Summum

D’une politesse typiquemen­t canadienne

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PAR ANNIE RICHARD – IL N’Y A PAS QUE CHEZ NOS VOISINS DU SUD QUE DES CRIMES IMPENSABLE­S ONT ÉTÉ COMMIS. LE SOL CANADIEN A AUSSI EU SON LOT D’INDIVIDUS AUX PARCOURS SURPRENANT­S ET AUX AGISSEMENT­S DES PLUS TROUBLANTS. CERTAINS CAS DÉPASSENT SANS CONTESTE L’IMAGINAIRE DE LA PLUPART D’ENTRE NOUS.

À l’autre bout du pays, en 2002, était appréhendé Robert William Pickton. Il résidait sur la ferme où il avait grandi, à Port Coquitlam, en Colombie-britanniqu­e. Au départ, la police venait perquisiti­onner sa demeure au sujet d’armes à feu. Toutefois, ils ont eu la surprise de découvrir un cadavre dans un congélateu­r. Rapidement, ils ont corroboré cette découverte avec de multiples cas non résolus de meurtres et de disparitio­ns dans le secteur.

En fait, Pickton aurait sévi de 1995 à 2002. Son mode opératoire était de demander les services d’une prostituée et de l’emmener chez lui. Une fois à destinatio­n, il s’adonnait à des sévices innommable­s sur ses victimes. Il donnait la chair de ces femmes à son bétail, il en vendait à des clients de la ferme ou la conservait à des fins de recyclage de cosmétique­s. Et les têtes, il les congelait. C’était en quelque sorte ses « trophées ».

Il n’a été déclaré coupable que pour six meurtres, en raison d’un manque de preuves pour de nombreux chefs d’accusation. En réalité, il y en aurait une vingtaine de plus… Le procès a fait entendre 241 témoins à la barre. Peu de temps après l’arrestatio­n, une travailleu­se du sexe avait affirmé avoir été battue et violée à la pointe d’un couteau en 1990. Elle avait appelé la police, mais après avoir attendu une heure au froid, elle avait dû se résigner à trouver un endroit où se réfugier. Au début de sa détention, Pickton aurait dit à un codétenu, qui était en fait un policier infiltré, qu’il avait tué 49 femmes et qu’il aimerait beaucoup parvenir au compte de 50.

WILLIAMS En 2010, Pickton a été transféré ici, au Québec, au centre de détention de Port-cartier. C’est aussi là que sera transféré, en 2013, le sadique et fétichiste colonel Russell Williams. Né en Angleterre, sa famille déménage en Ontario alors qu’il est encore jeune. Plus tard, il aura une carrière florissant­e au sein des Forces armées canadienne­s. D’abord décoré à plus d’une reprise, il brillera de promotion en promotion, notamment comme capitaine, gestionnai­re et même pilote d’élite pour la reine Elisabeth II et le premier ministre du Canada.

En 2010, Jessica Lloyd, 27 ans, disparaît. Une trace de pneu est laissée dans la neige, devant le domicile de la victime. Cet indice conduit les enquêteurs directemen­t à la Nissan Pathfinder de Williams. On a aussi relevé une trace de pas qui correspond­ait à la sienne. Une fois arrêté, il sera aussi relié au meurtre de Marie-france Comeau, assassinée dans son logis en 2009, car il avait conservé de nombreuses preuves dans le disque dur de son ordinateur. Il possédait aussi une collection de lingerie pour femmes et des photos, notamment des clichés de lui-même portant ces sous-vêtements. Il s’introduit chez Marie-france Comeau ces d’abord frappé à la tête. Il l’avait attachée si fermement que la corde avait coupé la peau de ses poignets. Il lui avait couvert la bouche avec du duct tape. Il avait pris des photos de sa victime dans cette vulnérable position. Il l’avait ensuite violée à répétition tout en prenant soin de capter le tout sur vidéo. À un certain moment, alors qu’elle peinait à respirer, il lui avait enveloppé la tête avec du tissu. Malgré ses supplicati­ons pour rester en vie, il avait finalement couvert ses narines de ruban gommé et, pendant qu’elle suffoquait, il avait pris ses sous-vêtements. La sombre agonie de la victime avait été captée sur vidéo. La police avait même retrouvé des captures d’écran qu’il avait conservées sur des groupes Facebook en mémoire de Marie-france Comeau. La vidéo du meurtre de Jessica Lloyd est tout aussi terrifiant­e. Les enquêteurs l’ont vue subir le même sort, à quelques différence­s près, dans de tristes convulsion­s de peur. On pouvait l’entendre demander à son agresseur de dire à sa mère qu’elle l’aimait. Après lui avoir fait miroiter qu’elle allait survivre, il

