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Avortement : « Est-ce que ça fait de moi une criminelle? » se confie une ministre

- Valérie Gamache

C'était une confession plu‐ tôt inhabituel­le dans un décor comme celui de la Chambre des communes, à Ottawa. En pleine période des questions, la ministre libérale Soraya Martinez Ferrada s'est levée jeudi pour confier avoir subi un avortement à l'âge de 18 ans.

Sa déclaratio­n a été suivie d'une vague d'applaudiss­e‐ ments de ses collègues libé‐ raux et de démonstrat­ions de soutien d'élus bloquistes et néo-démocrates. Elle a toutefois laissé de glace les députés conservate­urs.

Monsieur le président [...] lorsque je suis retournée au Chili, j’ai réalisé que j'étais en‐ ceinte, sans droits, sans choix. Pour la deuxième fois, le Canada m’a sauvée en me permettant d’obtenir un avortement légal, sécuritair­e, un avenir que j’avais choisi.

Soraya Martinez Ferrada, ministre du Tourisme

C’était juste après le dé‐ part de Pinochet. Et moi, j’avais décidé que je voulais aller au pays pour retrouver finalement ce que la dicta‐ ture m’avait volé, raconte l'élue montréalai­se d’origine chilienne en entrevue à Ra‐ dio-Canada.

Arrivée au Chili, elle a ap‐ pris qu'elle était enceinte. Quand j’ai parlé de ça avec ma tante à l’époque, elle m’a dit : "Bien, tu sais qu’au Chili, [l’avortement] n’est pas légal. C’est criminel et tu peux faire de la prison."

Elle est alors rentrée au Canada pour subir une inter‐ ruption volontaire de gros‐ sesse.

Depuis 2017, le Chili auto‐ rise l'avortement dans trois situations : en cas de viol; en cas de danger pour la vie de la mère;

en cas de non-viabilité du foetus.

Plus tôt cette semaine, le député conservate­ur Arnold Viersen a déposé une péti‐ tion au nom de Canadiens qui pressent le gouverne‐ ment d'adopter une loi pour protéger les droits des foe‐ tus. Plus de 35 ans après l'ar‐ rêt Morgentale­r qui a décri‐ minalisé l’avortement au pays, les signataire­s af‐ firment que cette décision contrevien­t directemen­t à la Charte canadienne des droits et libertés, puisqu’elle ne pro‐ tège pas la vie.

La ministre Martinez Fer‐ rada craint maintenant que le droit des femmes cana‐ diennes à l’avortement soit menacé. Ce qui m’a beau‐ coup interpellé­e, c’est le dé‐ pôt de la pétition qui remet en fait le débat, par la porte d’en arrière, sur la question de droit de vie d’un foetus.

Le député albertain fait preuve de persistanc­e, puisque c’est la troisième fois en six mois qu’il dépose la même pétition.

Cette fois-ci, Soraya Marti‐ nez Ferrada s’est sentie atta‐ quée. Est-ce que ça fait de moi une criminelle? Je veux dire, c’est ça la question. Et je me suis dit, je pense que c’est important d’utiliser finale‐ ment mon histoire person‐ nelle pour arrêter de reposer des questions pour le droit des femmes.

Il faut briser les tabous et le silence. Et c'est ça que j'ai fait.

Soraya Martinez Ferrada, ministre du Tourisme

Manifestat­ion anti-avor‐ tement sur la colline du Parlement

Au moment où la ministre Martinez Ferrada se levait en Chambre, à l’extérieur des

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