La magie signée Tim Burton
NOËL FRAPPE À NOS PORTES ET S’IMPOSE COMME LA NEIGE QUE TU DOIS DÉBLAYER SUR TON BOLIDE ENSEVELI. QUI DIT NOËL DIT LES BECS HUMIDES PROVENANT DE LA BOUCHE DE TA TANTE JOCELYNE, DONT LA MOUSTACHE TEINTÉE DE ROUGE SENT L’ATOCA FERMENTÉ, MAIS DIT AUSSI LA MAGIE DU CINÉMA DES FÊTES. CINÉ-CADEAU NOUS SERT D’INCONTOURNABLES CLASSIQUES CHAQUE ANNÉE QUI MEUBLENT MAINTENANT NOS SOUVENIRS D’ENFANCE. CET UNIVERS DOUILLET DANS LEQUEL ON SE BLOTTIT NOUS RÉCONFORTE ET MARQUE LES DEUX SEMAINES DE CONGÉ QUI NOUS PERMETTENT DE JOUER AU ROI DE LA GLISSE SANS QUE ÇA FINISSE DANS LE BUREAU DE MADAME DENISE, CETTE DIRECTRICE À LA PLANTUREUSE TÉTINE PLEINE D’AUTORITÉ QUI A TANT GÂCHÉ NOTRE PRIMAIRE.
Souvent excessivement accompagné de ouate et de paparmanes délavées, les films de Noël nous remplissent les yeux de paillettes. Cependant, tous n’ont pas le même regard sur cette période de l’année dans laquelle une deuxième carte de crédit devient un réflexe de survie. C’est le cas de Tim Burton, producteur, réalisateur, scénariste unique, qui colore les ambiances de sa palette nuancée de sombre. N’ajustez pas votre RGB, ce n’est pas lui le coupable. « Beaucoup de gens me demandent à quel moment je ferai, enfin, un film avec des personnes réelles. Mais qu’est-ce que la réalité ? », a-t-il déjà répondu à ce sujet, d’ailleurs.
Bercé d’une mélodieuse mélancolie dans The Nightmare Before Christmas, l’aseptisé esprit des Fêtes baigne dans le moribond et traîne dans l’insalubre. Squelettique gentleman, on retrouve en Jack le classique personnage tiraillé entre être ce que l’on attend de lui ou vivre selon ses profondes convictions malgré le malaise social que ça peut créer. Un peu comme quand André
Roy a mis un terme à sa carrière de hockeyeur afin de devenir le musicien professionnel que l’on connaît aujourd’hui.
Exposant des toiles filmiques parfois lugubres, parfois cafardeuses et souvent intrigantes, Burton déploie majestueusement des mondes fantasmagoriques et transgresse les frontières de l’imaginaire, nous couvrant de fantastique. « J’ai lu les poèmes d'edgar Allan Poe à l’école, mon premier poète, et pour moi, ce fut décisif. Ce qui m’a immédiatement plu, c’est que ses phrases n’avaient pas vraiment de sens d’un point de vue logique, mais pourtant, on comprenait tout ce qu’il voulait dire à travers les ambiances évoquées. »
Perso, j’ai découvert Tim Burton grâce à Batman, dans le temps où je sortais inévitablement des magasins de jouets en pleurs tiré par ma mère, car la figurine était toujours « back order ». J’ai ensuite confirmé mon orientation amou-
reuse avec Geena Davis dans Betelgeuse (pire traduction de titre de film de l’histoire). Je dis « confirmé », car j’avais déjà des soupçons après avoir vu Jessica Rabbit. Plus tard, j’ai appris le romantisme avec Edward Scissorhands, ce personnage incompris doté de sensibilité, de douceur, sans malice, ciselant la simplicité et la rendant admirablement merveilleuse. Ces trois films sortis en l’espace de trois ans – pratiquement impensable – ont donc façonné ce que je suis : un pleurnichard romantiquement hétéro qui s’émerveille quand le cheddar est en spécial à l’épicerie.
On ne peut parler de Tim Burton sans mentionner Johnny Depp. Tout comme Peter Stastny était l’homme de confiance de Michel Bergeron, Depp est devenu le poulain naturel de Burton, celui-ci lui confiant des missions importantes dans différentes phases de jeu. Plus de 20 ans de collaboration et neuf films ensemble à leur pedigree. Comme on dit, on
ne brise pas une équipe gagnante. « Ce qu'il possède en lui, c'est un don peu commun. Dire de lui que c'est un réalisateur ne suffit pas. Le titre exceptionnel de "génie" lui sied mieux », évoque Depp en parlant de Burton.
Il faut voir les films dans lesquels Burton est impliqué avant que l’apocalypse ne frappe. Ce soir, sors ta femme. Emmène-la au sous-sol dans ton « man cave » et demande aux enfants de faire la vaisselle. Emmitouflez-vous d’une confortable douillette, allumez les lumières du sapin et permettez-vous un rassurant maïs soufflé trop beurré accompagné d’un petit pain d’épice sympathique qui sèche sur le comptoir. Plongez dans Big Fish et vivez le périple. Intégrez à votre soirée Miss Peregrine's Home for Peculiar Children et dites aux vôtres qu’ils le sont aussi de faire la vaisselle. Creusez Alice in Wonderland et saisissez les deuxièmes degrés érigeant la dimension et la profondeur de l’oeuvre.
La réalité, c’est que les chefs-d’oeuvre signés Tim Burton sont si loin de la réalité que ça nous permet de créer notre propre monde imaginaire. Non, ce n’est pas la Grèce ou Les Maldives et c’est encore moins les voyages ben ordinaires et pourtant dits VIP signés par des téléréalités aux concepts douteux, mais microvoyager le temps d’un film dans la tête de cinéastes tels que Burton demeure une assurance de paysages marquants et d’ouverture d’horizons. « L'expressionnisme, c'est un voyage à l'intérieur de la tête de quelqu'un, une extériorisation d'un état intérieur. » C’est un peu ça, comprendre l’incompréhensible, n’est-ce pas?
« BEAUCOUP DE GENS ME DEMANDENT À QUEL MOMENT JE FERAI, ENFIN, UN FILM AVEC DES PERSONNES RÉELLES. MAIS QU’EST-CE QUE LA RÉALITÉ ? »