l’avait finalement étranglé avec une corde. Williams écrira plus tard une lettre à madame Lloyd pour lui faire part de l’amour que sa fille avait pour elle et il en gardera une copie.

Contrairem­ent à Pickton, Williams plaide coupable à toutes les charges portées contre lui, soit 82 chefs d’accusation. L’enquête de Williams aura fait réactiver plusieurs cas de meurtre non résolus à travers le pays. Près d’une cinquantai­ne de vols de lingerie en 2006 lui seraient attribués. Durant sa détention, en 2010, il tentera de se suicider en s’enfonçant un carton de rouleau de papier hygiénique dans la gorge.

Une drôle de coïncidenc­e à noter : Russell Williams a gradué à la même école que Paul Bernardo [partenaire de vie et de crimes de Karla Homolka] en 1987, à Scarboroug­h, Toronto.

FYFE Plus près de nous encore, le plus grand tueur en série arrêté au Québec est William Patrick Fyfe. Né en Ontario, mais ayant grandi dans le quartier Ville Saint-laurent, à Montréal, Fyfe connaîtra ses dernières années de liberté à Saint-hyppolite, dans les Laurentide­s. Décrit comme un enfant attachant et calme, il devient un peu plus rebelle en grandissan­t. Dans les décennies 70 et 80, il sera appréhendé à maintes reprises pour des affaires de vols et d’effraction­s. Il aurait commis son premier meurtre en 1981 et cela prendra près de 20 ans pour le relier à son crime. C’est en 1999 qu’un homme a reconnu le visage du meurtrier et s’est rappelé avoir joué au hockey avec lui quand il était adolescent. Il n’avait jamais été ami avec lui, car il le trouvait vindicatif et peu courageux. Il se rappelait surtout que sa propre mère avait été tuée en 1981. Il en avait fait part aux enquêteurs et, finalement, il avait bel et bien joué au hockey avec celui qui allait devenir le meurtrier de sa mère. Fyfe a reconnu sa culpabilit­é sur cinq meurtres de femmes, mais plusieurs sont d’avis que le réel compte pourrait être différent. Dans le domaine des cas non résolus, son nom est évoqué très souvent. Or, une fois incarcéré, il a avoué quatre autres meurtres dont les policiers ne disposent d’aucune preuve biologique. En échange de ses aveux, Fyfe voulait être transféré dans une prison de Saskatchew­an.

Il possède plusieurs caractéris­tiques du tueur en série stéréotypé. Son mode opératoire est rythmé, du moins pour les meurtres qu’on lui connaît : il s’attaque à des femmes dans la cinquantai­ne qu’il approche avec le subterfuge d’un service à rendre. Il les viole avec brutalité, les poignarde et dérobe des objets. Une de ses dernières victimes, soit Mary Glen, est retrouvée affreuseme­nt mutilée. Son corps est lacéré de haut en bas et son crâne porte des fractures ouvertes. Fyfe met du temps à être soupçonné et arrêté, car malgré son passé criminel, il demeure blanc comme neige de 1989 à 1999 face aux autorités (hormis une infraction au Code de la route). Il est décrit comme un homme serviable et même les fils de sa conjointe sont bouleversé­s par cette tournure inattendue.

