DES ATELIERS 100 % FÉMININS
Un atelier de mécanique vélo ? Formidable ! Tout le monde est pour la vertu. Un bon cycliste est un cycliste autonome, qui connaît assez les rudiments de la mécanique de sa monture pour se rendre jusqu’à la prochaine halte. Mais… un atelier à l’intention
J e l’avoue, je n’en voyais pas l’intérêt. Je suis donc allée rencontrer Pierre Grouiller, propriétaire de l’école de mécanique vélo Techno Cycle, qui propose des ateliers exclusivement consacrés aux filles qui ont envie d’apprendre la mécanique vélo.
Située dans l’ouest de Montréal, l’entreprise est l’une des seules du Grand Montréal à offrir des cours spécialisés autant de niveau débutant (réparer une crevaison, changer un pneu, ajuster ses systèmes de freins et de vitesse) que de niveaux spécialisés tels que « fourches à suspension » et « montage de roues ».
L’école a été fondée en 1994 par la célèbre Denise Belzil, experte mécanicienne et auteure de deux manuels de mécanique respectivement intitulés Mécanique vélo: les roulements (moyeux, jeux de pédalier et jeux de direction) et Mécanique vélo: ajustement des systèmes de vitesse et des freins. Tiens donc, une fille…
Venu au Québec faire une maîtrise en génie industriel après un bac en génie mécanique, et après des années à rouler et à jouer au mécanicien avec différents clubs de France, Pierre Grouiller n’est jamais reparti, intégrant des équipes comme Marin Bikes Canada, Lowest Rates et BartCoaching. D’abord employé puis associé de Denise Belzil, « de qui j’ai beaucoup appris », dit-il, Pierre Grouiller a repris le flambeau de Techno Cycle quand Denise a pris sa retraite, et il en est aujourd’hui l’unique propriétaire.
Il m’a reçue par un glacial dimanche de mars. L’atelier était bondé, comme si nous avions été en haute saison. L’accueil chaleureux du Toulousain, sa simplicité et sa pédagogie naturelle y sont certainement pour beaucoup. Nous avons longuement discuté de mécanique vélo, mais aussi de compétences, et de la place des femmes dans un monde encore très masculin.
Les ateliers 100 % féminins sont venus d’une demande des filles qui se sentaient intimidées à l’idée de se joindre à un groupe où il n’y avait souvent que des gars, nous apprend Pierre Grouiller. « Je ne pouvais pas les blâmer: il y avait parfois des remarques sexistes, voire carrément déplacées, et même si nos formateurs intervenaient toujours pour que ça cesse (il nous est même arrivé de sortir certains participants de nos cours), je pouvais com-
« J’ai eu des réactions de filles exaspérées qu’on veuille les cantonner dans un ghetto “juste pour filles”, qu’elles considéraient comme condescendant, argumentant qu’elles étaient aussi bonnes que les gars et qu’elles ne désiraient pas de traitement spécial. » Pierre Grouiller
prendre l’agacement des filles, qui n’avaient pas envie de se taper les commentaires de ces messieurs. »
« Par contre, ajoute-t-il, amusé, j’ai eu des réactions de filles exaspérées qu’on veuille les cantonner dans un ghetto “juste pour filles”, qu’elles considéraient comme condescendant, argumentant qu’elles étaient aussi bonnes que les gars et qu’elles ne désiraient pas de traitement spécial. Par conséquent nous avons également des ateliers mixtes, et les filles sont bienvenues partout. »
Parlant de compétences, je lui ai demandé comment se débrouillaient les filles dans les ateliers de mécanique vélo, en comparaison des gars. Pierre Grouiller a éclaté de rire : « Elles sont souvent meilleures! Elles s’appliquent, elles sont minutieuses, elles n’ont pas peur de poser des questions, de demander de l’aide. Résultat: elles sont moins téméraires avec l’équipement, et nous avons moins de bris qu’avec les machos qui veulent prouver qu’ils sont les plus forts. » Qu’on se le dise: pour Pierre Grouiller, la mécanique vélo n’est pas une affaire de gros bras, mais de finesse, d’habiletés manuelles et d’expérience.
Nous écrivions donc qu’un bon cycliste est un cycliste autonome... Mesdames, bienvenue dans votre atelier de mécanique. technocycle.ca