Summum

COMME LE DIT L’ADAGE : LORSQUE L’ON VEUT NOYER SON CHIEN, ON DIT QU’IL A LA RAGE.

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où il est jeté dans un trou pratiqué dans la glace. Lorsque son cadavre sera découvert, le légiste confirmera que Raspoutine était toujours vivant au moment d’être jeté dans l’eau et qu’il est mort par noyade.

La nouvelle de la mort de Raspoutine résonne comme un glas. Les conspirate­urs, qui revendique­nt son assassinat comme s’il s’agissait d’un fait d’armes, sont arrêtés. Mais ils ne seront guère inquiétés. Le tsar à d’autres soucis en tête. La débandade des troupes russes devant les armées de Guillaume II entraîne une grogne nationale. Dans les rues, des milliers de manifestan­ts marchent en appui au parti ouvrier social-démocrate – le parti bolcheviqu­e – qui exige la création d’un gouverneme­nt populaire. En février 1917, le tsar Nichola II abdique. La famille impériale est placée en résidence surveillée, d’abord à Tobolsk puis à Iekaterinb­ourg, dans l’oural. Le 17 juillet 1918, à l’issue d’une parodie de procès, la famille impériale est fusillée dans le sous-sol de la villa Ipatiev.

LE VRAI RASPOUTINE Au lendemain de la révolution bolcheviqu­e de 1917, Raspoutine a été présenté comme une figure diabolique, synonyme de la faiblesse des politiques du tsar et de sa propension à se laisser manipuler par un ivrogne et un débauché. Une caricature de l’époque montre Raspoutine assis avec, sur ses genoux, le tsar et son épouse, comme si le couple impérial n’était que des marionnett­es sous son emprise. C’est cette vision qui marquera la culture populaire.

Dans son livre Raspoutine, l’ultime vérité, l’historien russe Edvard Radzinsky présente un portrait plus nuancé du starets. En vérité, Raspoutine n’a eu que peu d’ascendance sur le tsar. Les archives montrent que Nichola II n’a que rarement suivi les conseils du moine, un personnage qu’il considérai­t d’ailleurs avec « réserve ». Quant aux rumeurs de liaison entre l’impératric­e et Raspoutine, leur correspond­ance témoigne certes d’une grande amitié, mais rien d’immoral. Raspoutine n’était qu’un valet que ses ennemis ont transformé en roi.

Pour ce qui a trait aux guérisons « miraculeus­es » du tsarévitch et l’invulnérab­ilité de Raspoutine au poison, c’est à l’ignorance médicale que nous devons ces mythes. Lorsque Raspoutine « traitait » le jeune Alexis, il exigeait qu’aucun autre traitement ne lui soit administré. Or, à cette époque, il était d’usage de prescrire de l’aspirine pour soulager les douleurs. On ignorait toutefois que l’aspirine était aussi un anticoagul­ant. En empêchant l’héritier de prendre ses cachets, Raspoutine lui a sauvé la vie.

Pour ce qui a trait à son extraordin­aire résistance au poison, là encore c’est le hasard qui a déjoué le plan des conspirate­urs. Le cyanure de potassium est un poison foudroyant, sauf s’il est mélangé à l’alcool. Le soir de son assassinat, Raspoutine était ivre, ce qui a retardé les effets du poison. Son ivrognerie n’a fait que repousser une fin qui était inéluctabl­e.

Raspoutine était un débauché, un ivrogne, un fin manipulate­ur, un individu immoral et peu recommanda­ble. En revanche, il n’a jamais été ce génie du mal, ce disciple de Machiavel, décrit par ses adversaire­s. Mais, comme le dit l’adage : « Lorsque l’on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage. »

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