Mobilité Infra Québec : vraiment efficace?
Depuis plusieurs années au Québec, les projets en ma‐ tière de transport collectif font du surplace. Ils sont annulés, reportés, ils coûtent trop cher au goût du premier ministre ou ils n’obtiennent pas l’accepta‐ bilité sociale requise. Bref, les résultats sont déce‐ vants, malgré l’urgence d’agir. Est-ce que la nou‐ velle structure Mobilité In‐ fra Québec va changer les choses?
Espérons-le. La nouvelle entité a l’avantage de concen‐ trer en un même lieu une ex‐ pertise de haut niveau, es‐ sentielle pour analyser, plani‐ fier et réaliser des projets en matière d’infrastructures de transport, pour lesquelles les besoins sont criants. Et Mobi‐ lité Infra Québec pourrait s’avérer plus efficace que des bureaux de projet éparpillés un peu partout, qui sont mis sur pied chaque fois qu’une idée fait son apparition.
Cela dit, le projet de loi confirme, une fois de plus, une tendance propre à ce gouvernement qui est celle de concentrer les pouvoirs entre ses mains. Dès les notes explicatives du projet, il est précisé que le nouvel or‐ ganisme aura pour mission d’effectuer, lorsque le gou‐ vernement lui en confie la responsabilité, l’analyse d’op‐ portunité, la planification et la réalisation de projets com‐ plexes de transport.
Et c’est ici que le bât blesse. Pourquoi est-ce le gouvernement qui vient déci‐ der, orienter et confier des mandats à cette nouvelle en‐ tité pour analyser, planifier et réaliser des projets? Ne de‐ vrait-on pas procéder autre‐ ment et demander plutôt à Mobilité Infra Québec d’ana‐ lyser les besoins, d’utiliser son expertise en matière d’urbanisme, d’occupation du territoire et de mobilité du‐ rable, d’en informer le gou‐ vernement et d'ensuite mettre en oeuvre les projets retenus?
Comprenons-nous bien. Le gouvernement doit conserver la responsabilité d'établir des priorités et une vision d'ensemble, notam‐ ment sur les choix à faire pour atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Et il est clair que la réalisation d’un projet doit obtenir l’ap‐ probation finale de celui qui le finance, soit le gouverne‐ ment.
S’éloigner des choix poli‐
Mais depuis plusieurs an‐ nées, c'est au gré des son‐ dages que le gouvernement Legault gère les projets de transport collectif. Ce sont des décisions politiques qui voient aux destinées du transport public. En confiant des mandats à CDPQ Infra, on a également fait des choix politiques, dont les résultats sont plus qu'inégaux.
Le REM de l'Est, confié à CDPQ Infra, a été mal ficelé. L'acceptabilité sociale n’a ja‐ mais été au rendez-vous avec cette idée de faire passer un pont aérien en pleine ville, une aberration qui a mené le gouvernement à retirer le projet des mains de la Caisse. Et le REM du boulevard Ta‐ schereau vers la Rive-Sud a été abandonné par la Caisse de dépôt en début d’année.
Ce choix politique, celui de confier des projets aussi importants à une entité CDPQ Infra - qui recherche le maximum de rendement, n’est pas optimal, loin de là. D’ailleurs, la ministre Guil‐ bault a dit, en point de presse, qu’elle souhaitait voir le gouvernement réduire sa dépendance à CDPQ Infra, qui est tout de même en train d’analyser le projet de transport structurant à Qué‐ bec. Nous n’en sommes pas à un revirement près!
Nous avons été témoins depuis six ans des tergiversa‐ tions du gouvernement Le‐ gault sur le troisième lien et sur le tramway à Québec. Rappelons-nous aussi que la proposition de Valérie Plante de réaliser une nouvelle ligne de métro - la ligne rose - s'est frottée, elle aussi, au choix politique du gouvernement Legault de ne pas vouloir réa‐ liser ce projet.
Si le Québec s’était doté, déjà, d’une entité indépen‐ dante, experte et compé‐ tente en matière de trans‐ port collectif, peut-être se‐ rions-nous en train d’inaugu‐ rer le REM de l’Est, en train d’imaginer le REM de la RiveSud et de mettre en oeuvre la stratégie de transport structurant dans la région de Québec.
Revenir vers les experts
Nous avons plutôt perdu beaucoup de temps. On a fait fi de l'expertise de gens compétents, qualifiés pour penser et planifier les be‐ soins d’une ville, le transport et la mobilité durable. Au‐ jourd’hui, avec son projet de loi, la ministre cherche à cor‐ riger le tir. C’est très bien. Mais les analyses d’opportu‐ nité et la planification des projets ne devraient-elles pas appartenir à des gens qui sont capables de cerner les vrais besoins en matière de transport, pour ensuite pro‐ poser les projets nécessaires au gouvernement?
S’il y a un ordre de gou‐ vernement qui doit être en‐ tendu plus fort que les autres sur ces projets, ce sont cer‐ tainement les municipalités, qui connaissent leur terri‐ toire et leurs citoyens. Il est écrit dans le projet de loi qu’à défaut d’entente avec le mi‐ nistre, le montant de la contribution financière d’une municipalité ou d’un autre organisme à un projet com‐ plexe de transport est fixé par le gouvernement.
Or, l’autonomie munici‐ pale est une valeur cardinale pour les mairesses et les