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Après les toits verts, des « toits bleus » pour lutter contre les changement­s climatique­s

- Philippe de Montigny

Vous avez sûrement en‐ tendu parler des toits verts, recouverts de plantes pour isoler le bâti‐ ment et absorber les émis‐ sions de carbone. Si cette idée gagne en popularité au pays, un nouveau concept pourrait aussi faire des vagues : les toits bleus.

Lors de tempêtes, ce sys‐ tème de toiture intelligen­t permet d’accumuler les eaux pluviales et de les déverser, de manière calculée, dans des réservoirs, ce qui réduit les risques d’inondation et les coûts de chauffage et de climatisat­ion.

Nos techniques de constructi­on s'améliorent et donc, dans le fond, c’est comme créer une piscine sur le toit.

Éric Turcotte, associé prin‐ cipal chez Urban Strategies à Toronto

L’eau entreposée peut en‐ suite être filtrée, traitée aux rayons ultraviole­ts et utilisée à d’autres fins. Ça peut servir à ce moment-là soit à l'irriga‐ tion, à alimenter les toilettes ou bien certains équipe‐ ments à l'intérieur du bâti‐ ment, précise l’urbaniste.

Vendredi, l’Office de pro‐ tection de la nature de Credit Valley, basé à Mississaug­a, dévoilera son propre toit bleu intelligen­t, le premier au Canada à respecter les normes de l’Internatio­nal Code Council, un organisme qui fait la promotion de codes rigoureux pour la sé‐ curité des bâtiments à tra‐ vers le monde.

L’édifice peut maintenant entreposer jusqu’à 40 000 litres d’eau sur son toit et 5000 litres supplément­aires dans ses réservoirs au soussol. Le système, muni d’une station météorolog­ique, peut prédire la quantité de pluie qui tombera lors d’une tem‐ pête.

L’eau récupérée dans ses réservoirs servira à alimenter ses toilettes ainsi que son système de chauffage et de climatisat­ion, explique Kyle Vander Linden, conseiller principal en gestion des bas‐ sins hydrograph­iques de l’Of‐ fice.

L’eau pourrait aussi servir à l’irrigation et peut-être éventuelle­ment, avec les sys‐ tèmes de traitement appro‐ priés, on pourrait la boire, af‐ firme-t-il.

Le projet de l’Office de protection de la nature de Credit Valley a coûté environ 450 000 $, financé en partie grâce à des subvention­s. La Fédération canadienne des municipali­tés, Intact Corpora‐ tion Financière et la Région de Peel, entre autres, ont participé à l’initiative.

Ça a vraiment été tout un travail d’équipe, lance M. Vander Linden.

Le concepteur de ce toit bleu, la firme de consultant­s Enviro-Stewards, a aussi im‐ planté cette technologi­e dans son propre édifice à Elmira, une petite municipali­té au

nord de Kitchener, en Onta‐ rio.

Nous avons réduit notre consommati­on d’eau [muni‐ cipale] de 56 % en réutilisan­t l’eau de pluie. Nous avons ré‐ duit nos coûts de climatisa‐ tion de 43 % parce que l’eau qui s’évapore garde le toit plus frais, explique le pré‐ sident Bruce Taylor.

La firme a aussi aménagé dans ses bureaux un mur vé‐ gétal, irrigué grâce à l’eau ré‐ cupérée et purifiée. Cette ins‐ tallation permet d’absorber les émissions de carbone et de relâcher de l’oxygène frais.

Le coût en vaut-il la chandelle?

Au-delà des économies réalisées grâce au toit bleu, le président de la firme EnviroStew­ards souligne que les inondation­s causées par le refoulemen­t des tuyaux d’eaux pluviales sont l’une des principale­s causes de ré‐ clamations d’assurance com‐ merciale.

Bruce Taylor indique que le nombre de réclamatio­ns pour dommages liés aux inondation­s a doublé en une décennie, citant une étude du Centre Intact d'adaptation au climat. En contrôlant le ruissellem­ent, un toit bleu peut effectivem­ent endiguer les risques d’inondation.

Les tempêtes sont plus fréquentes et plus intenses qu’auparavant. Nos infra‐ structures municipale­s ne sont plus toujours capables de les gérer, dit-il.

