JENSEN INTERCEPTOR
L’ÉLÉGANCE À L’ANGLAISE
Par Daniel Rufiange – Le fabricant Jensen n’est pas le premier à qui l’on pense lorsqu’on dresse une liste des grandes marques anglaises. Pourtant, cette firme aux moyens modestes nous a donné quelques modèles incroyables au fil des décennies. Son joyau est sans contredit l’interceptor, commercialisée de 1966 à 1976.
Présentée au Salon de Londres en 1966, elle fut encensée par la critique. Cependant, il s’en fallut de peu pour qu’elle ne voie jamais le jour sous cette forme. Sa devancière, la CV8, avait hérité d’un design controversé et, lorsque le temps fut venu de la remplacer, on n’arrivait pas à s’entendre sur la marche à suivre à l’intérieur de la compagnie. Kevin Beattie, l’ingénieur en chef, mena une cavale afin que le dessin de la voiture soit confié à une firme spécialisée. Heureusement pour la postérité, il fut écouté et se tourna vers l’italie pour asseoir le style de la future Interceptor.
ANGLAISE, ITALIENNE ET AMÉRICAINE
C’est finalement un design de la firme Carrozzeria Touring qui fut retenu. Ironiquement, cette maison pliait bagage en 1966, ce qui offrit une opportunité incroyable à Jensen. Le constructeur racheta des plans déjà conçus. Ceux-ci allaient devenir ceux de l’interceptor. La boîte se tourna ensuite vers le carrossier italien Vignale pour la mise en chantier.
Sous le capot, Jensen fait appel à une compagnie américaine, Chrysler en l’occurrence, pour les services du V8 de 383 pouces cubes, un bloc solide et éprouvé. Ce dernier avançait une puissance de 325 chevaux et était couplé à une transmission automatique. Cette combinaison permettait à la voiture d’atteindre la vitesse de 210 km/h. Cela s’accompagnait, cependant, d’une consommation d’essence gargantuesque, soit autour de 20 litres aux 100 kilomètres. Ce moteur sera utilisé jusqu’en 1971. Il sera substitué par un V8 de 440 pouces cubes.
Ce qui est intéressant aujourd’hui pour un collectionneur, c’est que l’interceptor, assem- blée à raison de quelque 6000 exemplaires, est l’occasion de mettre la main sur une voiture exotique, mais dotée d’une mécanique simple et facile à entretenir.
UNE VARIANTE AVANT-GARDISTE
Outre ce détail intéressant et son style absolument spectaculaire, l’interceptor a aussi marqué l’histoire conceptuellement parlant. En effet, la version FF (Ferguson Formula) proposait la motricité aux quatre roues, une caractéristique inédite sur une voiture de production à l’époque. Ce modèle profitait également d’un système antiblocage des freins, de la science-fiction au début des années 70. Seulement 320 exemplaires furent assemblés.
La crise du pétrole de 1973 fit mal à la compagnie Jensen. L’interceptor va continuer à se vendre, mais elle ne survivra pas à la mort de son créateur, en 1976. Des investisseurs tenteront de relancer le modèle dans les années 80, mais seulement quelques exemplaires seront proposés.