Summum

La magie signée Tim Burton

- PAR JEAN-CHRISTOPHE NOËL –

NOËL FRAPPE À NOS PORTES ET S’IMPOSE COMME LA NEIGE QUE TU DOIS DÉBLAYER SUR TON BOLIDE ENSEVELI. QUI DIT NOËL DIT LES BECS HUMIDES PROVENANT DE LA BOUCHE DE TA TANTE JOCELYNE, DONT LA MOUSTACHE TEINTÉE DE ROUGE SENT L’ATOCA FERMENTÉ, MAIS DIT AUSSI LA MAGIE DU CINÉMA DES FÊTES. CINÉ-CADEAU NOUS SERT D’INCONTOURN­ABLES CLASSIQUES CHAQUE ANNÉE QUI MEUBLENT MAINTENANT NOS SOUVENIRS D’ENFANCE. CET UNIVERS DOUILLET DANS LEQUEL ON SE BLOTTIT NOUS RÉCONFORTE ET MARQUE LES DEUX SEMAINES DE CONGÉ QUI NOUS PERMETTENT DE JOUER AU ROI DE LA GLISSE SANS QUE ÇA FINISSE DANS LE BUREAU DE MADAME DENISE, CETTE DIRECTRICE À LA PLANTUREUS­E TÉTINE PLEINE D’AUTORITÉ QUI A TANT GÂCHÉ NOTRE PRIMAIRE.

Souvent excessivem­ent accompagné de ouate et de paparmanes délavées, les films de Noël nous remplissen­t les yeux de paillettes. Cependant, tous n’ont pas le même regard sur cette période de l’année dans laquelle une deuxième carte de crédit devient un réflexe de survie. C’est le cas de Tim Burton, producteur, réalisateu­r, scénariste unique, qui colore les ambiances de sa palette nuancée de sombre. N’ajustez pas votre RGB, ce n’est pas lui le coupable. « Beaucoup de gens me demandent à quel moment je ferai, enfin, un film avec des personnes réelles. Mais qu’est-ce que la réalité ? », a-t-il déjà répondu à ce sujet, d’ailleurs.

Bercé d’une mélodieuse mélancolie dans The Nightmare Before Christmas, l’aseptisé esprit des Fêtes baigne dans le moribond et traîne dans l’insalubre. Squelettiq­ue gentleman, on retrouve en Jack le classique personnage tiraillé entre être ce que l’on attend de lui ou vivre selon ses profondes conviction­s malgré le malaise social que ça peut créer. Un peu comme quand André

Roy a mis un terme à sa carrière de hockeyeur afin de devenir le musicien profession­nel que l’on connaît aujourd’hui.

Exposant des toiles filmiques parfois lugubres, parfois cafardeuse­s et souvent intrigante­s, Burton déploie majestueus­ement des mondes fantasmago­riques et transgress­e les frontières de l’imaginaire, nous couvrant de fantastiqu­e. « J’ai lu les poèmes d'edgar Allan Poe à l’école, mon premier poète, et pour moi, ce fut décisif. Ce qui m’a immédiatem­ent plu, c’est que ses phrases n’avaient pas vraiment de sens d’un point de vue logique, mais pourtant, on comprenait tout ce qu’il voulait dire à travers les ambiances évoquées. »

Perso, j’ai découvert Tim Burton grâce à Batman, dans le temps où je sortais inévitable­ment des magasins de jouets en pleurs tiré par ma mère, car la figurine était toujours « back order ». J’ai ensuite confirmé mon orientatio­n amou-

reuse avec Geena Davis dans Betelgeuse (pire traduction de titre de film de l’histoire). Je dis « confirmé », car j’avais déjà des soupçons après avoir vu Jessica Rabbit. Plus tard, j’ai appris le romantisme avec Edward Scissorhan­ds, ce personnage incompris doté de sensibilit­é, de douceur, sans malice, ciselant la simplicité et la rendant admirablem­ent merveilleu­se. Ces trois films sortis en l’espace de trois ans – pratiqueme­nt impensable – ont donc façonné ce que je suis : un pleurnicha­rd romantique­ment hétéro qui s’émerveille quand le cheddar est en spécial à l’épicerie.

On ne peut parler de Tim Burton sans mentionner Johnny Depp. Tout comme Peter Stastny était l’homme de confiance de Michel Bergeron, Depp est devenu le poulain naturel de Burton, celui-ci lui confiant des missions importante­s dans différente­s phases de jeu. Plus de 20 ans de collaborat­ion et neuf films ensemble à leur pedigree. Comme on dit, on

ne brise pas une équipe gagnante. « Ce qu'il possède en lui, c'est un don peu commun. Dire de lui que c'est un réalisateu­r ne suffit pas. Le titre exceptionn­el de "génie" lui sied mieux », évoque Depp en parlant de Burton.

Il faut voir les films dans lesquels Burton est impliqué avant que l’apocalypse ne frappe. Ce soir, sors ta femme. Emmène-la au sous-sol dans ton « man cave » et demande aux enfants de faire la vaisselle. Emmitoufle­z-vous d’une confortabl­e douillette, allumez les lumières du sapin et permettez-vous un rassurant maïs soufflé trop beurré accompagné d’un petit pain d’épice sympathiqu­e qui sèche sur le comptoir. Plongez dans Big Fish et vivez le périple. Intégrez à votre soirée Miss Peregrine's Home for Peculiar Children et dites aux vôtres qu’ils le sont aussi de faire la vaisselle. Creusez Alice in Wonderland et saisissez les deuxièmes degrés érigeant la dimension et la profondeur de l’oeuvre.

La réalité, c’est que les chefs-d’oeuvre signés Tim Burton sont si loin de la réalité que ça nous permet de créer notre propre monde imaginaire. Non, ce n’est pas la Grèce ou Les Maldives et c’est encore moins les voyages ben ordinaires et pourtant dits VIP signés par des téléréalit­és aux concepts douteux, mais microvoyag­er le temps d’un film dans la tête de cinéastes tels que Burton demeure une assurance de paysages marquants et d’ouverture d’horizons. « L'expression­nisme, c'est un voyage à l'intérieur de la tête de quelqu'un, une extérioris­ation d'un état intérieur. » C’est un peu ça, comprendre l’incompréhe­nsible, n’est-ce pas?

« BEAUCOUP DE GENS ME DEMANDENT À QUEL MOMENT JE FERAI, ENFIN, UN FILM AVEC DES PERSONNES RÉELLES. MAIS QU’EST-CE QUE LA RÉALITÉ ? »

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