Toutefois, William Fyfe n’a pas l’exubérance du parfait tueur en série à la personnali­té narcissiqu­e. Il n’a jamais voulu dire aux policiers pourquoi il avait tué ces femmes et il refuse toute demande d’entrevue.

OLSEN Fyfe sera dorénavant le pire tueur en série au Québec. Mais au Canada, c’est Clifford Olsen qui aura fait le plus de victimes, et ce, de la manière la plus abjecte. Sévissant sur une période de moins d’un an, en 1980, il assassina 11 garçons et filles. Il prit soin d’enregistre­r ses viols et ses meurtres pour envoyer ces épouvantab­les audio sur la boîte vocale de certains parents. Incarcéré ici, à Sainte-anne-des-plaines, il aurait même envoyé des lettres à quelques parents pour révéler des détails sordides. Malgré des essais infructueu­x de demande de libération, il restera détenu jusqu’à sa mort, en 2011. THÉRIAULT Dans un cas plus médiatisé ici au Québec, nous ne sommes pas sans oublier Roch « Moïse » Thériault.

Né en 1947 d’une union incestueus­e, Roch Thériault se mariera en 1967 et aura deux garçons. Impliqué dans sa localité, il quittera toutefois cette vie pour partir sa propre communauté basée sur une théorie apocalypti­que selon laquelle il prédisait une imminente fin du monde pour 1979.

L’histoire prend une tournure dramatique lorsque la communauté déménage en Gaspésie et que la secte commence à être médiatisée. Toutefois, c’est à Burnt River, en Ontario, que les pires atrocités seront commises. Roch Thériault demandera aux disciples d’en battre d’autres, sous peine d’être eux-mêmes infligés de violentes correction­s. En mars 1981, Ézéchiel, enfant de la communauté, meurt après avoir été battu et circoncis sans soins médicaux. À la suite de cet évènement, Moïse va castrer l’homme ayant battu l’enfant en guise de punition. Cet homme ira ensuite dénoncer la secte à la police de la localité.

Au printemps 1989, Roch réalise que Gabrielle Lavallée a un doigt paralysé. Il décide de lui couper pour ensuite amputer complèteme­nt sa main, à froid. Il cautériser­a lui-même la douloureus­e plaie. C’est après cet évènement qu’elle se sauvera et ira tout dénoncer de cette vie de famine et de sévices que vivaient les disciples de Thériault. Elle racontera aussi que Solange Boilard, disparue depuis un an, avait été tuée par Roch à la suite d’une opération maison aux intestins. Il racontera lui-même avoir déterré les restes de Solange pour se masturber avec les os de son crâne et pour y recueillir des « souvenirs » qu’il portera sur lui. C’est ce qui marquera la fin du règne de Roch « Moïse » Thériault. Il sera arrêté alors qu’il tentera de fuir aux Étatsunis et écopera d’une peine de prison à perpétuité. Il se mariera en 1996 à Port-cartier avec Chantal Labrie, femme qui était sous son joug depuis sa jeune vingtaine.

Roch Thériault est décédé en 2011 de mort violente durant son incarcérat­ion. Matthew Gerard Macdonald le tuera au terme d’une bagarre. Ce codétenu, qui purgeait déjà une peine pour le meurtre violent d’un chauffeur de taxi en Colombie-britanniqu­e, écopera d’une peine de 25 ans pour meurtre non prémédité.

Des crimes ignobles au Canada, il y en a eu beaucoup, malheureus­ement. Juste à Toronto, ville où les archives judiciaire­s sont luxuriante­s, il y a de nombreux cas d’homicides non résolus. Il arrive que certains aient été moins médiatisés, par exemple lorsque l’accusé plaide coupable, évitant ainsi un procès. Cependant, on a eu notre part de « sautés » ici aussi, comme ailleurs…

ON A EU NOTRE PART DE « SAUTÉS » ICI AUSSI, COMME AILLEURS…

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