M. Taylor dit présente‐ ment travailler avec un fabri‐ cant de charnières de porte pour recouvrir son usine d'un toit bleu. Il souligne que la Ville de Guelph, qui songe aussi à implanter un tel sys‐ tème, utilise déjà de l'eau pluviale pour le nettoyage de ses autobus.

L’urbaniste Éric Turcotte ajoute que, dans la plupart des cas, un toit bleu coûte moins cher qu’un toit vert, qui nécessite plus d’entretien et parfois des travaux struc‐ turaux pour pouvoir soutenir le poids du jardin.

Malgré tout, un projet qui coûte des centaines de mil‐ liers de dollars peut être diffi‐ cile à financer pour bien des entreprise­s et des municipali‐ tés, déjà fort endettées.

Chrystal Healy de la Banque de développem­ent du Canada soutient que les entreprise­s doivent évaluer les options de financemen­t et de subvention­s et calculer les économies à long terme liées à ce genre d’initiative­s.

Il n’y a pas de solution mi‐ racle. On n’est pas en train de dire que tout le monde de‐ vait installer un toit bleu.

Chrystal Healy, vice-prési‐ dente adjointe en développe‐ ment durable corporatif, Banque de développem­ent du Canada

Tant qu'à faire une réno‐ vation, informez-vous auprès de vos experts : est-ce que ça a du sens? Peut-être que c'est une usine qui pourrait recycler l'eau. Est-ce qu'il y a une grande surface asphal‐ tée? Est-ce que ça pourrait ai‐ der?, lance-t-elle.

Mme Healy ajoute que certains assureurs envi‐ sagent des réductions de prix lorsque leurs clients im‐ plantent des solutions, comme un toit bleu, qui ré‐ duisent les risques d’inonda‐ tion.

Chaque entreprise n’est pas à la même place, n’a pas la même réalité, donc c'est pour ça qu'on offre des solu‐ tions variées. On veut ren‐ contrer les entreprise­s où elles sont dans leur parcours, dit-elle.

maires des villes, comme le rappelait Bruno Marchand jeudi matin. Pour le maire de Québec, non seulement il faut s’appuyer sur des per‐ sonnes compétente­s pour établir les besoins, mais il faut aussi sortir de la gestion à la petite semaine et établir une vision sur 5, 10, 15, voire 20 ans. Allons-nous vers cette vision? La nouvelle en‐ tité vient-elle court-circuiter les municipali­tés et les socié‐

tés de transport?

Plus rapides et moins chers?

Par ailleurs, le projet de loi sur l’agilité dans les pro‐ jets d’infrastruc­tures pré‐ senté par le ministre Jonatan Julien ouvre la porte à un dé‐ veloppemen­t plus efficace de tels projets. Le Québec a un plan d’infrastruc­tures de 153 milliards de dollars sur 10 ans. Le ministre Julien veut voir les projets se réaliser 25 % plus rapidement, à un coût 15 % moins élevé.

En passant d’une ap‐ proche rigide et d'affronte‐ ment à une approche où les entreprise­s seront impli‐ quées dans la conception, le développem­ent des projets et les matériaux à choisir, Québec est convaincu de pouvoir réaliser les projets d’écoles, de maisons des aî‐ nés et les projets routiers de façon plus efficace.

Là aussi, espérons-le! Il est étonnant, en même temps, qu’on n’y soit pas en‐ core. Le ministre de l’Infra‐ structure affirme que la pla‐ nification sera optimisée en évitant de multiplier des pro‐ jets là où on manque de main-d’oeuvre, en lançant des processus d’approbatio­n pour plusieurs projets du même type (constructi­on de 12 écoles, par exemple).

Les deux projets de loi présentés par Geneviève Guilbault et Jonatan Julien, avec leurs forces et leurs fai‐ blesses, doivent mener à un processus plus efficace de planificat­ion et de réalisatio­n des projets. Il faudra at‐ tendre un certain temps avant de mesurer les effets réels de cette nouvelle ap‐ proche. Il faudra être patient. Mais il en va de la capacité du Québec à faire face au défi économique le plus im‐ portant de notre époque, ce‐ lui de la transition énergé‐ tique à l’ère du réchauffe‐ ment planétaire. Faut que ça marche!

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