Summum

Mike Beaudoin cueille nos rires un soupir à la fois

- PAR MIKE BEAUDOIN PHOTOGRAPH­E : SARAH DAGENAIS - WWW.SARAHDAGEN­AIS.COM

T’AS LE CHOIX ENTRE ALLER AUX POMMES OU LE DIVORCE

Je te raconte souvent des anecdotes que j’ai vécues et je finis souvent par mal gérer la situation même si je me force. Ce mois-ci, c’est différent. Je vais te raconter quelque chose que je vis chaque année, que je déteste, pis j’me force pas pour améliorer la situation. Je te parle bien évidemment des osties de pommes. Ben oui, c’est l’automne, alors l’école est commencée, la routine est reprise, l’été est fini pis c’est le temps des pommes.

L’activité par excellence pour les familles, les couples et les personnes qui veulent scrapper une belle fin de semaine tranquille avec le peu de belles journées ensoleillé­es qu’il nous reste. Chaque année, le monde vire fou : « Pourquoi j’irais acheter mes pommes à l’épicerie à un prix abordable quand je peux aller me faire chier à 45 minutes de chez nous, dans le trafic, à les cueillir moi-même? »

Toutes les blondes que j’ai eues voulaient aller aux pommes. Je sais pas pourquoi, mais on dirait quand l’automne arrive qu’elles ont une rage soudaine de mettre des bas de laine et des chemises carreautée­s pis de nous regarder sacrer en transporta­nt l’échelle d’un pommier à l’autre.

Beaucoup de personnes pensent que c’est une invention des pomiculteu­rs pour faire plus d’argent et travailler moins. Mais c’est faux, la légende du temps des pommes veut qu’un jour, une femme qui trouvait le temps long avec son mari lui a proposé une activité. Évidemment, le mari grognon ne voulait pas alors elle lui a donné quelques options.

- Tu as le choix de venir souper chez ma mère, faire du vélo en tandem, aller aux pommes ou je divorce.

Le mari ne se doutait pas que sa femme allait lui tendre un piège, il avait le choix, mais pas vraiment. C’est un peu comme devoir choisir entre te faire « kicker » dans les testicules ou te faire « puncher » dans face par Georges St-pierre. T’as le choix, mais pas vraiment.

L’homme n’a donc eu le choix que de prendre l’activité qui lui semblait la moins pénible en se disant : « Bah, une heure pis c’est fini, après j’en entendrai plus jamais parler. » Erreur! La femme ensuite appela toutes ses amies pour leur donner son truc et c’est ainsi que tous les ans, à l’automne, le temps des pommes est devenu une activité obligatoir­e pour le bien du couple.

Donc à cause de ce gars-là, j’suis encore pris dans le trafic avec les autres pas de colonne qui se rendent tous aux 2-3 mêmes vergers avec juste une route et qui, dans le confort de leur voiture, vont pogner les nerfs, serrer les cuisses des enfants qui donnent des coups de pied dans le dossier, crier « vos yeules » au moins 7 fois et regarder avec colère sa femme qui rayonne de bonheur à l’idée de marcher dans le verger avec du linge qui match avec les couleurs de la nature.

Je le sais, je le vis chaque année. Tu arrives, te stationnes dans la boue, sors de l’auto et te fous les pieds direct dedans, marches 10 minutes parce qu’arriver à 8 h le matin ç’a l’air que c’est pas assez tôt pour avoir du stationnem­ent proche. Ensuite, tu vas faire la file pour aller décider combien de sacs tu vas prendre. Des petits? Des gros? Un, deux, trois, mille? On sait pas, c’est pas toi qui décides anyway. Ah oui, pis ça coute 20 $ par sac. Au prix que tu dépenses cette journée-là, tu pourrais aller à l’épicerie et dire : « J’vais acheter le présentoir au complet s’il-te-plaît. »

Ensuite, tu vas attendre un tracteur des années 20 avec une centaine d’autres inconnus pour faire une balade à 0,4 km/h jusqu’à l’endroit où tu vas pouvoir cueillir tes $%*iss de pommes! Balade qui se fait à pied en 3 minutes, mais que tout le monde insiste pour faire en 20 minutes là-dedans. C’est tellement pas rapide que j’ai vu une madame en marchette nous dépasser et nous faire des « fingers » en nous disant : « Vous êtes pathétique­s. »

Arrivé sur place, tu vas sauter sur la première échelle que tu vois pour prendre les pommes plus hautes, de toute façon c’est ton seul bonheur de la journée, grimper dans un arbre. Mais dépêche-toi parce qu’ils ont mis 5 échelles pour 15 000 pommiers.

Tu vas remplir tes 10 sacs de pommes le plus possible pour essayer de rentabilis­er ton achat, mais ça donne rien, tu te fais du mal et tu le sais. Tes doigts vont commencer à ressembler à des p’tites saucisses mauves tellement y’a plus de sang qui circule dans tes mains parce que les sacs sont trop lourds.

Et juste au moment où tu vas t’en rendre compte, les sacs vont fendre, tomber par terre et les belles pommes que t’avais choisies pour leur perfection sont rendues pleines de poques. C’est là que les enfants vont commencer à trouver ça long, que tu vas comprendre que t’as perdu tes lunettes de soleil et qu’il est juste 8 h 25.

Tu vas attendre le tracteur comme un imbécile avec tes 10 sacs fendus sur le bord du chemin pendant que ta blonde pis les enfants s’amusent à prendre des photos thématique­s sur Instagram. Quelques minutes ou heures plus tard, ça dépend de leur shooting, vous allez faire le labyrinthe de bottes de foin, donner de la bouffe sèche à tous les animaux de la mini ferme qui puent avec un paon en dépression pis un mouton pas lavé depuis la Première Guerre mondiale.

Tu penses que c’est fini!? Ben non! Vous allez faire une dégustatio­n dans la boutique, l’écouter essayer de décortique­r chaque cidre comme si c’était une profession­nelle, acheter des tartes, des suçons, du jus pressé à la main par le pomiculteu­r lui-même pis 12 bouteilles de cidre parce que « c’est juste une fois par année ».

Il est 11 h 30, t’es à bout de nerfs pis les enfants veulent aller jouer dans le parc. Ben oui, y’a un parc beaucoup plus gros en arrière de la maison pis y veulent jamais y aller, mais les vieux « tires » peints rouges pis les balançoire­s avec des noeuds dans les chaînes, ça c’est « nice ».

Il est 13 h, vous partez enfin parce que les enfants voulaient manger et t’as réussi à négocier qu’ils bouffent les tartes dans l’auto au lieu de rester au restaurant du verger qui t’aurait coûté le prix d’une Mercedes de l’année.

Tu reviens chez vous épuisé, brûlé, aucune patience, mais les kids pis ta blonde sont contents. Toi aussi t’es content, parce que la pire journée de l’année est finie, il te reste 364 jours de congé pour oublier ce que tu viens de vivre… et de dire : « Ok, on va y aller aux pommes l’automne prochain. »

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