Mars et ça repart
C’ÉTAIT « UN PETIT PAS POUR L’HOMME, UN GRAND POUR L’HUMANITÉ », NOUS AVAIT DIT NEIL ARMSTRONG À L’ÉPOQUE, LORSQUE SON PIED HUMAIN A FOULÉ LA LUNE POUR LA TOUTE PREMIÈRE FOIS DE NOTRE HISTOIRE. MALHEUREUSEMENT, LORS DE NOTRE DERNIÈRE VISITE SUR LA SPHÈRE AUX BÉANTS CRATÈRES EN 2021, L’HOMME L’A SOUILLÉE DE SON EMPREINTE QUI TACHE À TOUT COUP. LA GUERRE BACTÉRIOLOGIQUE QUE SE SONT LIVRÉE SUR CELLE-CI LA CHINE, LA RUSSIE ET LES ÉTATS-UNIS PENDANT PLUS D’UNE DÉCENNIE L’ONT RENDU INHABITABLE. MARS EST DONC DEVENU LA NOUVELLE DESTINATION DE PRÉDILECTION À COLONISER ET, MOI, MEMBRE DE L’ESCADRON DE LA NOUVELLE TERRE, JE METTRAI À EXÉCUTION LA MISSION POUR LAQUELLE ON ME FORME DEPUIS UN LONG MOMENT DÉJÀ. MARS DEVIENDRA UNE COLONIE TERRIENNE OÙ NOS DESCENDANTS VIVRONT HARMONIEUSEMENT. JUILLET 2033 La microcellule que nous sommes, secrètement entraînée par Julie Payette et Chris Hadfield, est fin prête à mettre à exécution ce pourquoi elle fut formée. Bibor le Russe, Melvin l’américain, Rafaella la Nicaraguayenne et moi, Ariane la Québécoise seront propulsés en orbite à bord d’apollo 26 dans le but de quitter la planète que nous empruntons et détruisons présentement afin d’être les premiers hommes à coloniser Mars et redémarrer la civilisation humaine from scratch en ne commettant pas la barbarie caractérisant notre race.
AOÛT 2033 C’est de nuit que nous opérons. À l’aide des cartes d’accès de nos maîtres formateurs, nous accédons au spatioport et nous nous introduisons dans la navette. Nous avons très peu de temps avant que n’intervienne la sécurité de la base de lancement, sécurité dont nous étudions finement les réflexes et mouvements depuis des lunes. Le compte à rebours est amorcé, nous décollons, lift off ! Dans environ 200 jours, nous atteindrons notre resort au sein duquel la boisson n’est pas tout incluse et nous embrasserons la cause pour laquelle nous donnons notre vie.
MARS 2034 Nous approchons de Mars. Nous entrevoyons le rouge orangé de l’astre. La fébrilité s’empare de nous, pionniers qui marqueront positivement l’histoire de l’humanité. SEPTEMBRE 2034 Nous sommes prêts à explorer cette surface inconnue et à nous y installer afin de démarrer notre société immaculée. Nous embarquons dans le petit tout-terrain qui accompagne la navette et nous amorçons l’expédition. Après deux heures de trajet, nous sommes sur le point d’atteindre notre terre promise. Alors que nous contournons un grand cratère, un violent choc sismique secoue notre bolide et, surgissant de l’abîme tel le mal des entrailles de la boîte de Pandore, un arachnide surdimensionné se propulse vers nous, nous faisant basculer du véhicule. Ralentis par l’apesanteur, nous tentons tant bien que mal de fuir. Avant même qu’il ne comprenne ce qui se passe, Bibor est sous l’agile arachnide qui le transperce et le lacère de ses pattes d’en avant. Ayant vidé et broyé le Russe en l’espace d’un instant, la gigantesque bestiole se lance frénétiquement vers moi. Ça y est, mon heure est venue. Un son strident retentit alors comme une sorte de sifflet à ultrason audible et la gigantesque créature paralyse sur place dans un spasme évoquant la douleur. Celle-ci rebrousse chemin se terrant de l’enfer d’où elle est venue. J’ouvre mes yeux qui ne croient pas ce qu’ils viennent de voir, et comme si le choc n’était pas suffisant, je constate que le sifflement de notre rédemption provenait d’une sorte d’instrument… que tient une horde d’humains attroupés autour de nous. OCTOBRE 2034 Après avoir sauvé nos vies, ces humains de Mars - pour ne pas dire ces « humartiens » - nous ont rapatriés au sein de leur cohorte. Très avancés scientifiquement et technologiquement, ceux-ci nous ont mis en quarantaine quelques jours, nous faisant passer des batteries de tests afin de s’assurer que nous n’étions porteurs de rien pouvant menacer leur espèce. Je dis « leur espèce », car bien qu’ils aient un aspect humain, ils sont biologiquement et génétiquement plus développés que nous. Ils n’ont pas besoin de combinaison spatiale leur fournissant de l’oxygène et évacuant le CO2. Ils défient également les lois de la gravité et la contrôlent. Leurs déplacements sont tout aussi naturels et fluides que si je marchais sur la croûte terrestre. Ces humanoïdes sont issus d’une expérience menée par la NASA. Ils sont une super race modifiée ayant le mandat de se développer sur Mars afin d’assurer la survie humaine quand celle-ci aura détruit toutes les ressources, rendant ainsi la Terre non viable dès janvier 2039, selon leurs analyses. Autre mandat plus sombre, cette race a également le rôle de faire exploser à ce moment la Terre et tous ses habitants pour éviter que ceux-ci contaminent le reste de la galaxie.
SEPTEMBRE 2034 De peine et de misère, nous réintégrons notre navette dans le but de retourner vers notre planète mère sans quoi nous serions livrés aux affreuses créatures nous ayant accueilli et dont la carcasse de Bibor ne garde pas de doux souvenirs. Être condamnés maintenant ou en 2039, le choix est facile pour nous. Nous quittons Mars, terre d’asile dont le visage caché est la gestation de la fin de l’humanité telle que nous la connaissons.
DÉCEMBRE 2038 Isolée dans le bunker que j’ai mis quatre ans à développer, je n’ai plus de contact avec la surface, mais je connais le triste sort de mes deux comparses. Pour avoir relayé massivement à notre retour que la fin du monde arriverait de Mars en 2039, Melvin fut interné dans un hôpital psychiatrique. Croulant sous la pression, Rafaella sombra dans tout ce qui se consomme afin d’oublier. Elle fut retrouvée en décrépitude, épinglée de trois seringues dans les veines et l’hémoglobine totalement contaminée et intoxiquée. Quant à moi, j’attends, prête et pleine d’espoir, cette frappe dévastatrice qui sonnera notre glas collectif, ce renouveau, LA purge purificatrice. Cette finalité que nous avons engendrée en ne respectant pas les lois fondamentales de la vie, en jouant à Dieu face à cette grandeur qui nous dépasse de beaucoup.