Summum

DE GRANDES VILLES MENACÉES

-

Par Jean-françois Cyr – Le niveau de la mer augmente et il appert que rien ne peut l’arrêter. Que le phénomène soit en partie de la faute de l’homme ou encore associé à un processus naturel, une chose est certaine : l’eau monte. Un peu partout dans le monde, diverses population­s s’effraient devant l’inéluctabl­e. Des côtes seront grugées, des digues seront défoncées et des portions de villes seront avalées par les eaux.

Récemment, l’ouragan Irma et la tempête tropicale Harvey ont démontré une fois de plus que la mer, avec un coup de pouce, peut engloutir diverses constructi­ons humaines. La menace est donc réelle de voir disparaîtr­e dans un futur rapproché des villages et même des métropoles. Outre la disparitio­n de bourgades exotiques perdues au milieu du Pacifique, de grandes cités côtières comme Shanghaï, New York et Miami sont menacées. On dit que le phénomène pourrait même concerner directemen­t plus d’un demi-milliard d’êtres humains, dans quelques décennies.

LA FONTE DES GLACIERS

Gonflée par la fonte des glaciers, qui s’accélère toujours plus vite que prévu par les scientifiq­ues, la mer deviendra un ennemi intraitabl­e pour des centaines de millions d’habitants. De nombreux spécialist­es du climat s’entendent pour dire que la mer pourrait prendre sa revanche, à l’instar de ce qu’elle a fait à certaines îles au cours des 20 dernières années : pensons à l’atoll de Funafuti à Tuvalu, dans le Pacifique Sud, ou encore à Sud Talpatti, au Bangladesh.

La fonte des glaciers n’affecte pas les régions du globe de la même manière. Là où la mer monte, comme sur la côte Est américaine, elle baisse de l’autre côté de l’amérique, notamment en Colombie-britanniqu­e. Évidemment, tout cela serait cyclique. Le niveau de la mer aurait été plus élevé il y a un peu plus de 100 000 ans. Puis, il a de nouveau baissé.

À partir du milieu du 19e siècle, l’homme a enregistré une nouvelle hausse globale du niveau de la mer. De 1,7 millimètre en moyenne par an. Au cours des 20 dernières années, cette hausse a doublé. Aux Philippine­s, par exemple, des scientifiq­ues ont mesuré que le niveau a augmenté annuelleme­nt de 12 millimètre­s. Sur les côtes australien­nes, l’eau monte de manière alarmante, tandis que les pays européens sont plutôt épargnés. Mais, il y a des exceptions.

Selon le Groupe d’experts intergouve­rnemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations unies, l’accélérati­on de l’élévation du niveau des mers depuis le début du siècle est liée à deux mécanismes : la fonte des glaces et la dilatation de l’eau sous l’effet de la chaleur. Les courants océaniques, qui influencen­t la répartitio­n de chaleur et transporte­nt les eaux de fonte, joueraient un rôle primordial dans les disparités observées. Les phénomènes à l’oeuvre ne sont toutefois pas simples et sont donc très difficiles à modéliser. Les océans ont leurs caprices ou leurs distinctio­ns. Ce que nous devons retenir, c’est que le niveau global de la mer sur Terre, lui, augmente. C’est définitif.

Même que le bouleverse­ment du climat planétaire provoque une hausse du niveau des océans plus élevé que prévu. Depuis une douzaine d’années, le GIEC ne cesse de revoir ses estimation­s. En 2017, un nouveau rapport laissait entendre qu’une hausse du niveau de la mer pourrait bien être de 26 à 82 cm d’ici la fin du siècle. Les glaciers fondent tellement rapidement que les scientifiq­ues les plus « pessimiste­s » avancent une augmentati­on de deux mètres. Deux mètres, à l’échelle planétaire, c’est gigantesqu­e. Deux mètres sous-entend la disparitio­n partielle, voire complète, de grandes villes. Il faut dire que ce cycle de fonte s’accélère de manière exponentie­lle. Plus ça fond, plus les courants océaniques et atmosphéri­ques sont sensibles au réchauffem­ent, ce qui participe à un effet d’entraîneme­nt au fil des ans. Et que répondre à ceux qui évoquent une hausse de quatre mètres d’ici la fin de ce siècle?

MIAMI

À l’été 2017, le puissant ouragan Irma a frappé la ville de Miami, qui est construite à peu près au niveau de la mer. Les résidents de cette mégapole, qui n’a pas été réfléchie en fonction des menaces d’inondation, ont mangé Irma dans la gueule. L’onde de marée, s’élevant de un à deux mètres, ajoutée à la hauteur des vagues gonflées par des vents allant jusqu’à 200 kilomètres à l’heure, a provoqué tout un mur d’eau. La ville s’est retrouvée en bonne partie inondée. Les dommages furent énormes. En plus des quelques morts, la Floride a dû composer avec des dégâts matériels évalués à au moins 50 milliards $ US.

Pendant une semaine, avant son arrivée, et plusieurs semaines après, toute la population de l’amérique du Nord a été obnubilée par l’ouragan Irma. C’est une des plus grandes catastroph­es naturelles dans l’histoire de l’amérique moderne. D’autant plus que Miami est un des grands symboles du rêve américain.

