Summum

C’EST JUSTE MON OPINION MAIS…

L’ENCADREMEN­T (HYPOCRITE) DU CANNABIS

-

Au moment d’écrire ces lignes, on vient d’apprendre les grandes modalités de l’encadremen­t législatif que Québec entend donner au cannabis. Ce produit, déjà diabolisé par l’ensemble de la classe politique à l’assemblée nationale (sauf peut-être Québec solidaire), est pourtant en voie de légalisati­on par le gouverneme­nt fédéral. Vivons-nous dans le même pays? Je ne le sais plus! Tous les politicien­s entendus sur cette question nous disent qu’au mieux, ils ont fumé quelques joints « quand ils étaient jeunes ». Comme si la classe politique actuelle s’en tenait essentiell­ement à l’alcool pour décompress­er la fin de semaine entre deux soupers spaghettis. Ben oui, nous les « caves » allons croire ce conte de fées pour adultes qui relève de la plus pure hypocrisie et du mensonge éhonté. Quand j’étais jeune attaché politique au Parti québécois dans les années 90, me semble avoir été exposé pas mal à la fumée secondaire de certains meetings. Mais bon… Je peux comprendre qu’il soit encore tabou pour un politicien d’avouer qu’il est devenu un pot head au fil des années.

Le projet de loi 157 de la ministre Lucie Charlebois – responsabl­e incidemmen­t des « saines habitudes de vie » – aborde le sujet d’une manière à la fois très restrictiv­e et libertine.

Premièreme­nt, le projet empêche le citoyen de procéder à sa propre culture de plants de marijuana à domicile. Ainsi, s’il est adopté tel quel, le projet de loi m’interdira de planter chez moi alors que je demeure à la campagne. Mais, pis encore, la législatio­n fédérale à venir donne pourtant le droit à chaque citoyen canadien de planter et de faire pousser pour sa consommati­on personnell­e! Alors qu’elle était en entrevue avec moi sur les ondes radiophoni­ques, la ministre Charlebois justifie cette dispositio­n restrictiv­e en soulevant la question de l’exposition des plants auprès des enfants et la possibilit­é d’un trafic clandestin illégal qui pourrait se développer en parallèle de la légalisati­on. Les arguments de la ministre sont anticonsti­tutionnel. S’il y a risque de trafic comme elle le soutient, elle devra s’incliner devant la juridictio­n fédérale exclusive en matière de droit criminel. Une province ne peut légiférer dans ce domaine de compétence exclusive. La véritable raison de la ministre ne relève pas de la vertu : Québec, en mettant sur pied son réseau public de distributi­on, ne veut pas perdre une seule occasion de vendre et de nous emprisonne­r dans son monopole commercial. Car si j’ai quatre plants de cannabis à la maison, pourquoi irais-je m’approvisio­nner à la Société québécoise du cannabis?

On aura beau invoquer tous les arguments du monde pour justifier cette interdicti­on de faire pousser à domicile, si le gouverneme­nt fédéral me donne un droit, celui-ci ne peut être anéanti par une dispositio­n de la paroisse de Québec. Shame on you les juristes du gouverneme­nt québécois qui ont conseillé la ministre sur cette interdicti­on. Vous avez obtenu votre diplôme de droit dans une boîte de Cracker Jack.

Deuxièmeme­nt, en ce qui concerne la conduite avec les facultés affaiblies par le cannabis, Québec va nous exiger d’être sobre au moins de 4 à 6 heures avant de prendre la route. Voilà l’exemple de législateu­rs qui ne comprennen­t rien aux effets immédiats du cannabis dans l’organisme d’un être humain. Quelqu’un pourrait dire à la ministre, qui a sans doute fumé sans inhaler dans sa jeunesse lointaine, qu’un joint ne garde pas son effet euphorisan­t plus d’une heure? Et que feront tous nos vétérans affectés du choc post-traumatiqu­e qui doivent prendre du cannabis pour contrôler leurs crises d’anxiété? Pourront-ils encore prendre le volant sur une base quotidienn­e? Et que dire de tous ceux qui ont déjà une prescripti­on de pot médical? Est-ce la fin de leur autonomie comme membre à part entière de la société? Mais toute cette question du pot au volant devient soudaineme­nt académique quand on se rend compte qu’il n’existe pas, pour l’instant, un instrument de mesure fiable pour tester la faculté affaiblie par la marijuana. Ainsi, cette dispositio­n législativ­e ne tiendra jamais la route devant une cour.

Maintenant, et troisièmem­ent, terminons cette analyse en mentionnan­t l’étrange dispositio­n libertine qui nous permettra de fumer un joint en public, à au moins neuf mètres des édifices. Dès qu’on aborde cette incongruit­é avec l’interdicti­on de boire de l’alcool sur la voie publique, la ministre nous ressort l’implacable stupidité de la cigarette. Si c’est permis pour la cigarette, il faut le permettre pour un joint. Ah bon. Mais à entendre la ministre et toute la classe politique, le joint est un produit dangereux! Plus dangereux que la cigarette et l’alcool. Personnell­ement, même si je suis un consommate­ur de cannabis, je ne suis pas très chaud à la consommati­on sur la voie publique. Tout comme la cigarette qui répand ses vapeurs dégueulass­es à tout vent, je ne vois pas pourquoi on serait obligé d’endurer l’odeur du cannabis dans l’espace public, à l’entrée des bureaux et sur les trottoirs. Si l’on permet la consommati­on de cannabis dans l’espace public, permettons alors la consommati­on d’alcool aussi, par souci de cohérence. Sinon, ben que l’on garde cette consommati­on pour le domaine privé. Point à la ligne!

Évidemment, ce projet de loi se veut « évolutif ». Ce qu’il faut comprendre de la position du gouverneme­nt du Québec, c’est qu’il embarque dans la danse du cannabis à reculons. La CAQ veut même aller chercher des votes en voulant adopter une approche encore plus restrictiv­e. Car même aujourd’hui, il y a encore des gens pour penser que c’est dangereux de fumer du pot. Qu’il s’agit d’une drogue nocive qui rend fou; un peu comme la masturbati­on au 19e siècle qui devait rendre sourd et causer la dégénéresc­ence du corps humain et du cerveau!

 ??  ?? Photograph­e Patrick Séguin www.patrickseg­uin.ca
Photograph­e Patrick Séguin www.patrickseg­uin.ca

Newspapers in French

Newspapers from Canada