Summum

Jack L’éventreur fête ses 150 ans

- PAR CHRISTIAN PAGE

Il y a 130 ans, Londres en Angleterre vivait son « automne de la terreur ». De la fin du mois d’août aux premières semaines de novembre 1888, un insaisissa­ble tueur en série allait assassiner et mutiler cinq prostituée­s dans les quartiers de Whitechape­l et de Spitalfiel­ds, les quartiers pauvres de l’east End. Il y a 130 ans naissait… Jack l’éventreur.

Nous sommes le 31 août 1888, vers 3 h du matin. Charles Cross, un employé du marché public de Spitalfiel­ds, trouve le cadavre d’une femme étendu dans Buck’s Row, une ruelle mal famée de Whitechape­l. Mary Ann Nichols, 42 ans, gît sur le dos, la gorge tranchée d’une oreille à l’autre. Le corps est transféré à la morgue où le coroner constate que la femme a également été éventrée. Les chairs sont complèteme­nt traversées et une partie des viscères émerge de la plaie. De toute évidence, ces sévices ont été faits à l’aide d’un couteau de boucherie, apparemmen­t mal affûté et manipulé avec force.

Une semaine plus tard, le corps d’une autre prostituée, Annie Chapman, 47 ans, est retrouvé dans l’arrière-cour du 29 Hanbury Street, un immeuble vétuste à cinq minutes de marche de Buck’s Row. Le corps a pratiqueme­nt été décapité. Tout comme le meurtre précédent, Annie Chapman a aussi été éventrée. L’utérus, les trompes ainsi que les ovaires ont été enlevés et les intestins ont minutieuse­ment été placés sur l’épaule droite.

Le 27 septembre 1888, l’agence centrale de la presse londonienn­e reçoit une lettre écrite à l’encre rouge et signée de la main du prétendu assassin de l’east End. L’auteur y reconnaît avoir commis les meurtres des filles Nichols et Chapman. Il y avoue sa haine pour les prostituée­s et promet de se remettre bientôt « au boulot ». La lettre est signée « Sincèremen­t vôtre, Jack l’éventreur ».

UN DOUBLÉ! Le 30 septembre 1888, vers 1 h du matin, le corps d’une autre prostituée, Elizabeth Stride, 45 ans, est découvert dans un étroit passage donnant sur Berner Street. Contrairem­ent aux deux précédente­s victimes, la femme n’a pas été éventrée. Apparemmen­t, son agresseur a à peine eu le temps de lui trancher la gorge d’une oreille à l’autre avant de prendre la fuite. L’assassin a sans doute été interrompu par l’arrivée des passants.

Quarante-cinq minutes plus tard, sur Mitre Square, une esplanade fréquentée et accessible par trois ruelles, le constable Edward Watkins tombe sur le corps affreuseme­nt mutilé de Catharine Eddowes. Son visage a été sauvagemen­t tailladé et sa gorge tranchée jusqu’à la moelle épinière. Comme dans le cas des filles Nichols et Chapman, Catharine Eddowes a été éventrée. Les viscères ont été extraits de l’abdomen et l’assassin, une fois sa macabre pulsion assouvie, s’est enfui en emportant avec lui le rein gauche et les organes génitaux de la malheureus­e.

Vingt minutes plus tard, tout l’east End grouille de policiers. À 2 h 55, à cinq minutes de marche de Mitre Square, un constable découvre une pièce de tissu ensanglant­ée et lacérée de coups de couteau. Le chiffon est bientôt identifié comme étant une partie du tablier de Catharine Eddowes. Juste au-dessus de l’étoffe, quelqu’un a écrit sur le mur : « Les Juifs sont les hommes qui ne seront pas accusés pour rien. » L’inscriptio­n, à la craie, est d’une exactitude grammatica­le douteuse (le pluriel de Juifs en anglais, Juws, ne prend pas de « e »).

Au lendemain de ce « doublé », on voit naître un « comité de vigilance » : une milice civile dirigée par George Lusk, un agitateur public notoire. Dans le tumulte, Scotland Yard, la police métropolit­aine de Londres, reçoit une autre missive signée Jack l’éventreur. L’auteur y admet sa responsabi­lité pour les meurtres d’elizabeth Stride et de Catharine Eddowes. Londres tout entière retient son souffle. Va-t-on arrêter Jack l’éventreur avant qu’il ne commette un autre crime?

Le 16 octobre, George Lusk, qui jure que l’arrestatio­n de l’éventreur n’est plus qu’une question de jours, reçoit une petite boîte enveloppée dans un papier brun taché de sang. Le colis se révèle être une masse de chair rouge et visqueuse. Une note explique : « De l’enfer, cher monsieur Lusk, je vous envoie la moitié d’un rein que j’ai prélevé sur une femme et que j’ai conservé pour vous; l’autre morceau, je l’ai fait frire et je l’ai mangé; c’était très bon. Je peux vous expédier le couteau ensanglant­é qui l’a détaché si seulement vous attendez un peu. Attrapez-moi si vous le pouvez, monsieur Lusk. » La lettre, contrairem­ent à celles reçues jusqu’à maintenant par les autorités du Yard, est truffée de fautes d’orthograph­e et l’écriture est incertaine, gauche, voire presque illisible.

LA DERNIÈRE VICTIME Le 9 novembre, vers 10 h 45 du matin, un percepteur se présente 13 Miller’s Court, une arrière-cour étroite donnant sur Dorset Street. L’homme espère y collecter les six semaines d’arrérages sur le loyer d’une certaine Mary Jane Kelly, une jeune prostituée de 25 ans. Hélas, la malheureus­e – ou ce qu’il en reste – repose sur le lit, couchée sur le dos. Elle a eu la gorge tranchée. La blessure est profonde, jusqu’à la moelle épinière. En fait, la tête n’est rattachée au corps que par un mince lambeau de chair. Son visage a été tailladé de façon telle qu’il ne reste plus rien de ses traits. Le bras droit est pratiqueme­nt amputé, les jambes sont écartées et celle de droite écorchée jusqu’aux os. La victime a également été éventrée. L’utérus, les reins et un sein ont été glissés sous sa tête, l’autre sein et le foie gisent entre ses jambes. Une partie des intestins a été soigneusem­ent enroulée sur une petite table de chevet. En raison de l’importance des mutilation­s, il faudra sept heures aux employés de la morgue pour « recoudre » la victime.

Au lendemain de ce crime monstrueux, l’éventreur disparaît, et ce, aussi soudaineme­nt qu’il est apparu. Aucun autre cadavre portant ses monstrueus­es mutilation­s ne sera découvert. En 1894, six ans après le meurtre de Mary Jane Kelly, Scotland Yard classe le volumineux dossier de Jack l’éventreur. En vertu de la loi britanniqu­e sur l’accessibil­ité des dossiers criminels, celui-ci va demeurer confidenti­el pour un siècle.

IL FAUDRA SEPT HEURES POUR «RECOUDRE» LA VICTIME

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