problémati­que suggère que les institutio­ns récalcitra­ntes n’acceptent pas la prémisse qu’elles doivent servir les membres des deux communauté­s linguistiq­ues dans la langue officielle de leur choix, écrit le commis‐ saire Théberge dans son rap‐ port annuel 2023-2024, pu‐ blié mardi matin.

Parmi les institutio­ns ré‐ calcitrant­es visées, Air Ca‐ nada arrive en tête avec 130 plaintes, suivi de la Gendar‐ merie royale du Canada (48) et l'Administra­tion cana‐ dienne de la sûreté du trans‐ port aérien (46).

On doit utiliser les deux langues officielle­s, pas une plus que l’autre. [...] C’est très important que nous choisis‐ sions des hauts dirigeants de la fonction publique qui sont des exemples du bilinguism­e, a expliqué le commissair­e

Théberge, lors d'une confé‐ rence de presse mardi matin.

Même si le nombre de plaintes formulées auprès de son équipe a diminué dans la dernière année, la grande majorité concerne encore et toujours les communicat­ions avec le public et la prestation de services. Raymond Thé‐ berge en signale 533 sur les 847 plaintes jugées rece‐ vables au total.

Bien que le volume de plaintes recevables déposées cette année soit moins élevé que ce à quoi nous avons été habitués dans les dernières années, il ne faut pas lever le pied de l’accélérate­ur.

Raymond Théberge, com‐ missaire aux langues offi‐ cielles du Canada

Il est difficile de s’expli‐ quer la diminution du nombre de plaintes. Je pré‐ sume que c’est une anomalie, a-t-il déclaré lors de son allo‐ cution devant les médias mardi. Cela dit, les dernières années ont été marquées par des événements exception‐ nels qui ont généré un très grand nombre de plaintes. Nous n’avons pas connu ce genre d’événement en 20232024. [...] Nous devons pour‐ suivre sur cette lancée et nous appuyer sur les progrès réalisés jusqu’à présent pour produire des changement­s concrets et durables pour as‐ surer l’avenir de nos deux langues officielle­s.

Une grande partie de ces plaintes a été formulée en Ontario (130) et au Québec (124). Mais c’est surtout dans la région de la capitale natio‐ nale, des deux côtés de la ri‐ vière des Outaouais, qu’on en trouve le plus, avec 284 plaintes jugées recevables.

Le Commissari­at aux langues officielle­s du Canada précise que la proportion de plaintes pour un manque d’accès à des services en français est beaucoup plus grande que celle pour un ac‐ cès à des services en anglais.

Des exigences tiques mal définies linguis‐

Une des explicatio­ns avancées par le commissair­e est que les exigences linguis‐ tiques pour certains postes de fonctionna­ires sont, selon lui, mal définies, ce qui nuit à l’instaurati­on d’une culture bilingue.

Lorsqu’une institutio­n fé‐ dérale échoue à instaurer et favoriser une culture bi‐ lingue, il est sûrement plus difficile pour elle de répondre à ses responsabi­lités de bilin‐ guisme institutio­nnel, écrit-il.

Une mauvaise détermina‐ tion des exigences linguis‐ tiques des postes affecte également la qualité du ser‐ vice au public.

Extrait du rapport annuel 2023-2024 du commissair­e aux langues officielle­s du Ca‐ nada

La capacité des fonction‐ naires à travailler dans la langue de leur choix arrive en seconde position dans le nombre des plaintes formu‐ lées en 2023-2024, avec 227 cas.

Ces institutio­ns fédérales ne semblent ni adhérer à la vision d’une fonction pu‐ blique bilingue ni appuyer la création de milieux de travail dans lesquels les fonction‐ naires se sentent habilités à travailler dans la langue offi‐ cielle de leur choix, regrette le commissair­e aux langues officielle­s.

L’un des problèmes struc‐ turels rencontrés est la mau‐ vaise déterminat­ion des exi‐ gences linguistiq­ues des postes, qui ne tiennent pas compte de l’ensemble des tâches associées à ces postes pivots, ajoute-t-il.

Un commissair­e préoc‐ cupé

Après six ans en poste, Raymond Théberge se dit préoccupé par plusieurs as‐ pects.

D’abord, je constate que le respect des droits linguis‐ tiques de la part des institu‐ tions fédérales ne répond pas aux attentes formulées dans mes rapports annuels successifs, note-t-il. Je re‐ marque aussi que la progres‐ sion vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’an‐ glais [...] reste un enjeu de taille.

Les plaintes reçues par le Commissari­at au fil des ans et les enquêtes qu’il a me‐ nées attestent que plusieurs institutio­ns fédérales ne prennent pas leurs obliga‐ tions linguistiq­ues au sé‐ rieux.

Extrait du rapport annuel 2023-2024 du commissair­e aux langues officielle­s du Ca‐ nada

Puisque la nouvelle Loi a été sanctionné­e au cours de cette année 2023-2024, le commissair­e précise que son rapport annuel reflète une si‐ tuation de transition. Il es‐ time toutefois que les nou‐ veaux pouvoirs que lui donne la Loi sur les langues officielle­s depuis juin 2023 pourraient permettre d’amé‐ liorer la situation, même s’il ne s’agit pas d’une baguette magique, souligne-t-il.

La Loi modernisée offre plus de moyens afin d’ap‐ puyer cette progressio­n, mais ce n’est qu’une étape de sa réalisatio­n, soutient le commissair­e.

Il appelle chaque institu‐ tion à respecter ses obliga‐ tions et juge que lui et son équipe auront besoin de plus de ressources pour utiliser pleinement les nouveaux ou‐ tils donnés par la Loi, comme le pouvoir de conclure des accords de conformité ou de rendre des ordonnance­s contre les institutio­ns pour leur enjoindre de corriger un manquement à la loi.

Les deux recommanda‐ tions du commissair­e aux langues officielle­s Recommanda­tion 1

Je recommande à la mi‐ nistre du Patrimoine cana‐ dien de développer et de rendre public d’ici juin 2026, en consultati­on avec la prési‐ dente du Conseil du Trésor, des indicateur­s permettant de procéder à l’examen des dispositio­ns et de l’applica‐ tion de la Loi sur les langues officielle­s en prévision de la revue décennale de 2033.

Recommanda­tion 2

Je recommande à l’en‐ semble des sous-ministres et administra­teurs généraux de la fonction publique fédérale d’incorporer à même leur plan stratégiqu­e, d’ici le 31 mai 2025, un plan pour at‐ teindre la pleine mise en oeuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielle­s, qui s'appuie sur la Feuille de route sur les obligation­s des institutio­ns fédérales en vertu de la partie.

Des problèmes miques systé‐

De son côté, le ministre des Langues officielle­s, Randy Boissonnau­lt, dit prendre connaissan­ce du rapport publié par le com‐ missaire mardi matin.

Le rapport met en lumière les avancées que notre gou‐ vernement a complétées avec le passage de la nou‐ velle Loi sur les langues offi‐ cielles. [...] On continue de faire du progrès, et nous al‐ lons analyser les recomman‐ dations de près , indique son cabinet par voie de commu‐ niqué.

Même si le nombre de plaintes reçues par le Com‐ missariat a diminué, le direc‐ teur général de la Fédération des communauté­s franco‐ phones et acadienne (FCFA), Alain Dupuis, croît qu’il y a encore beaucoup de travail à faire au sein des institutio­ns fédérales. Il déplore le fait que certaines organisati­ons sont plus fautives que d’autres.

C'est toujours ces mêmes institutio­ns-là qui sont citées d'année en année. Il y a vrai‐ ment un travail à faire pour changer la culture dans ces institutio­ns-là. Il faut que les hauts dirigeants fassent une analyse sur ces problèmes systémique­s là récurrents , exprime-t-il.

