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Procès de Trump : la défense cherche à discrédite­r Stormy Daniels

- Sophie-Hélène Lebeuf

Une menteuse motivée par l'argent : voilà le portrait de Stormy Daniels qu'ont tracé jeudi les avocats de Donald Trump lors du deuxième et dernier jour de la comparutio­n de l'exactrice porno au procès cri‐ minel de l'ancien président américain.

Après une première jour‐ née de comparutio­n mar‐ quée notamment par un contre-interrogat­oire très tendu, la défense a continué à attaquer la crédibilit­é de la témoin, dont le vrai nom est Stephanie Clifford, insistant par moments sur le métier qu'elle a exercé dans l'indus‐ trie du cinéma pornogra‐ phique.

Vous avez tout inventé, a lancé Susan Necheles à Stormy Daniels, qui affirme avoir eu une relation sexuelle avec Donald Trump.

Non! a vivement répliqué Mme Daniels, qui s'est mon‐ trée combative pendant le contre-interrogat­oire.

Stormy Daniels affirme avoir couché avec le célèbre accusé à une seule occasion, en juillet 2006, le soir après leur rencontre lors d'un tour‐ noi de golf, au lac Tahoe, dans le Nevada, ce qu'il dé‐ ment.

Vous avez beaucoup d'ex‐ périence dans la fabricatio­n de fausses histoires sexuelles qui paraissent réelles? a de‐ mandé Me Necheles.

Ce n'est pas comme ça que je décrirais ça, a rétor‐ qué la témoin, repoussant certaines attaques du tac au tac. Le sexe dans les films est bien réel, tout comme ce qui m'est arrivé dans cette pièce de la suite d'un hôtel près du lac Tahoe.

Si cette histoire était fausse, je l'aurais écrite pour qu'elle soit bien meilleure. Stormy Daniels

Mardi, Stormy Daniels ne s'est pas présentée comme une victime, mais elle a sem‐ blé indiquer que la relation sexuelle alléguée avec M. Trump, de 32 ans son aîné, n'avait pas été pleinement consensuel­le, ce qu'elle n'avait jamais publiqueme­nt affirmé auparavant.

Selon des sources citées par CNN, la défense a décidé de prolonger la durée initiale‐ ment prévue du contre-inter‐ rogatoire en raison de la tournure de l'interrogat­oire mené par les procureurs.

Me Necheles a tenté à maintes reprises de soulever des contradict­ions entre le témoignage de Mme Daniels en cour et les récits qu'elle a faits de cette soirée au cours des dernières années, dans les médias ainsi que dans un livre.

Votre histoire a complète‐ ment changé, a soutenu l'avocate.

Non! Vous tentez de me faire dire qu'elle a changé, mais elle n'a pas changé, a répliqué Stormy Daniels.

Susan Necheles a entre autres souligné que Mme Da‐ niels, dans une entrevue ac‐ cordée à la revue Vogue en 2018, n'avait pas mentionné la présence d'un garde du corps à l'extérieur de la chambre où la relation sexuelle se serait produite.

Mme Daniels, aujourd'hui âgée de 45 ans, a dit ne pas fournir tous les détails dans chaque entrevue qu'elle donne et a dit ne pas contrô‐ ler ce que les médias choi‐ sissent de publier.

Mardi, elle a dit aux pro‐ cureurs que la présence du garde du corps avait contri‐ bué à un déséquilib­re de pouvoirs qui l'avait mise mal à l'aise.

Des motivation­s finan‐ cières

Susan Necheles a accusé Stormy Daniels d'avoir été motivée par l'appât du gain, ce qu'a nié la principale inté‐ ressée.

Vous menaciez de nuire politiquem­ent au président Trump s'il ne vous donnait pas d'argent pour cette his‐ toire? a demandé l'avocate.

J'ai choisi la sécurité, a ré‐ pondu Stormy Daniels. La meilleure solution consistait à protéger mon histoire par une trace écrite pour que ma famille ne soit pas en danger, a-t-elle soutenu.

Stormy Daniels a reçu 130 000 $ US de la part de l'an‐ cien avocat personnel de M. Trump, Michael Cohen, dans le cadre d'un accord de nondivulga­tion, quelques jours avant l'élection présidenti­elle de 2016.

Me Necheles a par la suite évoqué le livre Full Disclosure (« Divulgatio­n totale » en français), dans lequel Stormy Daniels parle de son aven‐ ture alléguée avec Donald Trump.

Vous vouliez gagner plus d'argent, n'est-ce pas? a in‐ sisté l'avocate, affirmant que le livre avait rapporté 800 000 $ US à Stormy Daniels.

Me Necheles a aussi mon‐ tré des messages sur les ré‐ seaux sociaux dans lesquels Mme Daniels pointait vers sa boutique en ligne, où elle vend des articles comme des chandelles et des t-shirts en lien avec la mise en accusa‐ tion de Donald Trump.

Me Necheles a avancé que la témoin profite finan‐ cièrement de l'inculpatio­n de l'ancien président.

Tout comme M. Trump, a riposté Mme Daniels, une al‐ lusion aux divers articles ven‐ dus par l'équipe de cam‐ pagne du candidat républi‐ cain en lien avec ses inculpa‐ tions dans quatre procès cri‐ minels.

Donald Trump invoque par ailleurs régulièrem­ent ses mises en accusation dans des courriels de sollicitat­ion de contributi­ons financière­s à ses partisans.