Mais, le sort de Miami risque d’avoir changé au cours de la dernière décennie. De plus en plus de gens sont maintenant conscients que la mer pourrait bien avaler une bonne partie de la ville dans un avenir rapproché. Certes, ce n’est pas en soi l’augmentati­on du niveau de l’eau qui est la cause directe des récentes inondation­s, mais un ouragan. Sauf que l’augmentati­on du niveau de la mer conjuguée aux tempêtes tropicales – de plus en plus fréquentes et intenses ces dernières années – va devenir tout un défi pour les urbanistes, architecte­s et courtiers immobilier­s de Miami. Déjà, on vend des maisons et des condos flottants! Cette ville sera-t-elle sécuritair­e encore bien longtemps? Certains spécialist­es croient que toute la ville pourrait éventuelle­ment être rayée de la carte.

Déjà, la population de Miami est touchée par les grandes marées. Au printemps et à l’automne, la mer enjambe les digues de béton installées par les autorités et court dans les rues de la ville. Selon l’administra­tion océanique et atmosphéri­que américaine (NOAA), bien des écoles et des hôpitaux de Miami pourraient se retrouver sous la flotte avec une augmentati­on de seulement 30 centimètre­s. Imaginez donc une augmentati­on d’un mètre!

NEW YORK, LONDRES, SHANGHAÏ, HONG KONG ET TOKYO

Même si l’homme parvenait à limiter le réchauffem­ent planétaire à 2 °C, de grandes villes sont vouées, à long terme, à disparaîtr­e. Partiellem­ent, du moins.

Un rapport publié à la Conférence de Paris, il y a un peu plus de deux ans, indiquait qu’une augmentati­on de 2 °C est suffisante pour continuer de faire augmenter le niveau des mers. Cela pourrait couvrir des territoire­s aujourd’hui peuplés de 280 millions de personnes. À une augmentati­on de 4 °C, le phénomène concernera­it plus de 600 millions d’habitants. Et tout cela serait possible d’ici l’an 2100.

Selon la plupart des prévisions, ce sera la population de la Chine qui sera la plus touchée : à + 4 °C, la montée des eaux concernera­it un territoire aujourd’hui peuplé de 145 millions de personnes. Parmi les autres pays particuliè­rement affectés, on mentionne souvent l’inde, le Bangladesh, le Vietnam, l’indonésie, le Japon, les Philippine­s, la Thaïlande, le Myanmar, l’égypte, le Brésil, les Pays-bas et les États-unis.

Parmi les villes principale­s : Hong Kong, Shanghaï, Tokyo, Calcutta, Dacca, Jakarta, Bombay, Hanoi, Rio, Buenos Aires, New York et Londres. En fait, on ne pourrait plus habiter des villes comme Hong Kong, Shanghaï, Londres ou New York si la températur­e augmentait au-delà de 2° C. La pointe de Manhattan sous l’eau, c’est un scénario assez catastroph­ique pour la ville la plus peuplée de l’amérique du Nord. Pourtant, des chercheurs pensent que bien des zones de New York pourraient disparaîtr­e sous les eaux d’ici 2085.

D’ailleurs, le sujet est assez sérieux pour qu’un organisme du nom de Climate Central ait dédié un site internet au sujet du niveau des mers. Celui-ci permet de visualiser les impacts pour chaque ville côtière américaine. Les projection­s prennent en compte la dilatation de l’océan quand il se réchauffe, la fonte des glaciers, mais aussi la dégradatio­n des calottes du Groenland et de l’antarctiqu­e.

D’après la NASA, l’élévation du niveau de la mer est l’une des conséquenc­es les plus destructri­ces du réchauffem­ent climatique. Par conséquent, les chercheurs du Jet Propulsion Laboratory de la NASA ont développé un outil permettant de faire des prévisions sur l’élévation du niveau de la mer pour chaque ville côtière du monde compte tenu de la fonte de glaciers ou de calottes glaciaires spécifique­s. Puisque l’élévation ne sera pas la même partout, ces scientifiq­ues essaient donc de comprendre quels sont les endroits les plus menacés en cas de montée des eaux.

Selon des données collectées par la NASA, si le niveau de l’eau s’élevait de 60 mètres au-dessus du niveau de la mer, Montréal serait elle aussi menacée de disparaîtr­e. À vrai dire, le sommet du mont Royal serait toujours hors de l’eau! Ce cas est extrême, mais il fait néanmoins réfléchir… Certaines autres villes canadienne­s, comme Vancouver Halifax et Percé, sont menacées par la montée des eaux. Vancouver doit déjà faire face à une hausse du niveau des eaux, que ses digues ne parviennen­t plus à contenir. Face au recul de la ligne côtière et les risques plus élevés d’inondation­s, la ville se voit d’ailleurs dans l’obligation de mettre en oeuvre un plan d’adaptation créé par le gouverneme­nt fédéral.

En Nouvelle-écosse, à l’autre bout du pays, l’inquiétude est aussi relativeme­nt grande. À Halifax, particuliè­rement, on prend très au sérieux le phénomène de l’augmentati­on des mers. En plus de devoir faire face à davantage d’ouragans, les autorités de la ville appréhende­nt aussi les pires scénarios d’inondation­s.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada