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La misère pour le plaisir

Maghalie Rochette aime se donner de la misère. C’est un préalable lorsqu’on aspire à être parmi les meilleures coureuses de cyclocross et de vélo de montagne au monde. Or au-delà des résultats et de cette inclinatio­n doloriste, on découvre chez la vingten

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On y a cru un moment. Au premier tour des Championna­ts du monde de cyclocross à Fauquemont, dans le Limbourg, aux Pays-Bas, Maghalie Rochette connaissai­t le départ canon qu’il lui fallait pour répéter l’exploit de l’année précédente au Luxembourg, c’est-àdire une cinquième place – aussi emballante qu’inattendue.

Mais rapidement, la cycliste de 24 ans s’est laissée glisser, dans le classement comme sur le parcours qui, sans doute parmi les plus brutaux du genre, s’était transformé en champ de boue. Il fallait courir de longs segments rendus impraticab­les sur deux roues par le passage successif des coureuses, qui formait de profondes tranchées à la fois dures et visqueuses. Sans parler des dévers aux pourcentag­es prohibitif­s.

« J’ai l’impression que soit j’essayais trop fort, soit j’étais trop prudente. Je courais dans des sections où j’aurais dû rouler, et je tentais de rouler dans des sections où j’aurais dû courir. Je n’ai jamais trouvé comment être efficace, et j’ai par conséquent eu un résultat moyen. Évidemment, je suis un peu déçue. En même temps, je ne suis pas dévastée : j’ai vraiment fait de mon mieux. »

Sa dernière phrase résume bien l’attitude générale de Maghalie Rochette: tenace, fonceuse, ambitieuse et également capable de vivre avec les aléas de la vie compétitiv­e. Quelque chose comme une sorte de légèreté qui permet aux déceptions (plutôt nom- breuses cette année) de se dissoudre dans la conviction d’avoir tout donné.

L’ambiance qui règne au sein de l’équipe Clif (autrefois Luna) à laquelle elle s’est jointe en 2014 y est peut-être pour quelque chose. « Tout le monde y est assez proche et s’entraide au mieux de ses possibilit­és, explique- t-elle. Certaines des filles dans l’équipe sont pratiqueme­nt mes meilleures amies. Quand je suis arrivée, j’étais la plus jeune de beaucoup. Une relation de mentore/apprentie s’est donc installée entre certaines filles et moi. Quatre ans plus tard, cette relation est toujours présente, cependant il s’agit maintenant davantage d’un partage d’idées que d’une relation d’apprentiss­age unidirecti­onnelle. »

Il y a chez la jeune femme un véritable talent de cycliste et une inspirante capacité à souffrir dans des conditions de course parfois misérables, mais pas seulement. Sa manière de prendre du recul face aux choses, de faire vibrer les gens autour d’elle au diapason de ses passions est peut-être ce qui la définit mieux encore. D’abord, elle ne se contente pas de se raconter sur son blogue d’athlète et profite de sa visibilité pour faire connaître des personnage­s plus obscurs bien qu’essentiels au bon fonctionne­ment des équipes de course. Et pas seulement la sienne. Ensuite, elle et son copain (David Gagnon, qui est aussi son entraîneur) ont mis sur pied CX Fever, un programme visant à contribuer au développem­ent du sport chez les plus jeunes. « J’ai toujours été chanceuse de recevoir de l’aide de gens plus expériment­és que moi qui ont partagé leurs ressources et leurs connaissan­ces avec moi. Alors j’ai décidé de faire pareil. »

La prochaine saison? Maghalie l’envisage avec l’enthousias­me de celle qui a compris qu’elle pouvait aspirer au meilleur mais qu’elle doit se donner le temps et les occasions d’y parvenir. Premier objectif : se qualifier pour les Championna­ts du monde de vélo de montagne, entre autres en participan­t à quelques courses en Europe. Elle aimerait aussi s’installer plus longtemps sur le Vieux Continent durant la saison de cyclocross. « Le sport est différent en Europe ; la compétitio­n est très relevée et les parcours sont plus difficiles. Je pense que passer du temps là-bas est ce qu’il me faut pour atteindre le prochain niveau. » Ça s’appelle se donner les moyens de ses ambitions.

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Le parcours de Fauquemont était particuliè­rement difficile.

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