Summum

Mike Beaudoin et son cas de rage au volant

- PAR MIKE BEAUDOIN PHOTOGRAPH­E : SARAH DAGENAIS

C’EST LÀ QUE QUELQUES PETITES GOUTTES DE PIPI ONT COULÉ SUR MA CUISSE

Quand t’es humoriste, tu passes beaucoup de temps dans ton auto. Pas parce qu’on est trop pauvre pour se payer un loyer, mais surtout parce qu’on fait beaucoup de route.

Je me suis rendu compte que beaucoup de personnes ne savent pas conduire ou se foutent complèteme­nt des autres. Moi, j’me considère comme un bon conducteur. Je suis courtois, j’ai jamais eu d’accident, je ne roule pas en malade, mais si tu m’as coupé ou si tu conduis en épais, je t’ai envoyé promené 37 fois et j’t’ai souhaité de mourir avant que t’aies eu le temps de revenir chez toi. Mais bon, chacun ses défauts. Y’en a qui conduisent comme des graines, moi j’ai aucune patience. Sauf qu’une fois, mon impatience est allée un peu trop loin.

Je revenais d’un spectacle à Québec et j’habite à Montréal. J’étais sur l’autoroute 20 tranquille dans la voie de droite, 115 km/h sur le « cruise control », c’était la nuit, j’étais relax. Je devais être à la hauteur de Drummondvi­lle et, tout d’un coup, dans mon miroir, je vois un VUS qui s’en vient comme une fusée.

Y’a personne dans la voie de gauche, il peut me dépasser. Moi, j’suis à droite, je roule déjà à une vitesse correcte, y’a pas grand-chose que je peux faire sauf attendre, mais calvaire qu’il s’approche vite.

Finalement, il est rendu derrière moi, genre quasiment dans ma valise. Y’a toujours personne à gauche, j’suis toujours sur le « cruise control », pis je commence à me demander c’est quoi son problème. Je baisse ma fenêtre et lui fais signe de me dépasser avec mon bras, mais il reste derrière et commence à « flasher » ses hautes. Je ne comprends pas trop, mais j’me dis que si j’me mets sur les feux de détresse et que je ralentis, il va juste me dépasser et continuer à conduire comme un retardé ailleurs que dans le cul de mon char. À ce moment-là de l’histoire, mon niveau de patience se gère, mais diminue rapidement.

Donc, je mets les feux de détresse, ralentis à 105 km/h, ressors mon bras et lui fais signe de me dépasser. Lui, il décide de me klaxonner pendant facilement 45 secondes. Je le sais parce qu’à la radio j’ai entendu la pub du Clan Panneton pis celle de Barbies resto-bar gril, j’ai eu le temps de chanter les deux tounes pis y’avait pas encore fini. C’est là que mon niveau de patience est devenu nul. J’ai « snappé », j’ai pas hésité pis je lui ai freiné dans face. Oui monsieur, tu veux faire le cave, j’suis pas pire moi aussi. Évidemment, je le vois dans mon rétroviseu­r; il « flashe » ses lumières, me klaxonne. Un moment donné, il s’est mis à ma hauteur, a baissé sa fenêtre et s’est mis à me crier des trucs. Je comprenais rien et je m’en foutais, alors j’ai pris la monnaie que j’avais pis j’ai commencé à la lancer sur son camion, un jeu super intelligen­t quand tu veux mourir un mardi à 2 h du matin.

Éventuelle­ment, on a arrêté nos simulation­s de Fast and Furious et il s’est replacé en arrière de moi et m’a suivi. On a commencé à Drummondvi­lle, je suis rendu à Sainte-julie et il me suit encore. Si t’es pas bon en géographie et en distance, ça veut dire qu’il ne me lâche pas depuis environ 50 minutes. On va lui donner, c’tun gars persévéran­t.

Moi, dans ma tête, j’suis rendu en mode « ça y est, j’vais me battre ». Donc, je décide que je vais prendre la prochaine sortie, et je commence à préparer ma chorégraph­ie dans ma tête : OK, je sors de l’auto et je m’approche de lui. S’il essaie d’ouvrir sa porte et que je suis déjà là, je « kicke » la portière en criant : « TU RESTES DANS TON CHAR. » Sinon, j’attends d’être face à lui et, quand il me « punche », je me penche, coup de poing dans les couilles, coup de genou dans le ventre, je lui sors une phrase du genre : « T’es pas tombé sur la bonne personne », pis je sacre mon camp en faisant crisser les pneus.

Dans ma tête, je suis Jean-claude Van Damme alors laisse-moi vivre dans le déni, OK? Je sors de l’autoroute, je me stationne dans l’accotement, je sors de mon auto avec la confiance gonflée à bloc; j’étais invincible, Éric Salvail au sommet de sa carrière.

Il se met derrière moi, il débarque de son auto et se déplie, il devait faire deux fois ma grandeur, j’me suis senti tout petit, plus vraiment de confiance, je devais avoir la même face qu’un chien quand tu le chicanes parce qu’il vient de manger ton divan de cuir.

Mais y’a une expression anglophone qui dit : « Fake it until you make it. » Ben, c’est ça que j’ai fait, j’ai « faké » d’avoir de la confiance pis des talents de batailleur pis j’ai continué à marcher vers lui en criant : « MAIS C’EST QUOI TON &?%ISS DE PROBLÈME? » Pis c’est là que le scénario de film que je m’étais fait dans ma tête s’est produit, sauf que c’est moi qui mangeais une volée. Il s’est approché et m’a poussé dans le chest avec ses deux pattes d’ours.

J’suis tombé sur le dos, dans l’accotement de la sortie du IKEA à Bouchervil­le. J’suis couché sur l’asphalte, zéro en contrôle, le gars revient vers moi, me prend par le collet, me relève en me disant : « TOI, C’EST QUOI TON PROBLÈME? » C’est là que quelques petites gouttes de pipi ont coulé sur ma cuisse; juste 2-3, capote pas, j’avais peur, mais pas pour toute une vessie.

J’essaie de lui expliquer et lui dire que c’est juste un malentendu, mais il ne m’écoute pas, il a la face rouge, il respire fort, y’a l’air d’être en train de « bencher » 800 livres, mais non, c’est juste sa face de monsieur pas content.

Un moment donné, il se calme, me fixe dans les yeux, sa face dérougit et il me demande : - C’est quoi ton nom? - Mike. - Mike quoi? - Beaudoin - Ben non, ben non, ben non…

Honnêtemen­t, j’espérais que ce soit pas le genre de ben non qui allait le pomper encore plus parce que j’avais déjà couché avec sa blonde ou quelque chose du genre. Il me prend par la tête, j’ai refait 2-3 gouttes et il me dit : « J’t’ai vu en show dans un comédie club à TV, calvaire j’ai ri… T’es un imbécile, mais maudit que t’es drôle, lâche pas. »

Il me donne une p’tite tape sur la joue, se retourne et s’en va à son auto. Juste avant de s’asseoir, il me crie : « Tu mettras ça dans ton show! » Et il est parti en faisant crisser ses pneus.

Ben c’est fait mon gars, c’est non seulement un numéro que je raconte en spectacle, mais t’as une chronique dans le SUMMUM juste pour toi. Et, depuis ce temps-là, j’suis jamais ressorti de mon char.

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