Selon le porte-parole du Bloc Québécois en matière de langues officielle­s, Mario Beaulieu, le principe du bilin‐ guisme institutio­nnel ne fonctionne pas présente‐ ment au sein de la fonction publique fédérale.

Il faut que les gens fassent des plaintes, il faut bouger. [...] Il faut vraiment faire un constat que le fran‐ çais est en déclin au Canada.

Mario Beaulieu, porte-pa‐ role du Bloc Québécois en matière de langues officielle­s

Si vous avez un employé qui veut travailler en anglais avec un employé qui veut tra‐ vailler en français, qu'est-ce qui se passe? Lequel va l'em‐ porter? [...] Le gouverneme­nt présume que tout se passe en anglais , explique M. Beaulieu.

Quant à lui, le porte-pa‐ role conservate­ur en matière de langues officielle­s, Joël Godin, applaudit les recom‐ mandations du commissair­e Théberge, mais pense que le gouverneme­nt actuel n'a pas la volonté d'arrêter le déclin du français au pays.

La gouverneur­e générale est bilingue, mais elle ne parle pas français dans un poste de représenta­tion. On a nommé aussi le lieutenant­gouverneur au NouveauBru­nswick, qui est unilingue anglais. Ce n’est pas cohérent , fait savoir M. Godin.

Le Nouveau parti démo‐ cratique (NPD) de son côté dit appuyer le rapport du commissari­at estimant qu'il est important de développer des règlements forts qui vont mettre fin au déclin du fran‐ çais un an après l’adoption de la modernisat­ion de la loi sur les langues officielle­s.

La partie VII de la Loi doit s'appliquer à l’ensemble des institutio­ns fédérales, telles que la politique d’immigra‐ tion francophon­e et l’applica‐ tion par la ministre du Patri‐ moine canadien de ses res‐ ponsabilit­és envers la loi. Il est clair d'après le rapport que le gouverneme­nt doit prendre au sérieux la partie VII et mettre pleinement en oeuvre les recommanda­tions du commissari­at, indique la porte parole néodémocra­te en matière de langues offi‐ cielles, Niki Ashton, dans une réponse écrite.

Avec les informatio­ns de Laurence Martin, Rosalie Sin‐ clair et Félix Pilon

murs du parlement, la tradi‐ tionnelle « Marche nationale pour la vie » se mettait en branle.

Chaque année, le scénario se répète, dans une mise en scène bien orchestrée. En première ligne, on trouve des adolescent­s tenant dans leurs mains des photos de foetus, suivis d'un groupe qui entonne un chant religieux.

Dans la foule, le député Arnold Viersen se plaisait à prendre des photos avec des militants qui trimbalaie­nt des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : Priez pour mettre fin à l’avortement.

Quelques minutes plus tard, dans son discours, M. Viersen a invité les militants anti-avortement à signer sa pétition. Nous demandons de protéger la vie depuis la conception jusqu’à la mort naturelle, parce que nous sommes faits à l’image et dans la lumière de Dieu, a-t-il dit à la foule.

Son chef Pierre Poilievre, pour sa part, se tient loin de ce genre de rassemblem­ents. Il a d’ailleurs répété à plu‐ sieurs reprises, lors de la course à la chefferie conser‐ vatrice, qu’il est pro-choix.

Mais cela ne rassure pas Soraya Martinez Ferrada. La question est : est-ce que son parti est pro-choix? Parce que ce qui va garantir que le droit des femmes au Canada ne sera jamais remis en question, c’est que le parti qui souhaite gouverner soit pro-choix, dit-elle.

Force est de constater que les conservate­urs sont déchirés sur la question. Dans son énoncé politique, le parti affirme qu’un gouverne‐ ment conservate­ur ne sou‐ tiendra pas de loi visant à ré‐ gir l’avortement.

Mais on ajoute que, sur cette question, les députés peuvent exprimer des convic‐ tions personnell­es possible‐ ment divergente­s et sont libres de voter selon leur conscience et celle de leurs électeurs.

Avec la collaborat­ion de Marie Chabot-Johnson

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