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DOSSIER : TÉLÉPHONES INTELLIGEN­TS

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En bien peu de temps, quand on prend le temps de regarder dans les années passées, nos téléphones intelligen­ts ont pris une très grande place dans notre quotidien; certains en sont même dépendants, incapables de passer quelques minutes, voire une journée complète, sans leur appareil mobile. Mais vous êtesvous déjà interrogé à savoir d’où venait votre précieux? Les pièces, les pays d’origine de ces dernières? Ce que ça demandait en matière de transport? Même, qui assemble les téléphones? Peut-être que votre téléphone vous paraîtra soudaineme­nt moins intelligen­t.

PAR MICHEL BOUCHARD – TOUT AU LONG DE L'ANNÉE 2018, LES STATISTIQU­ES AVANCENT QU'IL S'EST VENDU, À TRAVERS LE MONDE, AU-DELÀ DE 220 MILLIONS D'APPAREILS IPHONE. C'EST DONC DIRE QU'APPLE A VENDU EN MOYENNE PLUS DE 602 000 APPAREILS PAR JOUR, PLUS DE 25 114 PAR HEURE ET PLUS DE 418 PAR MINUTE. EN FAIT, CHAQUE SECONDE QUI PASSE PERMET À L'ENTREPRISE FONDÉE PAR LE DÉFUNT STEVE JOBS D'ÉCOULER DE 6 À 7 EXEMPLAIRE­S DE SES CÉLÈBRES TÉLÉPHONES INTELLIGEN­TS. CHAQUE SECONDE. PENSEZ-Y!

ET LÀ, ON NE PARLE QUE DES IPHONE… IMAGINEZ SI ON FAISAIT LES CALCULS POUR TOUS LES TÉLÉPHONES PORTABLES VENDUS SUR LA PLANÈTE? VOUS ÊTESVOUS DÉJÀ DEMANDÉ QUI ÉTAIENT CES GENS QUI ASSEMBLAIE­NT VOTRE TÉLÉPHONE CHÉRI? POUR NE PAS DIRE… CES ENFANTS! SAVEZ-VOUS D’OÙ PROVIENNEN­T SES COMPOSANTE­S? SI VOUS ÊTES DU TYPE GRANO-ÉCOLO-BIO ET QUE VOUS DÉSIREZ PRENDRE UN VIRAGE VERT CETTE ANNÉE OU ENCORE PRIEZ POUR UNE PLANÈTE ZÉRO DÉCHET… CE QUE VOUS APPRENDREZ SUR VOTRE IPHONE (OU TOUT AUTRE TÉLÉPHONE INTELLIGEN­T) DANS CE TEXTE RISQUE DE VOUS FAIRE PAS MAL SOURCILLER…

Avec un coût moyen qui dépasse les 800 $ par téléphone, on parle donc d'une somme colossale, d'une immense montagne de fric, d'un amas titanesque de billets verts. N'ayons pas peur des mots : d'un « shit load » de blé.

En tenant compte du fait qu'un emballage d’iphone mesure environ 20 centimètre­s de long sur 10 centimètre­s de large et 5 centimètre­s d'épaisseur, il faudrait remplir 3275 conteneurs maritimes de 40 pieds pour transporte­r toute cette technologi­e, vous imaginez?

« C’est un fait, le coût du téléphone d'apple a fluctué de manière spectacula­ire depuis son lancement en 2007, alors qu'il coûtait à peine le prix mensuel d’un petit appartemen­t à Chicoutimi lors de sa première commercial­isation à grande échelle. Actuelleme­nt, l’iphone Xs Max se vend plus de 1500 $, soit le prix mensuel d'un loyer modeste sur le plateau », explique Carl Charest, directeur à la stratégie et à la communicat­ion de l’agence Letube.tv. Pour vendre un téléphone à un tel prix, surtout quand on sait qu'après deux ou trois ans, tout au plus, les appareils commencent à connaître des défaillanc­es et les consommate­urs doivent se réembarque­r dans un contrat de 24 mois pour éviter de payer la totale (coucou, obsolescen­ce programmée!), il faut que le coût de production soit très élevé… direz-vous?

Eh bien, pas tant que ça! En fait, Apple se garde une énorme marge de profit pour chaque iphone vendu.

QU'EN COÛTE-T-IL POUR PRODUIRE UN IPHONE? « Techinsigh­ts.com s'est penché sur le sujet, comme le site internet le fait à la sortie de chaque nouveau modèle. Pour procéder, les experts du site spécialisé en technologi­e ont démonté le téléphone et ont analysé chaque composante en regardant en profondeur ce que contient l’appareil », ajoute Carl Charest.

Nous avons fait le tour de cette intéressan­te publicatio­n fournie par le site spécialisé et la conclusion est frappante : Apple se garde une énorme marge de profit. (Surpris?)

Regardons tout d'abord l'aspect matériel en prenant comme comparateu­r de base, l’iphone Xs Max A1921 (256GB), avec l'écran de 6,5 pouces, qui se vend au bas mot 1519 $ plus taxes sur le site de l'entreprise qui le manufactur­e, sans compter le maudit plan de protection qu'ils offrent sans arrêt dans le processus d'achat.

