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LE VÉLO SOUVERAIN

Une étoile blanche sur fond bleu s’est ajoutée aux lignes jaunes et rouges du drapeau catalan. Empruntée au drapeau cubain, elle marque énergiquem­ent le désir du peuple catalan de couper les ponts avec l’Espagne. En attendant de rouler officielle­ment en p

- TEXTE ET PHOTOS JACQUES SENNÉCHAEL

L e Canadien Michael Woods connaît toutes les routes de la région de Gérone. Et pour cause: celui qui a terminé 7e de la dernière Vuelta y a creusé son nid. Ce n’est pas compliqué, on peut y rouler à l’année et on y trouve des merveilles de routes pour vélo à quelques minutes de la ville.

En attendant de voir le clocher de la cathédrale de Gérone, les premiers tours de roue se font de l’autre côté de la frontière, à Collioure. Le pays catalan, c’est aussi en France, même s’il y est un brin moins revendicat­eur. Nous sommes aux prémices des Pyrénées, qui sont à portée de vue. Les routes serpentent entre des terres arides qui ont du mal à retenir l’eau. Quelques chênes-lièges ont réussi à pousser sur le sol calcaire et rocheux.

En guise de mise en jambes en ce premier jour de vélo, le col de Llauro, diverses petites villes qui sonnent en ou ainsi qu’un bout de littoral déserté par les touristes feront parfaiteme­nt l’affaire. Ne restera qu’à déguster des anchois en revenant à Collioure. Ceux aux vinaigres se digèrent fort bien!

Les murs blancs de Cadaqués

Brève incursion dans la montagne en quittant Collioure, histoire de jeter un coup d’oeil sur la Tour Madeloc. Ici, lorsque le soleil tape contre la pierre, il doit faire très chaud à grimper les lacets tortueux. L’ascension est pas mal plus frisquette quand la tramontane s’en mêle. Ce vent venu tout droit des massifs montagneux tempère les ardeurs du soleil. Parfait pour pédaler!

La redescente en direction du littoral se fait tout en douceur. La mer est bordée de caps et de corniches. La frontière espagnole se passe en un instant – nous nous apercevons à peine que nous venons de changer de pays. Courte pause dominicale dans un village. Sur la place principale, la fanfare est de sortie et fait danser jeunes et moins jeunes. Premières tapas sur le pouce, bienvenue en Espagne !

Avant d’arriver à Cadaqués, nous traversons le parc naturel du Cap de Creus, un beau massif montagneux aux routes tout en courbes d’où nous jouissons d’une superbe vue sur les collines environnan­tes. Nous nous surprenons à rouler en petit groupe tant la circulatio­n est tranquille. Un dernier effort, puis une chouette descente vers les murs blancs de Cadaqués, qui se dévoilent au dernier moment.

La commune est isolée par la montagne et résolument tournée du côté de la mer. Comme elle est moins facilement accessible que d’autres villes du bord de mer, elle a été protégée des gourmandis­es des promoteurs immobilier­s. D’autant plus qu’un certain Salvador Dalí a mis son grain de sel afin de préserver le site ayant bercé son enfance. Ici, les anchois dans le vinaigre s’appellent boquerones et sont aussi délicieux qu’à Collioure, surtout dégustés en terrasse, à trois pas de la mer qui clapote.

Dalí à Figueres

Parvenir à la ville de Salvador Dalí exige que nous nous éloignions de Cadaqués en ascensionn­ant ce qui a été descendu la veille. Tant qu’à y être, autant continuer vers le monastère de Sant Pere de Rodes. Sa position élevée donne sur la mer et sur Cadaqués.

De l’autre côté, place à la plaine jusqu’à Figueres, localité où Dalí est né et où il est mort. Outre le musée qui lui est consacré, ne soyez pas surpris de voir au détour d’une rue une sculpture atypique ou une Fiat 500 arborant mille couleurs: la ville assume fort bien le côté frondeur de l’artiste!

Quitte à rester à Figueres, offrez-vous une boucle en rejoignant les Pyrénées nd par le nord. Quelques sinuosités, puis vous arrivez à La Vajol. Sous la chaleur, cette commune cache toute une histoire. Comme elle est à proximité de la frontière française, elle fut le point de passage de ceux qui fuyaient le régime de Franco. En février 1939, le chef de file du camp républicai­n Manuel Azaña prit la route de l’exil en passant par La Vajol.

Nous rendre jusqu’à Olot nous oblige à laisser la plaine derrière pour mettre les roues dans la zone volcanique de la Garrotxa. Pas moins de quatre volcans dorment sur le territoire de la commune aux rues pavées. Endroit idéal pour une journée de repos, surtout quand la météo s’en mêle!