Au terme du contre-inter‐ rogatoire, Me Necheles a de‐ mandé à Mme Daniels si les documents financiers de Do‐ nald Trump lui étaient fami‐ liers, une façon de souligner que son témoignage n'est pas directemen­t lié aux accu‐ sations de falsificat­ion de do‐ cuments portées par les pro‐ cureurs.

Je ne sais rien à propos de ses documents financiers, non. Pourquoi serais-je au courant? a répondu Mme Da‐ niels.

L'ex-président est accusé d'avoir falsifié des docu‐ ments pour dissimuler le remboursem­ent fait à son ancien homme de confiance dans le but de favoriser sa victoire électorale.

Si les accusation­s de falsi‐ fication de documents ne sont pas liées au virement fait à Mme Daniels, ce paie‐ ment est toutefois au centre de la trame narrative des procureurs, qui accusent Do‐ nald Trump d'avoir fomenté « un plan criminel pour cor‐ rompre l'élection de 2016 ».

Témoignage­s plus sobres liés aux documents

La comparutio­n de Stormy Daniels a été suivie de témoignage­s d'une tout autre teneur.

Les procureurs ont no‐ tamment appelé à la barre une employée de la compta‐ bilité de la Trump Organiza‐ tion, une témoin dont les propos, sans contredit moins contentieu­x, sont liés au remboursem­ent allégué à Michael Cohen.

Rebecca Manochio a pré‐ cisé qu'au début de la prési‐ dence de son ancien patron, elle lui envoyait des chèques pour qu'il les signe non pas directemen­t à la MaisonBlan­che mais au domicile de deux de ses collaborat­eurs, dont son garde du corps Keith Schiller.

Les procureurs arguent que Donald Trump a repayé Michael Cohen en 11 verse‐ ments faits par chèque, dont neuf qu'il a lui-même signés, pour un remboursem­ent faussement présenté comme des honoraires.

Un témoin précédent, un ancien contrôleur de la Trump Organizati­on, a indi‐ qué lundi que les deux pre‐ miers chèques avaient été faits par la fiducie créée pour gérer l'entreprise de Donald Trump pendant sa prési‐ dence et que les neuf chèques subséquent­s, signés personnell­ement par M. Trump, étaient liés à son compte personnel.

Appelée ensuite à la barre, Madeleine Weste‐ rhout, qui a été la secrétaire personnell­e de Donald Trump, puis la directrice des opérations du bureau ovale, a admis qu'il portait une at‐ tention particuliè­re aux dé‐ tails financiers.

Elle a en outre indiqué avoir envoyé un courriel à Michael Cohen pour une invi‐ tation à la Maison-Blanche en février 2017 et a confirmé sa visite. Ce dernier affirme que c'est lors de cette rencontre que son ancien patron et lui ont convenu du rembourse‐ ment qui lui serait versé pour le paiement fait à Stormy Da‐ niels.

L'ancienne collaborat­rice de Donald Trump a éclaté en sanglots quand elle a témoi‐ gné de son congédieme­nt de la Maison-Blanche, en 2019, après qu'elle eut révélé des détails sur la famille de Do‐ nald Trump.

Elle en a tracé un portrait flatteur, le décrivant comme un bon patron et un mari soucieux de l'opinion de sa femme, Melania. Personne d'autre ne pouvait le mettre à sa place, a-t-elle déclaré.

Le juge rejette deux re‐ quêtes de la défense

À l'issue des témoignage­s, le juge Juan Merchan a op‐ posé un refus à deux de‐ mandes de la défense, qui a notamment renouvelé sa re‐ quête pour faire annuler le procès à cause de certaines déclaratio­ns faites en cour par Mme Daniels.

Le juge a estimé que la défense avait ouvert la porte à son récit quand elle a dé‐ menti ses allégation­s dans sa déclaratio­n d'ouverture.

Les avocats de Donald Trump ont amplement eu l'occasion de s'opposer aux questions auxquelles Stormy Daniels a donné des ré‐ ponses préjudicia­bles à leur client, a-t-il conclu.

À titre d'exemple, le ma‐ gistrat a dit être médusé par le fait qu'ils ne se soient pas opposés à une question des procureurs sur le port d'un préservati­f.

Le juge a également rejeté leur requête visant à faire an‐ nuler l'ordonnance de bâillon concernant spécifique­ment Stormy Daniels. Son objectif, a-t-il dit, est de protéger l'in‐ tégrité de cette procédure dans son ensemble.

Avant le procès, le juge Merchan a interdit à l'accusé de s'en prendre publique‐ ment aux témoins, aux jurés et au personnel du tribunal.

À sa sortie du tribunal, Donald Trump a conspué un juge corrompu. C'est une honte pour la ville de New York, pour l'État de New York et pour le pays, a-t-il com‐ menté à propos d'une des deux décisions rendues, sans préciser laquelle.

Karen McDougal ne té‐ moignera pas

Alors que la défense est revenue à la charge pour s'opposer au témoignage d'une autre présumée maî‐ tresse de l'ex-président, Ka‐ ren McDougal, les procureurs ont indiqué qu'il n'était pas dans leur intention de la convoquer à la barre.

L'ancienne playmate a pour sa part reçu 150 000 $ US du groupe de presse American Media Inc. (AMI) pour garder le silence sur une aventure qui aurait duré 10 mois, de 2006 à 2007.

Le premier témoin du pro‐ cès, l'ex-PDG du groupe AMI, David Pecker, a déclaré que son entreprise avait acheté son histoire dans le cadre d'une stratégie, élaborée avec Donald Trump visant à acheter et à supprimer les in‐ formations susceptibl­es de nuire à sa campagne électo‐ rale.

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