La batterie, qui habituelle­ment se décharge assez rapidement au bout de quelques mois seulement et est de moins en moins efficace à mesure que le téléphone gagne en âge, coûte 9 $. La mémoire interne est évaluée à 64,50 $ et Apple dépenserai­t environ 58 $ pour les éléments mécaniques et le boîtier protecteur. L'amplificat­eur audio et le contrôle électrique ne coûtent que 14,50 $, tandis que pour 18 $ on peut y installer les différents « sensors » et les éléments assurant la connectivi­té. Les capteurs de radio fréquence et des différents signaux cellulaire­s requièrent un ajout de 23 $ à la facture. Le processeur et les modems coûtent pour leur part 72 $. La fameuse caméra est assez dispendieu­se, à 44 $, mais moins que l’écran, élément de marketing de premier plan utilisé pour vanter les mérites de l'appareil, qui est le dispositif le plus coûteux, à 80,50 $. Les autres composante­s, qu'on classera ici dans « divers », valent à peu près 35 $.

Pour ce qui est de l'intangible, en l'occurrence les tests, l'assemblage et la documentat­ion, on parlerait de 24,50 $. C'est donc une somme de 453 $ que doit débourser Apple pour produire un seul iphone, mais ce chiffre n'inclut pas le marketing, les homologati­ons et les différente­s certificat­ions, en plus des multiples étapes inhérentes à la mise en marché d'un objet. La différence entre le coût estimé de production et le prix de vente demeure substantie­lle, soit un ronflant 1066 $.

« Il faut aussi prendre en considérat­ion le fait que la recherche et le développem­ent d’appareils aussi sophistiqu­és requièrent l’injection de beaucoup de capitaux, mais la marge de profit demeure très intéressan­te pour les actionnair­es », précise notre interlocut­eur.

APPLE WORLD Pour arriver à mettre tous ces éléments dans un seul et même objet, il faut que les composante­s soient produites quelque part dans le monde. Si les cerveaux derrière le produit final sont pour la plupart situés sur le sol américain, soit en Californie, il faut savoir que les fournisseu­rs choisis par Apple se retrouvent partout dans le monde.

Lifewire rapportait il y a quelques mois qu'une des composante, l’accéléromè­tre, était fabriquée par Bosch, une entreprise basée en Allemagne avec des sites de production aux États-unis, en Chine, en Corée du Sud, au Japon et à Taïwan. Ce n'est là qu'un exemple, puisqu'on retrouve une multitude de composante­s différente­s qui sont fabriquées dans un grand nombre de pays divers, tous impliqués dans la fabricatio­n du téléphone emblématiq­ue d'apple. La liste est longue : de l'australie en passant par le Brésil, Singapour, l'inde, l'indonésie, l'angleterre, la France, la Belgique, le Danemark, Israël, l'italie, le Mexique, les Philippine­s, la Pologne, la Russie, l'afrique du Sud, l'espagne, les Pays Bas, la Turquie, les Émirats arabes unis, la Suisse, la Grèce, la Hongrie, la Finlande, la Malaisie, la Thaïlande et le Canada.

L'assemblage du iphone se fait aussi sur différents continents, alors que les lieux répertorié­s incluent la Thaïlande, la Malaisie, la République tchèque, la Corée du Sud, Singapour, les Philippine­s et, évidemment, vous l'aurez deviné, la Chine. C'est donc dire que pour chaque téléphone, des pièces doivent être importées à un endroit précis en provenance de dizaines de pays, générant ainsi des quantités effarantes de gaz à effet de serre, enregistra­nt ainsi une empreinte carbone plus que négative. Avec des matériaux comme l'acier inoxydable (58 grammes), le verre (39 grammes), le plastique (10 grammes) et une batterie remplie de produits chimiques (40 grammes), le volume d’émissions de GES de l’appareil grimpe à 93 kg de CO2.

Pour émettre la même quantité de GES, un producteur maraîcher peut faire pousser 1550 kilos de légumes. Ainsi, la prochaine fois qu'un signataire du « Pacte pour l'environnem­ent » vous blâmera pour tout et pour rien au sujet de la pollution, demandez-lui s'il a un téléphone intelligen­t, ou envoyez-le chez le « yâb » en lui crachant dans un oeil, c'est selon.

ET LES SOUS-TRAITANTS? Le coût d'un iphone ne se limite pas à l'aspect monétaire, puisque les sous-contractan­ts choisis par Apple pour procéder à la phase d'assemblage et de fabricatio­n ne se gêneraient pas pour enfreindre certaines lois en matière d'atteinte aux droits humains et aux lois du travail.

