Summum

SuL’ BS MAlGRé MOi

- PAR ALEX ROOF PHOTOGRAPH­E : FRANCA PERROTTO - WWW.FRANCAPERR­OTTO.COM

Pour cette chronique, j’ai décidé de me mettre à nu pour vous. évidemment, je parle ici de l’expression « se mettre à nu », ce qui veut dire que je vais vous parler d’un sujet dont je n’ai jamais osé parler publiqueme­nt. Pas dans le sens que j’écris cette chronique complèteme­nt nu, ça, je le fais tout le temps… c’est pour ça que je ne peux plus aller écrire au Starbucks.

Sautons dans le vif du sujet : j’ai déjà été sul’ BS! lors de ma première année en humour, je gagnais environ 100 $ par mois en faisant quelques spectacles. la plupart du temps, je n’étais pas payé. Et quand j’étais chanceux, j’étais payé en bières. C’est pas comme ça que tu payes ton appart à moins que ton proprio ce soit Jerr Allain!

J’avais un ami artiste à l’époque qui était sur l’aide sociale. il l’est encore aujourd’hui d’ailleurs. Sa carrière est comme les ventes du magazine SUMMUM : en chute libre! J’habitais dans un très petit 3 et demi que je n’arrivais pas à payer avec les revenus de mes spectacles. Pour vous donner une idée de la grandeur de mon appartemen­t, je pouvais être assis sua’ bol en train d’chier, recevoir un colis UPS et brasser mes rāmen sur le poêle en même temps. évidemment, je blague : je n’avais pas de poêle.

J’ai donc eu recours à l’aide sociale. Pour faire une demande, tu dois te présenter au centre local d’emploi de l’arrondisse­ment de ta ville. il y a une grande salle d’attente et tu dois prendre un numéro comme lorsque tu attends à l’hôpital. Ou pour les gens de laval, comme à la SAAQ quand tu veux faire changer ta plaque d’immatricul­ation pour une plaque personnali­sée. Ou pour ceux de l’Abitibi, comme quand tu vas à la SAAQ quand tu viens de perdre ton permis. Ou pour les gens de la Beauce, comme à la régie du logement quand… Bon OK, vous avez compris le principe!

Je n’ai pas de préjugés sur les gens qui ont recours à l’aide sociale : c’est une aide essentiell­e pour certaines personnes qui ne peuvent pas travailler pour de multiples raisons, et je ne jugerai jamais personne à ce niveau. Cela dit, nous sommes dans une chronique humoristiq­ue et laissez-moi vous décrire la scène de façon très objective. J’arrive là-bas le matin après avoir pris une bonne douche. Déjà, tu vois que je ne « fitais » pas dans le décor! le seul point en commun que j’avais avec les autres, c’est que je n’étais pas le seul à avoir des trous dans mes jeans. la différence, c’est que moi, c’était un choix.

Je pouvais lire dans les regards des gens posés sur moi : « Ah c’t’hostielà, y doit venir de gagner à la loterie, y’a toutes ses dents! »

Je m’assois dans la salle d’attente à côté d’une dame qui avait l’air d’une escorte à la retraite forcée ayant snifé toutes ses payes et celles de sa fille. De l’autre côté, il y avait un gars avec autant de tatouages que Zombie Boy. Sincèremen­t, y’avait l’équivalent de la valeur d’une Ferrari dans sa face! Pas obligé d’être Pierre-Yves McSween pour voir que son argent était mal investi. S’il ne se tatouait pas à chaque premier du mois, ce gars-là pourrait s’acheter au moins cinq Ferrari. Oui, je calcule tout en Ferrari!

Parmi ses tattoos dans le visage, il avait une larme de tatouée sous l’oeil, ce qui signifie qu’il avait déjà tué quelqu’un. Ça faisait même pas deux minutes que j’étais là et je pouvais savoir juste à l’odeur que non seulement la dame à côté de moi avait une vaginite, mais que le gars de l’autre côté avait déjà tué quelqu’un de façon totalement gratuite! Ça replace les choses en perspectiv­e… Comment veux-tu que je me trouve une job quand lui est sur le BS alors qu’il a tous les prérequis pour être policier?

Dans la salle d’attente, il y avait une dame derrière un gros plexiglass qui servait les diplômés de l’école de la vie. Oui, un plexiglass 10 ans avant la COViD! Eux, y’avaient déjà compris les problèmes des postillons de salive.

Au début, j’ignorais pourquoi une barrière en plastique d’une telle épaisseur. Quand la dame a appelé le tueur et qu’il s’est levé pour l’engueuler en la traitant de pute, car il n’avait pas reçu son chèque le premier du mois, j’ai compris l’utilité du plexiglass. il frappait dedans! Pas la dame, mais la vitre!

Plus mon tour approchait, et plus je devenais stressé! Vont-ils accepter ma demande si je ne sacre pas et que je ne traite pas la gentille dame de pute?

JE m’ASSOiS dAnS LA SALLE d’AttEntE à côté d’unE dAmE qui AvAit L’AiR d’unE EScORtE à LA REtRAitE FORcéE AyAnt SniFé tOutES SES PAyES Et cELLES dE SA FiLLE

J’attendais mon tour et je me faisais très discret. Je ne voulais pas que quelqu’un cherche le trouble avec moi. De toute façon, je n’aurais pas pu dire : « On va régler ça dehors, m’a t’péter les dents! » Crisse, y’en ont déjà pas!

Quand ils ont nommé mon numéro, j’ai quitté le troupeau pour me diriger vers la dame au comptoir derrière la vitre du zoo. De façon extrêmemen­t maladroite, j’ai demandé le formulaire en sacrant inutilemen­t tout en restant très poli et courtois. Ça ressemblai­t à : « Bonjour crisse, puis-je avoir le tabarnak de formulaire s’il vous plaît? »

J’ai été sur l’aide sociale quelques mois pour ensuite quitter, car, heureuseme­nt, mes revenus via mes spectacles d’humour ont commencé à me permettre de payer mon microscopi­que appartemen­t. Ne vous fiez donc plus aux apparences : ce n’est pas tous les BS qui ont le look des personnage­s des Bougon!

Newspapers in French

Newspapers from Canada