Les lumières de Gérone

La pluie de la veille a laissé des traces. Un petit 10 degrés et une épaisse brume recouvrent la route en direction de Girona la catalane (ou Gerona l’espagnole!). Ce départ à la fraîche va en définitive s’avérer une des plus belles journées du séjour.

Après quelques kilomètres dans le brouillard, le soleil sort enfin vainqueur. Pas vraiment, en réalité: c’est notre ascension d’une vingtaine de kilomètres vers le sanctuaire Del Far qui nous fait émerger des nuages. La végétation change, et une odorante pinède nous accueille à plus de 1200 m d’altitude. C’est là que le spectacle commence.

Nous arrivons sur un des belvédères les plus remarquabl­es de Catalogne. En bord de falaise, nous avons une vue extraordin­aire sur les montagnes

environnan­tes et le fleuve Ter. Nous nous payons même luxe d’un café afin de laisser le temps à la brume de se dissiper dans le fond de la vallée.

La descente est tout aussi exaltante, la route est étroite et surtout peu fréquentée. La suite en direction de Girona est une douce partie de plaisir en faux plat descendant. Quelques villages traversés, et nous arrivons juste avant qu’un gros orage éclate sur la ville.

C’est le genre d’orage qui magnifie les choses. Sous le ciel sombre, le soleil réapparaît, colorant d’or les murailles de la cité. Juste pour ça, cela vaut les milliers de coups de pédale. Particuliè­rement quand vous avez la chance de déguster un festival de tapas au Zanpanzar, un exigu restaurant basque surpeuplé et extrêmemen­t chaleureux.

La ville est considérée comme un des endroits où on vit le mieux en Espagne. De nombreux cyclistes pros ont choisi d’y résider. C’est d’ailleurs la seconde patrie de notre collaborat­eur David Desjardins, qui ne fait pas qu’y emprunter des Girocleta, le vélo en libre-service local. Il nous propose en page 34 plusieurs réjouissan­ts parcours.

Revoir la mer Il faut à peine une petite soixantain­e de kilomètres avant de retrouver les verts et les bleus de la Méditerran­ée. Le temps de le dire, nous sortons de Girona et nous voilà sur une route gravissant vers le sanctuaire de la Mare de Déu dels Àngels. Des chênes-lièges, une circulatio­n inexistant­e, un relief régulier… un paradis pour cyclistes, oui, nous en sommes près!

Nous ne manquerons pas de nous arrêter à Castelli d’Emporea dans le but de visiter l’étrange village de rues pavées. Le glacier local y propose une surprenant­e glace au roquefort…

Suivre la mer à partir de Pals jusqu’à Tossa de Mar n’est pas nécessaire­ment de tout repos. Le labyrinthe des rues de Begur avec face de singe à 20 % offre tout de même de magnifique­s vues en plongée sur la mer. Le cap de Sant Sebastià nous laisse découvrir un fabuleux panorama avant que nous

goûtions la quiétude de la baie de Calella puis de la commune de Palamós.

C’est le temps de nous détendre les jambes, en prévision d’affronter un autre bijou de parcours du voyage. Entre Sant Feliu de Guíxols et Tossa de Mar, la route s’élève le long du littoral rocheux. De douces montées, des courbes harmonieus­es en descente. La route, taillée au scalpel, épouse les abrupts de la côte et s’ouvre sur d’impression­nantes perspectiv­es. À effectuer en fin de journée, au déclin du jour. On peut même se payer le luxe de prendre la route qui se hisse vers l’ermitage de Sant Grau ; au prix d’efforts supplément­aires, la vue sur la mer y est encore plus spectacula­ire. La Costa Brava (« côte démontée ») porte ici fort bien son nom. D’ailleurs, il est temps de délaisser le vélo et d’adopter masque et tuba. À quelques encablures de la plage, les fonds marins sont d’une transparen­ce phénoménal­e. Le genre de souvenir visuel qui vous aide à passer l’hiver en attendant votre prochain voyage.

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Le sanctuaire Del Far, la récompense du jour
 ??  ?? La belle Cadaqués Départ dans la brume Ici, on respecte l’histoire. Pays de mer et de montagne Haricots aux palourdes, une des nombreuses spécialité­s catalanes
La belle Cadaqués Départ dans la brume Ici, on respecte l’histoire. Pays de mer et de montagne Haricots aux palourdes, une des nombreuses spécialité­s catalanes
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 ??  ?? Sant Feliu de Guíxols-Tossa de Mar, un bijou de parcours
Sant Feliu de Guíxols-Tossa de Mar, un bijou de parcours

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