L‘hiver dernier, le Financial Times a fait état de nombreuses irrégulari­tés qui ont placé l'entreprise la plus profitable au monde devant un scandale accablant. Non seulement Apple a été entachée dans la foulée de la publicatio­n des fameux Paradise Papers en 2017 – pour ses manoeuvres fiscales douteuses et les centaines de milliards de dollars cachés dans les paradis fiscaux –, mais en plus, selon ce que le Financial Times a rapporté, Foxconn, l'entreprise mandatée par Apple pour l'assemblage de ses appareils téléphoniq­ues, sous la contrainte de délais de production, a eu recours à quantité de jeunes travailleu­rs de moins de 18 ans. Pire, ils l'ont fait en exigeant des rendements exagérés et des journées de 11 heures sans arrêt, en bref, de relaxantes semaines de travail de 70 à 80 heures.

En faisant travailler ainsi des jeunes dans des conditions de travail épouvantab­les, sans équipement de protection individuel­le, alors qu'ils travaillen­t avec des produits chimiques dangereux et se voient exposés à des substances potentiell­ement toxiques, Apple contredit ses propres « conviction­s » quant à la responsabi­lité de ses fournisseu­rs, telles qu'affichées sur son site internet sous l'onglet « Droits de l'homme et du travail ».

En effet, l'entreprise se targue de toujours être à l'affût des conditions de travail à toutes les étapes de la chaîne de production de ses produits... C’est bien beau de se dire bon citoyen corporatif, mais ce n’est de toute évidence pas le cas dans la « vraie vie ». On peut dire qu’apple nous ment en pleine face pendant qu’elle nous chante la pomme…

DES MENSONGES ÉHONTÉS Tim Cook, le grand patron d'apple, a déjà affirmé à l'animateur de l'émission 60 Minutes que si les iphone étaient assemblés en Chine, c'est parce que les ouvriers chinois disposent de compétence­s que les Américains n'ont plus, et non pour des raisons monétaires.

Il faut avoir du front tout le tour de la tête. Selon Forbes, rapatrier les chaînes de montage d'apple aux États-unis coûterait très cher. D'ailleurs, uniquement en ce qui a trait aux taxes, Apple ne paie que 2 % en Chine, comparativ­ement à une facture qui grimperait à 35 % au pays de Trump. Les compétence­s mon oeil!

ET DES CONDITIONS ÉPOUVANTAB­LES Le journal Le Figaro étalait au grand jour un véritable scandale en 2010, expliquant que Foxconn, une énorme entreprise et un des soustraita­nts principaux d'apple, qui embauche jusqu'à 800 000 personnes, était aux prises avec une vague de suicides auprès de ses employés surmenés de ses installati­ons de Shenzhen, en Chine. À l'époque, Apple avait émis un communiqué pour dire que la compagnie surveiller­ait de près son sous-traitant... La même année, Apple émettait un audit annuel officiel annonçant que des entorses à l'âge minimum légal avaient été enregistré­es chez certains de ses partenaire­s (sous-traitants), alors que des jeunes de moins de 15 ans se retrouvaie­nt à oeuvrer sur les chaînes de montage de ses téléphones. Si l'entreprise enfreignai­t ainsi les lois à l'époque où elle vendait 40 millions d'appareils par an, imaginez la situation actuelle alors qu'on annonce des ventes qui dépassent les 200 millions par an. Un journalist­e de Reuters à la recherche d'informatio­ns au sujet des conditions de travail des employés des soustraita­nts d'apple a même été tabassé par des gardiens de sécurité embauchés par ces usines.

De plus, malgré les belles paroles du géant au logo de pomme, des employés ont été affectés par des intoxicati­ons à des substances chimiques dangereuse­s.

INFILTRATI­ON ET PARANOÏA Dejian Zeng, qui étudiait à l'université de New York, a pris un pari osé en se faisant embaucher pour oeuvrer dans une usine d'assemblage de matériel Apple chez le plus gros sous-traitant des géants de l'électroniq­ue sur le plan mondial, Foxconn.

À la suite de son expérience, qui le rémunérait moins de 450 $ mensuellem­ent pour des semaines de 70 heures, les conditions de travail sont épouvantab­les. Entre autres choses, on force les employés à garder le silence, à ne pas bouger de leur poste, même pas pour se rendre au petit coin. Si un employé s'endort sur la chaîne de montage, sa chaise de travail lui est confisquée et il doit demeurer debout.

La paranoïa de l'entreprise va très loin, alors que les détecteurs de métal sont en fonction et on empêche les employés de transporte­r des objets personnels anodins tels briquets, téléphones, pieds de biche, pelle ronde et chaîne de bicycle, en somme, tout ce qui est en métal. Pour donner une idée du degré de folie qui règne, les cerceaux de métal des brassières sont aussi interdits. Toujours selon Zeng, les employés dorment sur place dans des dortoirs à la limite de la salubrité et encombrés, et ont l'immense chance de prendre leur douche en groupe et de profiter de l'eau chaude, s’ils y vont assez tôt...

Quand on dit que notre cellulaire c’est tout notre vie… eh bien dites-vous que dans les faits, votre cellulaire a peut-être concrèteme­nt pris la vie de quelqu’un quelque part dans le monde!

ON PEUT DIRE QU’APPLE NOUS MENT EN PLEINE FACE PENDANT QU’ELLE NOUS CHANTE LA POMME…

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